Grâce au sucre et à l’oxygène des cellules ainsi qu’à des enzymes utilisées comme catalyseurs, deux chercheurs de l’université Joseph Fourier de Grenoble ont inventé une biopile capable d’alimenter un pacemaker. Reste à stabiliser ces enzymes qui ont naturellement tendance à se dégrader.
Deux chercheurs de l’université Joseph-Fourier de Grenoble, Serge Cosnier et Philipe Cinquin, ont mis au point une biopile de puissance suffisante pour alimenter un stimulateur cardiaque (pacemaker), et ont réussi l’implantation de celle-ci dans un rat.
Pour alimenter un pacemaker, il suffit d’une puissance de 20 µW/cm2.
Pour cet exploit, ils ont été sélectionnés par l’Office Européen des Brevets (OEB) en vue du prix de l’inventeur de l’année 2014.
La pile en question fonctionne à partir d’une réaction d’oxydo-réduction existant dans le corps humain mais avec une très faible intensité : du glucose est oxydé et de l’oxygène est réduit (et donne de l’eau).
« C’est un procédé totalement naturel, basé sur l’oxydation du glucose par l’oxygène, mais qui normalement prend beaucoup de temps… C’est pourquoi, pour faire fonctionner la pile et pour que l’énergie se forme assez rapidement, on place des catalyseurs sur l’électrode de la biopile : les enzymes », explique le biochimiste Serge Cosnier, cité par le journal du CNRS.
Pour doper cette réaction, des enzymes ont ainsi été ajoutées, jouant un rôle de catalyseurs.
Ultérieurement, en comprimant ces enzymes avec des nanotubes de carbone, les chercheurs ont encore amélioré le procédé : ils ont créé un agrégat à très forte densité de catalyseurs, ce qui leur a permis d’obtenir une biopile de puissance au moins 10 fois plus importante que la version sans nanotubes de carbone.
Et cette pile a été implantée avec succès dans un rat de laboratoire.
Un pacemaker à biopile dans 10 ans
La mise à disposition des porteurs de pacemaker d’une telle biopile constitue une avancée considérable : « la pile classique a une quantité d’énergie limitée ; au bout de cinq à sept ans elle ne fonctionne plus et il faut opérer le malade pour la remplacer. À l’inverse, la biopile s’alimente continuellement via le sucre de l’organisme. Donc en théorie, tant que la personne est en vie, la pile est inépuisable !», indique M. Cosnier (in le journal du CNRS).
Toutefois, dans les faits, le problème de la dégradation naturelle des enzymes dans le corps et donc de la durée de vie de la biopile est toujours à l’étude. « En laboratoire, nos biopiles fonctionnent au moins huit mois », constate Serge Cosnier (le Journal du CNRS). « Nous travaillons actuellement à stabiliser ces enzymes. Une fois ce problème résolu, on pourra imaginer commercialiser le pacemaker à biopile dans une dizaine d’années », poursuit-il.
Les études sont menées en coopération avec Sorin, fabricant de pacemakers, et STMicroelectronics, fabricant de semi-conducteurs.
Une nouvelle génération de pacemakers devrait ainsi voir le jour : des dispositifs vissés sur le cœur en différents endroits, car la biopile sera capable d’alimenter plusieurs électrodes de stimulation.
Du fait de la puissance de la biopile, il serait même envisageable de corriger les insuffisances cardiaques et non plus seulement les arythmies (via pacemaker).
La biopile devrait aussi pouvoir alimenter d’autres dispositifs comme le sphincter urinaire (mis au point par UroMems) ou la pompe à insuline, et, dotée d’encore plus de puissance, des organes artificiels tels que des reins.
A noter que les chercheurs étudient également des batteries fonctionnant non pas avec du glucose mais avec du chlorure de sodium.