Quand l’Inde s’éveillera

Le 23/09/2024 à 6:08 par Frédéric Rémond

Il y a dix ans déjà, de grands pontes de la Silicon Valley nous racontaient que leurs enfants, soucieux d’optimiser leurs parcours universitaires en informatique, ne visaient plus forcément les prestigieux campus américains : le nec plus ultra était à Bangalore et à Hyderabad. L’Inde s’est imposée comme le centre mondial des services informatiques, d’abord avec des activités à faible valeur ajoutée puis, à mesure que le savoir-faire s’installait dans le sous-continent, avec une expertise de plus en plus recherchée en software, principalement exportée aux Etats-Unis. La conception de semi-conducteurs est également très présente en Inde, où beaucoup de groupes occidentaux exploitent des centres de R&D.

Problème : tant les réseaux fixes et mobiles locaux que l’équipement numérique des familles et entreprises indiennes ne sont pas encore complètement à la hauteur de son ambition high-tech. L’Inde a besoin de hardware et, comme son voisin et concurrent chinois, voudrait limiter ses importations de puces et “nationaliser” sa sous-traitance. L’Etat y multiplie donc les annonces de subventions visant à développer une industrie des semi-conducteurs, qui est aujourd’hui encore à peine bourgeonnante. Ces efforts institutionnels s’inscrivent vraisemblablement sur le très long terme : l’Inde n’a, pour imposer sa volonté, ni la manne financière et militaire des Etats-Unis, ni la puissance opérationnelle d’un régime totalitaire à la chinoise.

Son principal atout réside dans sa démographie qui, en dépit d’un classisme toujours très violent, constitue à la fois un débouché d’envergure et une solution au manque de talents qui sévit dans la high tech mondiale. L’Inde compte aussi sur sa diaspora – 100000 Indiens et Indo-Américains vivraient dans la Silicon Valley, incluant les CEO de Google, Microsoft, Youtube, IBM, Adobe… – et sur les tensions sino-américaines qui détournent les investissements occidentaux de la Chine et de Taïwan. Enfin, en dépit de l’extrême-droite au pouvoir et d’une inquiétante tentation oligarchique, la « plus grande démocratie du monde » ne suscite pas les mêmes craintes géopolitiques que certains de ses voisins.

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