Après le fiasco de la candidature de Sylvie Goulard, ex-ministre des Armées mise en examen pour détournement de fonds publics, il restait juste assez de crédit à Emmanuel Macron pour placer un autre Français au sein de la nouvelle commission européenne. Avec l’ultra-consensuel Thierry Breton, le président français ne risquait pas de faire de vagues. Pur produit de la fabrique à élite hexagonale (Ecole alsacienne, Louis-Le-Grand), plusieurs fois ministre, plusieurs fois nommé à la tête de grandes sociétés publiques (Bull, Thomson, France Télécom) dont il participera à la privatisation avec des fortunes diverses, très lié à la famille Arnault, Thierry Breton a annoncé, pour éviter tous soupçons, avoir revendu ses actions Atos et Worldline et renoncé à ses multiples mandats d’administration, notamment chez Carrefour et Bank of America. De quoi l’immuniser contre d’éventuelles actions en justice, sans doute.
Difficile, toutefois, d’imaginer que les constants allers-retours entre le public et le privé n’influencent pas tout autant que quelques jetons de présence. A la tête d’un grand portefeuille regroupant pêle-mêle le marché intérieur, le numérique, l’audiovisuel, le tourisme, les services, l’industrie, la défense et l’espace, Thierry Breton a immédiatement plaidé pour une industrie de défense européenne, tout en reconnaissant qu’il était encore bien trop tôt pour ne serait-ce qu’évoquer une armée européenne. En clair, il s’agit de multiplier les aides accordées par l’Europe à des fabricants de matériels militaires concurrents les uns des autres et issus de pays aux stratégies militaires contradictoires, en espérant que cela favorise l’émergence d’une “Europe de la Défense”. Si Thierry Breton voulait enfin prouver qu’une double culture public-privé pouvait parfois servir l’intérêt public, il n’a pas à chercher beaucoup plus loin…