La Banque européenne d’investissement prête 600 millions d’euros à STMicroelectronics afin de l’aider à financer sa R&D et à ouvrir de nouvelles lignes de production de composants en Europe. Cette information tombée dans la semaine a été l’occasion d’appuyer la volonté récemment claironnée par l’Europe d’augmenter son poids dans la production mondiale de semi-conducteurs et de réduire sa dépendance internationale en la matière. Elle soulève cependant quelques interrogations.
Tout d’abord, il faut signaler qu’il ne s’agit pas d’une première : la BEI a déjà accordé sept autres prêts à ST depuis 1994, pour un coquet montant cumulé de 3,15 milliards d’euros. La disponibilité de la BEI fera saliver bon nombre de petits entrepreneurs confrontés à des banques moins généreuses.
La destination de ces fonds reste également à préciser : ST parle de “nouvelles lignes de production innovantes”, mais stipule que “ces investissements seront mis en œuvre dans les installations existantes en France et en Italie”. On croit comprendre qu’il s’agit essentiellement de financer des lignes pilotes pour de nouveaux procédés de gravure, sans assurance d’augmenter réellement la production du Franco-Italien.
Enfin, il est permis de se demander si, tout bonnement, ST a besoin d’un prêt public. La société a généré deux milliards de bénéfices l’an passé. Elle en a distribué 690 millions à ses actionnaires (y compris les Etats français et italien qui en détiennent plus du quart), sous forme de cash et de rachat d’actions. Et les taux bancaires demeurent exceptionnellement bas.
Il ne s’agit pas de tirer à boulets rouges sur le champion national (enfin, binational) : partout dans le monde, les fabricants cherchent à bénéficier d’aides publiques, et nous avons déjà mis en exergue dans nos colonnes des pratiques bien plus discutables comme le chantage à l’emploi de tel fabricant ou les montages financiers caribéens de tel autre. “Tout le monde le fait” est un argument recevable en realpolitik économique. Mais il est permis de se demander pourquoi, plutôt que la BEI, ce n’est pas le secteur bancaire privé, dont c’est le métier, qui est sollicité pour prêter 600M€ à ST ou, comme l’an passé, 500M€ à Safran et 600M€ à Valeo.