L’industrie microélectronique une place de choix à la spintronique, avec le lancement en production industrielle chez les acteurs majeurs du domaine (Samsung, TSMC, Intel, GlobalFoundries) d’un nouveau type de mémoires magnétiques – les MRAM (Magnetic Random Access Memory) – offrant aux circuits électroniques de nouvelles fonctionnalités et des performances améliorées, en particulier en termes de consommation électrique.
Le consortium européen SpintronicFactory, piloté par les laboratoires français Spintec (CEA, CNRS, Université Grenoble Alpes) et l’Unité mixte Thales-CNRS (Palaiseau), et qui associe au total 15 laboratoires français, a publié le 19 août 2020 dans la revue “Nature Electronics” une ambitieuse feuille de route en spintronique. Cette discipline, à la frontière entre magnétisme et micro-électronique, arrive en effet à maturité, offrant de larges perspectives en matière d’innovations.
Depuis sa naissance en Europe à la fin des années 1980, la spintronique (ou électronique de spin) fait preuve d’un dynamisme exceptionnel sur le plan fondamental et présente d’importantes perspectives dans les technologies de l’information et de la communication.
La feuille de route du consortium européen SpintronicFactory identifie les prochains défis à relever :
– Dans le domaine des mémoires : réalisation de puces de très hautes densités par le développement de solutions disruptives d’inspiration 3D ; réduction de la consommation électrique par la mise en œuvre d’effets fondamentaux d’interface, moins énergivores, utilisant le couplage quantique spin-orbite ou le contrôle par tension électrique des propriétés magnétiques sans passage de courant électrique.
– Dans le domaine des capteurs : amélioration de la sensibilité ; élargissement de la gamme de mesure du champ magnétique ; innovation sur les architectures de capteurs. Ces défis reflètent les besoins très diversifiés de ce marché, qui concernent les téléphones intelligents (magnétomètres 3D / boussoles numériques), le secteur automobile (capteurs de position linéaire ou angulaire, de vitesse), les capteurs de courant et de puissance, les scanners. De nouvelles applications font leur apparition dans l’Internet des objets (IoT) et les domaines du biomédical avec le développement de dispositifs fiables à faible consommation sur silicium ou substrats souples.
– Dans les technologies radiofréquence et térahertz (THz) : transfert applicatif de l’utilisation d’un courant électrique continu pour générer des oscillations radiofréquences d’aimantation et réciproquement. Les preuves de concept ont été démontrées, pour des fonctions d’oscillateur et de diode qui sont intéressantes pour les composants télécoms. Il faut maintenant permettre leur intégration concrète dans différents domaines applicatifs, en particulier les télécommunications compactes et basse consommation, les applications THz (imagerie, sécurité), les micro-récupérateurs d’énergie et l’intelligence artificielle.
Enfin, de manière plus prospective, des jalons sont proposés pour démontrer le potentiel applicatif de la spintronique, réaliser directement le traitement de l’information en utilisant le spin de l’électron et non seulement sa charge électrique, permettant de réduire encore la consommation des circuits électroniques ou d’introduire de nouvelles fonctionnalités. Les défis identifiés relèvent en particulier de l’efficacité des conversions entre courant de spin et courant de charge dans les nouveaux concepts.
Relever ces différents défis nécessitera des progrès dans la maîtrise de matériaux non-conventionnels, de leurs interfaces dont souvent dépendent les fonctionnalités spintroniques, leur nanofabrication et leur mise en œuvre dans des lignes de production, incluant leur métrologie spécifique. Des développements devront également être menés en simulation numérique, allant de l’intégration de nouveaux effets dans des codes multiphysiques, à des approches multi-échelles allant de l’atome aux systèmes.
Le consortium Spintronicfactory vise à construire une feuille de route orientée vers les applications de la spintronique et la mettre à jour régulièrement, promouvoir des synergies et des collaborations entre universités, centres de recherche et industries européens, lancer de grandes actions de valorisation rassemblant universitaires et industriels à européens. mutualiser les ressources et les installations européennes, organiser des événements (colloques, écoles d’été, etc.) visant à renforcer les relations entre les communautés du magnétisme et de la microélectronique.
Il est organisé autour de quatre piliers de recherche et développement : mémoires, capteurs magnétiques, dispositifs radiofréquences et micro-ondes, dispositifs pour la logique. Il rassemble aujourd’hui 87 partenaires de 17 pays européens (France, Allemagne, Italie, Espagne, Pologne, Royaume-Uni, Suède, Turquie, Portugal, Suisse, Pays-Bas, Grèce, Slovaquie, Belgique, Norvège, Hongrie, République tchèque), 12 entreprises, 30 centres de R&D, 45 entités académiques.
SpintronicFactory est en relation étroite avec une organisation européenne plus large, appelée European Magnetism Association (EMA), qui vise à structurer l’ensemble de la communauté européenne du magnétisme.
En savoir plus sur le consortium SpintronicFactory : http://www.spintronicfactory.eu