Le secteur de l’automobile et des transports traverse une période de turbulences, de transformations et d’opportunités. Les nouvelles technologies, les exigences des consommateurs, les pressions environnementales et l’évolution de la main-d’œuvre poussent les entreprises à réinventer des aspects fondamentaux de leur activité. Ils s’efforcent notamment de développer des véhicules plus avancés et plus performants, de trouver de nouvelles sources de revenus, d’améliorer l’expérience client et de modifier la manière dont les différentes fonctionnalités sont intégrées dans les véhicules.
Cette volonté de mettre sur le marché des solutions de mobilité de plus en plus avancées modifie la composition du marché de l’automobile. L’électrification des véhicules continue de gagner du terrain aux États-Unis et dans le monde entier. Les États-Unis devraient enregistrer un niveau record de ventes de véhicules électriques (VE), ces derniers représentant environ 9 % de l’ensemble des ventes de véhicules neufs en 2023. L’essor des VE stimule également la croissance de la production de véhicules et de batteries, les entreprises cherchant à répondre à la demande de moyens de transport avancés et écologiques.
Les ventes de VE ont augmenté dans le monde entier. Aux États-Unis, la part des VE dans les ventes de nouveaux véhicules devrait atteindre son niveau le plus élevé. (Crédit image : Getty Images/Maskot)
Le véhicule défini par logiciel
Pour les entreprises, les employés et les clients du secteur de l’automobile et des transports, l’électrification n’est qu’une partie d’un changement plus large de la nature même du secteur. Elle s’inscrit en effet dans une évolution progressive plus vaste qui voit le numérique prendre le pas sur l’aspect physique (la mécanique). Aujourd’hui, l’appétit des consommateurs pour les fonctionnalités avancées n’a jamais été aussi grand et les décisions d’achat de véhicule sont de plus en plus basées sur les fonctionnalités électroniques et logicielles innovantes proposées. Il s’agit notamment des fonctionnalités de confort et de commodité disponibles dans l’habitacle, telles que l’intégration entre le smartphone et le système d’infodivertissement, les systèmes avancés d’aide à la conduite et une automatisation croissante.
La popularité de ces fonctionnalités marque l’arrivée d’un nouveau paradigme dans l’industrie automobile, fondé sur les capacités des logiciels et des systèmes électroniques. À mesure que ces fonctionnalités deviennent plus désirables, les caractéristiques et les performances mécaniques du véhicule perdent de l’importance dans les décisions d’achat des consommateurs.
Parfaitement conscients de cette tendance, les constructeurs automobiles réorientent leurs programmes de développement de véhicules. Les systèmes mécaniques traditionnels restent importants, mais le temps, le budget et les ressources alloués aux programmes sont de plus en plus consacrés au développement de logiciels embarqués et de systèmes électroniques sur mesure. Parallèlement, la disponibilité de circuits intégrés puissants et toujours plus abordables et de réseaux de données embarqués plus rapides a permis aux constructeurs automobiles de faire évoluer les logiciels embarqués. Ce qui était auparavant des applications de bas niveau se transforme rapidement en systèmes d’exploitation sophistiqués à l’échelle du véhicule ou en plates-formes logicielles sur lesquelles diverses fonctionnalités plus avancées peuvent être développées.
S’appuyant sur ces plates-formes, les équipes d’ingénierie ont de plus en plus choisi de mettre en œuvre différentes fonctionnalités de manière logicielle. Aujourd’hui, cela se traduit par des plates-formes de véhicules qui utilisent des logiciels pour contrôler la totalité ou la plupart de leurs fonctionnalités, y compris celles qui semblent basiques, telles que les systèmes de direction ou la climatisation. C’est ce que l’on appelle désormais le véhicule défini par logiciel.
Dans l’évolution des véhicules, le véhicule défini par logiciel (en anglais, SDV, pour software-defined vehicle ) est le chaînon entre les VE d’aujourd’hui et les véhicules autonomes (VA) de demain. En particulier pour les systèmes de conduite autonome, le SDV constitue la base de plusieurs technologies essentielles, notamment les systèmes intégrés d’aide avancée à la conduite (ADAS) et de commande, les réseaux de données embarqués plus rapides et la possibilité de mettre à jour à distance le logiciel du véhicule (ce que l’on appelle communément les mises à jour OTA ou « over-the-air »).
Le rôle de la transformation numérique dans la transition vers la mobilité du futur
Le secteur de l’automobile et des transports est au seuil d’une transformation majeure, tant au niveau des produits qu’il crée que de la gestion des véhicules tout au long de leur cycle de vie. Le SDV constitue la première étape de cette transformation ; il jette les bases d’autres innovations à venir, et notamment de l’automatisation des véhicules et, éventuellement, de véritables modèles économiques de transport en tant que service. Mais si l’avenir est riche de possibilités, le chemin est encombré par plusieurs obstacles. On peut notamment citer la complexité croissante des véhicules, la pénurie de main-d’œuvre dans les domaines de l’ingénierie et de la fabrication, et un doute persistant quant à la résilience des chaînes d’approvisionnement mondiales.
Nous sommes convaincus que l’innovation dans les domaines des modèles économiques et de la conception, de la production et de l’entretien des véhicules pendant toute leur durée de vie permettra au secteur de surmonter ces défis et facilitera l’arrivée d’une mobilité plus efficiente et plus attractive pour les clients futurs. La transformation numérique peut aider les entreprises à favoriser et accélérer l’innovation dans tous leurs services et à tous les postes afin de répondre aux pressions qu’elles subiront dans un proche avenir et au-delà. Celles qui élaborent et mettent en œuvre un plan de transformation numérique à long terme dépasseront le stade de la simple connexion des données et pourront procéder à des améliorations de plus haut niveau, telles que l’automatisation de la gestion des données et, à terme, l’optimisation en boucle fermée des plates-formes de véhicules, des logiciels, de la production et plus encore, grâce aux technologies d’intelligence artificielle (IA) générative.
En discutant avec mes collègues de Siemens Digital Industries Software, nous avons commencé à formaliser les cinq grandes étapes de la transformation numérique (figure 1) : configuration, connexion, automatisation, conception générative et optimisation en boucle fermée.
Figure 1 : Le parcours de transformation numérique comprend cinq étapes-clés de maturité.
Aujourd’hui, la plupart des entreprises du secteur de l’automobile se cantonnent généralement aux deux premières étapes de ce processus de maturation. Ces étapes sont la configuration, c’est-à-dire le passage d’un cadre de données basé sur des documents à un cadre de données basé sur des modèles, et la connexion, qui se concentre sur le décloisonnement des données basées sur des modèles. Ces étapes améliorent considérablement la traçabilité et l’accessibilité des données dans l’ensemble de l’entreprise, ce qui permet d’augmenter l’efficience des processus, d’accroître la flexibilité de l’ingénierie et d’améliorer les résultats, même dans le cas de projets aux délais très serrés.
Pour les constructeurs automobiles qui entreprennent de développer un SDV, la configuration et la connexion représentent un seuil critique de maturité dans leur transformation numérique. Ces deux étapes jettent les bases d’une ingénierie pluridisciplinaire connectée, d’une gestion de la conception et d’une traçabilité solides grâce à des méthodes d’ingénierie des logiciels et des systèmes, ainsi que d’une vérification et d’une validation interdomaines des systèmes des véhicules. Ces capacités permettront aux équipes d’ingénieurs de codévelopper le matériel, les logiciels et les systèmes mécaniques, en veillant à ce que les systèmes logiciels, d’une importance croissante, soient bien intégrés au reste du véhicule, en particulier dans les aspects où la sécurité est essentielle.
Cependant, pour tirer pleinement parti des avantages du SDV et continuer de progresser dans le développement de modes de transport encore plus avancés, les constructeurs devront franchir les étapes suivantes de la transformation numérique que sont l’automatisation, la conception générative et l’optimisation en boucle fermée. Ces trois étapes s’appuient sur la puissance croissante de l’IA pour transformer les processus d’ingénierie et permettre à un ingénieur d’accomplir seul des tâches qui en mobilisaient auparavant plusieurs.
Pour tirer pleinement parti des avantages du SDV, les constructeurs devront franchir les étapes suivantes de la transformation numérique et mettre en œuvre les fonctionnalités basées sur l’IA que cette transformation implique. (Crédit image : Siemens)
Tout commence par l’automatisation des tâches banales, qui sont nécessaires mais qui n’apportent qu’une faible valeur ajoutée aux produits ou à l’entreprise dans son ensemble. Avec le temps, des tâches plus complexes seront effectuées automatiquement, et finalement l’entreprise atteindra l’étape ultime de la génération automatique d’une multitude de conceptions complètes de véhicules. Il s’agit là de la quatrième étape, la conception générative, qui repose sur la capacité des systèmes d’IA à créer de nouvelles conceptions à partir des données de l’entreprise. Au bout du compte, les entreprises pourront mettre en œuvre la conception générative dans un processus en boucle fermée de génération, d’évaluation, d’itération et de sélection d’une conception optimisée.
Un avenir passionnant pour la mobilité
Aujourd’hui, les véhicules définis par logiciel deviennent la norme dans l’industrie automobile et les entreprises qui réussiront seront celles qui adopteront la transformation numérique. Pour être clair, les cinq étapes de maturité numérique sont un cadre destiné à aider les constructeurs automobiles à déterminer le chemin à suivre vers l’avenir du développement, de la production et de l’entretien des véhicules. Les détails de la mise en œuvre de la transformation numérique varieront d’une entreprise à l’autre, de même que les mesures prises pour surmonter les pressions les plus fortes. Mais nous sommes convaincus que les entreprises du secteur de l’automobile et des transports qui s’engagent dans une démarche de transformation numérique holistique et à long terme surmonteront les premiers obstacles et établiront des bases solides pour leurs futurs projets de véhicules intelligents, connectés et automatisés.
Pour en savoir plus : Automotive and Transportation | Siemens Software
A propos de l’auteur :
Nand Kochhar est vice-président en charge du secteur de l’automobile et des transports chez Siemens Digital Industries Software. Il a rejoint Siemens en 2020 après avoir passé près de 30 ans chez Ford Motor Company, où son dernier poste en date était celui d’ingénieur en chef des systèmes de sécurité pour le monde entier. À ce titre, il était responsable au niveau mondial des performances de tous les véhicules Ford et Lincoln en matière de sécurité. Il a également été responsable technique exécutif pour l’IAO et membre du comité technique consultatif de Ford. Au cours de son mandat chez Ford, Nand Kochhar a également occupé des fonctions de directeur de l’ingénierie dans différents domaines, tels que le développement de produits, la fabrication, la numérisation, ainsi que le développement et la mise en œuvre de technologies de simulation.