Les industriels de l'électronique, du numérique, de l'électricité et de l'énergie viennent de présenter un « plan de conquête des marchés » destiné à les faire sortir de la crise et à permettre à l'ensemble de l'économie de renouer avec la croissance.
Après l'automobile et le BTP, c'est au tour des industries high-tech de revendiquer un plan de relance. « Electronique, numérique, électricité et énergie sont au cœur des besoins sociétaux, au cœur de l'ensemble des marchés. Aussi, nous demandons une impulsion des pouvoirs publics, une volonté politique claire qui se traduise par la création d'un fonds d'investissement d'un milliard d'euros pour nos industries », a expliqué Pierre Gattaz, président de la Fieec (Fédération des industries électriques, électroniques et de communication) au nom des 29 organisations professionnelles impliquées dans cette initiative(*). Baptisé Fivat (Fonds des industries à valeur ajoutée technologique), « il permettrait de créer ou sauvegarder un million d'emplois sur sept ans », estime-t-il. Ce n'est pas seulement un plan de relance, mais un « plan de conquête de l'économie française » que proposent les industriels. Il s'inscrit dans la continuité du rapport de la Fieec « Une stratégie industrielle pour les marchés du futur » remis au gouvernement en juin dernier et des propositions sectorielles des organisations professionnelles concernées.
Le plan proposé est structuré autour de dix programmes concrets qui, selon les industriels, bénéficieraient d'un retour sur investissement rapide pour l'ensemble de la société. Financé la première année par le fonds d'amorçage Fivat, il serait géré en associant le secteur public et le secteur privé. Le financement des programmes identifiés serait ensuite assuré grâce à des abondements à des investissements publics ou privés. Le Fivat est donc un outil complémentaire au Fonds stratégique d'investissement (FSI), récemment créé à l'initiative du président de la République. Au terme de la première année d'amorçage du Fivat, les promoteurs du plan prévoient une phase de développement qui permettrait de recueillir 10 milliards d'euros complémentaires par an grâce à des investissements privés et à la réallocation de crédits qui proviendraient notamment des économies réalisées grâce aux programmes mis en place. Les gains escomptés, à travers les richesses produites, seraient alors de 125 milliards d'euros sur sept ans. Par exemple, le coût des accidents de la route (décès et blessés) était évalué en 2005 à 25 milliards d'euros par an selon l'Observatoire national de la sécurité routière. Diminuer par deux le nombre d'accidents comme le propose le programme sur la « route intelligente » permettrait ainsi d'économiser 12,5 milliards d'euros. Sans compter le temps gagné en fluidité du trafic par les automobilistes, donc en carburant et en émissions de dioxyde de carbone.
Autre exemple : le coût de l'insécurité informatique s'élève, en moyenne, à 200 000 euros par an et par entreprise selon CSI (Compute Security Institute). Sur les 10 000 entreprises françaises qui seraient concernées (parmi les 190 000 dont l'effectif est supérieur à dix personnes), cela représenterait un coût global de 2 milliards d'euros par an, coût que le plan de sécurité numérique global permettrait d'éviter en totalité ou en partie.
Concernant la modernisation du réseau électrique, autre programme du plan proposé par les industriels qui doit notamment permettre de sécuriser notre alimentation en énergie électrique, les coûts financiers des tempêtes pour raient être évités à EDF (2,5 milliards d'euros en décembre 1999 et 1,2 milliard d'euros en janvier 2008).
Présenté à Luc Châtel, secrétaire d'Etat à l'Industrie, ce plan a bénéficié d'un « capital d'écoute et de confiance de la part des pouvoirs publics », a précisé Pierre Gattaz. Les dix projets promus par les industriels portent notamment sur le haut-débit, l'efficacité énergétique, la télémédecine, la modernisation de l'éclairage urbain, les infrastructures routières intelligentes, la sécurité, l'éducation et l'administration électronique (voir encadré). « Autant de thèmes sociétaux qui sont à même de répondre aux besoins des citoyens et d'améliorer la compétitivité de notre économie », relève Pierre Gattaz. Ces programmes sont capables de générer des fabrications sur le sol français et ont un très fort effet de levier et d'entraînement sur d'autres secteurs économiques de manière directe (BTP, installations, maintenance…).
Par ailleurs, le regroupement de plusieurs domaines (électronique, numérique, électricité et énergie) devrait permettre de dégager des synergies. « Le logiciel est l'intelligence des systèmes, l'électricité est leur carburant, leur moteur se base sur l'électronique et les télécommunications permettent d'agir de manière coordonnée. Les solutions, les services, les outils qui pourront être développés dans le cadre de ces programmes intégreront tous ces aspects, que ce soit en matière d'éclairage, de télésanté, d'efficacité énergétique, de technologies vertes », souligne Joël Karecki, vice-président de la Fieec.
(*) Ces 29 organisations professionnelles représentent 50 000 entreprises, 600 000 salariés et 130 milliards d'euros de chiffre d'affaires dont 50 milliards d'euros à l'export.
Pourquoi un plan de relance des industries high-tech est-il indispensable aux yeux des industriels ? Car la crise a des répercussions graves sur la plupart des secteurs concernés : des pertes de commandes parfois supérieures à 50 %, des dizaines de milliers d'emplois menacés à court terme, une absence critique de visibilité sur les marchés, un gel des investissements inquiétant, enfin, un risque avéré de spirale d'appauvrissement collectif. Pour sortir de ce marasme, les industriels proposent un plan en trois points :
Relancer à court terme l'activité économique et maintenir emplois et savoir-faire technologique sur l'ensemble du territoire ;
Investir dans les infrastructures productives et les technologies de demain pour profiter pleinement de la sortie de crise le moment venu ;
Optimiser les leviers de croissance et de productivité offerts par ces industries à haute valeur ajoutée et développer un potentiel d'exportations supplémentaires grâce à des programmes sociétaux innovants.
« L'investissement réussi est celui qui rapporte : nos industries permettent cela par leur effet d'entraînement sur le reste de l'économie. Un milliard d'euros investi aujourd'hui en rapportera plusieurs d'ici à quelques années » (Pierre Gattaz, président de la Fieec).
« L'efficacité énergétique active dans les bâtiments neufs ou anciens, résidentiels ou tertiaires, permet d'aller chercher des gisements d'économies d'énergie très importants. On estime ces économies potentielles à plus de 100 millions de tonnes de CO2 par an » (Jean-Pierre Chardon, vice-président de la Fieec).
« Il nous faut investir sans retard dans les secteurs qui feront la force de notre économie au global demain, dans une logique de marchés répondant à des besoins sociétaux clairs. Il y a maintenant une opportunité et si nous savons la saisir, l'ensemble de l'économie française en bénéficiera » (Joël Karecki, vice-président de la Fieec).