Il n’est pas aisé de cerner l’état du marché automobile hexagonal. La France est le seul pays européen où la production de voitures particulières a progressé au premier semestre 2022… mais cela relève de l’épiphénomène lié à des transitions entre modèles, et cette production reste inférieure de moitié à celle du premier semestre 2019. Une telle chute des ventes pousserait n’importe quel secteur au bord de la faillite. Pourtant, les constructeurs automobiles réussissent à maintenir leurs marges en augmentant sensiblement leurs prix et en bénéficiant des subventions publiques. Ces marges, parfois spectaculaires, poussent les salariés touchés par l’inflation à réclamer leur part du gâteau, et les négociations se tendent jusqu’à générer des mouvements de grève.
Par ailleurs, en dépit des faibles ventes, l’absence ponctuelle de semi-conducteurs essentiels bloque encore parfois la production, comme dans l’usine Renault de Douai la semaine passée. Ce site produit la Mégane E-Tech à environ 1500 exemplaires par mois. Des volumes qui n’ont rien à voir avec les ventes d’ordinateurs ou de smartphones, ce qui met en relief les fortes difficultés d’approvisionnement en puces et fait craindre de les voir perdurer jusqu’en 2023. Peut-être cela préfigure-t-il l’avenir de l’industrie automobile : des ventes très réduites, concentrées sur des véhicules électriques devenus inaccessibles (du moins en propriété individuelle classique) à une large part de la population contrainte de se déplacer moins et mieux. Si la sagesse populaire et le courage politique ne suffisent pas, c’est peut-être tout bonnement l’inflation qui mènera à l’indispensable sobriété.