ASML a donc (rapidement) gagné son bras de fer contre les autorités néerlandaises. Le leader mondial des équipements de production de circuits intégrés avait récemment menacé d’aller voir ailleurs, en expliquant que les législations inspirés par l’extrême-droite locale et défavorisant l’emploi d’ingénieurs étrangers allaient mettre en péril sa capacité d’innovation. Quelques semaines plus tard, le gouvernement néerlandais accédait à ses demandes en revenant sur lesdites législations… mais aussi en accordant une généreuse enveloppe de subventions tous azimuts (formation, infrastructures, énergie, etc.), pour un montant total de 2,5 milliards d’euros. Ce qui ressemblait au départ à une demande moralement recevable s’accompagne in fine d’un parfum d’extorsion. Rien de surprenant ici : comme d’autres industries stratégiques, les sociétés de semi-conducteurs font régulièrement plier les pouvoirs publics, comme en témoigne la foule de plans de subventions faramineux récemment votés aux Etats-Unis, en Europe et en Asie, sous couvert de “souveraineté”.
Une souveraineté qui n’est visiblement pas le souci des entreprises. Rappelons, pour ne prendre que des exemples néerlandais, que Shell a déménagé en 2021 son siège à Londres pour pouvoir verser des dividendes plus importants à ses actionnaires et échapper aux obligations environnementales qui lui avaient été imposées par le tribunal de La Haye. Quelques mois auparavant, c’était le géant anglo-néerlandais de l’alimentation Unilever qui avait décidé de devenir purement britannique. Il est donc tout sauf improbable qu’ASML décide un beau jour d’installer son siège ailleurs qu’aux Pays-Bas, un pays qui fut longtemps considéré comme un paradis fiscal et qui a mis en place l’infrastructure humaine et matérielle sur laquelle le fabricant a pu se développer jusqu’ici.