Le circuit imprimé français se concentre aujourd’hui sur des secteurs difficiles, demandeurs de “moutons à cinq pattes”, ainsi que sur de très petites séries. Trop petites même puisqu’à l’origine de difficultés d’investissements. Pour survivre, il a besoin de comportements vertueux de la part de ses clients ainsi que de synergies avec eux, notamment en R&D. Telles sont quelques conclusions d’une convention sur le circuit imprimé organisée par le Gixel.
Hier après midi, le Gixel, groupement des fabricants de composants passifs, a organisé une convention sur le thème du circuit imprimé, qui a réuni des fabricants, des clients, leurs syndicats (le GFIE pour les équipements de production, le Gifas pour les équipementiers de l’aéronautique, le Snese pour la sous-traitance), et des représentants des pouvoirs publics concernés (DGA et Sécurité intérieure). Animé par Jean-Pierre Lucas, président de la section circuits imprimés du Gixel, ce colloque a permis de faire un point sur la question.
Première constatation : ce secteur s’est fortement réduit du fait des délocalisations de production d’équipements grand public. Aujourd’hui, il n’alimente que l’industriel, l’automobile, le ferroviaire, le militaire, l’aéronautique, le spatial, la recherche pétrolière, le médical, la santé et la sécurité, des domaines surtout demandeurs de petites séries de pièces. Ainsi, le Gifas (aéronautique) n’achète-t-il qu’à hauteur de 60 à 70 M€ de circuits imprimés par an.
D’où, une diminution continue du nombre d’acteurs du circuit imprimé en Europe. En 2000, il y avait 750 entreprises produisant 4,5 milliards d’euros. En 2010, il n’y en a plus que 280, représentant 2,8 milliards d’euros. En France, la situation est pire. En 2000, 80 entreprises y réalisaient un chiffre d’affaires de 750 M€. En 2010, elles ne sont plus que 20 représentant 180 M€.
«Aujourd’hui, on a atteint une limite», estime Bruno Cassin de Elvia (500 personnes, 42 M€ de CA). «On en est au point de penser que cette profession peut disparaître», renchérit Didier Katzenmayzer, un responsable des achats chez Airbus.
D’autant que la fabrication de petites séries ne permet pas de gagner suffisamment pour investir. «Les coûts de développement ne sont pas amortis par les volumes fabriqués », indique ainsi M. Cassin.
En outre, dans l’Hexagone, les prix sont très tirés. «Les clients du circuit imprimé de l’Allemagne, de l’Italie et de l’Espagne proposent de meilleurs prix que ceux de France», remarque M. Lucas. Comparé à l’Allemagne, la France présenterait aussi davantage de comportements d’achats opportunistes.
Malgré tout, la production de circuits imprimés est toujours conséquente sur le Vieux Continent. Elle mobilise 20 000 personnes et 400 entreprises dont 50 % dans la zone « Allemagne, Autriche et Suisse » et 25 % en France, Italie et Royaume Uni. Avec quelque 2,2 milliards d’euros, elle représente 6 % de la production mondiale.
Quant à la France, elle compte pour 8 % de cette production européenne. Surtout, en Europe, les fournisseurs de matériaux et équipements destinés à la fabrication de circuits imprimés sont environ 600 et emploient quelque 30 000 personnes.
En outre, les clients de l’Europe, et notamment de la France, ont des besoins particuliers en circuits imprimés : besoins d’expertise, de pérennité des fabrications et de proximité avec le fournisseur pour le design en commun de produits sophistiqués (hyperfréquences, par exemple) dont nombre de « moutons à cinq pattes ».
La réactivité et la flexibilité sont aussi facilitées par des partenariats entre entreprises géographiquement proches, tout comme la confidentialité exigée par certains domaines comme le militaire.
Pour résoudre les problèmes actuels, il faudrait d’abord que les fournisseurs de circuits imprimés et leurs clients soient plus solidaires. «Rien ne sera possible sans une volonté de nos clients de faire vivre la filière», déclare ainsi M. Cassin. Cela signifie la mise en place et/ou la consolidation de partenariats fournisseurs-clients.
Il serait aussi souhaitable qu’il y ait davantage de “nationalisme” dans les achats à l’exemple de ce qui se passe aux Etats-Unis, à la suite de la nomination d’un Monsieur Circuit imprimé au Congrès. Et davantage d’ouverture en R&D. L’utilisation d’un langage clair et compréhensible par tous les acteurs concernés s’avère aussi primordiale.
«Il faut une filière consolidée, innovante, solidaire et communicante», résume Jean-Pierre Quémard, président du Gixel.