Xerfi vient de publier une étude sous le titre : « Les défis de l’intelligence artificielle et des nouvelles technologies dans l’agriculture – Robots, drones, satellites, capteurs connectés et solutions d’aide à la décision : quelles perspectives pour l’agriculture de précision d’ici 2022 ? »
Systèmes de guidage et d’autoguidage, robots, télédétection (satellite, aérienne et par drone) ou encore systèmes d’aide à la décision : les nouvelles technologies semblent promises à un avenir radieux au sein des exploitations agricoles françaises soucieuses d’améliorer leur productivité, tout en réduisant l’apport de fertilisants et autres produits phytosanitaires. L’agriculture de précision doit ainsi permettre de répondre aux grands défis agricoles, économiques, sociaux, réglementaires et environnementaux. Ce dynamisme masque en réalité de profondes disparités en termes de taux d’équipements et de potentiel de croissance selon les segments. Ainsi, le taux d’adoption des systèmes de guidage et d’autoguidage plafonne autour de 50% des exploitants et, malgré les projets autour du tracteur autonome, la commercialisation à large échelle de tels engins reste lointaine. De leur côté, les robots de traite continuent de gagner du terrain dans les élevages laitiers. Plus de 8 000 exploitations en seront ainsi équipées d’ici 2022, pronostiquent les experts de Xerfi.
L’adoption des robots d’alimentation et de nettoyage progresse, elle, de façon plus modeste tandis que les ventes de robots de culture ne dépassent pas quelques dizaines d’unités, avec nombre de projets encore en phase de R&D. Quant à la télédédection, elle peine à convaincre les agriculteurs. Néanmoins, les nouveaux appareils du réseau Sentinel et les start-up des nano-satellites devraient contribuer à démocratiser l’imagerie satellite auprès des exploitants agricoles avec de nouvelles offres. A la faveur de l’essor des équipements d’agriculture de précision et surtout des capteurs autonomes connectés, la valeur ajoutée glisse désormais vers les solutions logicielles permettant d’exploiter au mieux les données, au détriment des équipements. En clair, la baisse du prix des capteurs connectés autonomes, conjuguée aux outils d’intelligence artificielle (IA), va permettre de proposer de nouvelles solutions plus performantes et moins coûteuses aux agriculteurs. Le taux d’adoption des outils d’aide à la décision (OAD) devrait donc croître de façon significative d’ici 2022, selon les experts de Xerfi.
La France métropolitaine compte aujourd’hui quelque 437 000 exploitations agricoles, soit moitié moins qu’il y a 30 ans. Et alors que celles de petite et moyenne taille n’ont cessé de reculer, les grandes exploitations représentent désormais 42% du total et 87% du potentiel de production agricole. Après des années de crise, la situation financière des agriculteurs tricolores s’est redressée en 2017 pour se stabiliser en 2018 (avec un revenu net de 14,4 milliards d’euros estimés en 2018), surtout grâce à une hausse des prix. Mais cette amélioration reste précaire compte tenu du coût toujours plus élevés des équipements, des intrants et des semences. La capacité d’investissement des exploitants en a tout de même profité (+3% pour les investissements en matériel agricole). Le grand plan d’investissement du gouvernement doit par ailleurs aider les agriculteurs à préparer l’avenir et à investir. Il doit, entre autres, permettre d’accélérer la mécanisation. L’émergence de nouveaux modes de financement en commun peut aussi démocratiser les nouvelles technologies auprès des exploitants.
L’agriculture 4.0 en ligne de mire
L’agriculture 4.0 reste malgré tout aujourd’hui un horizon plus qu’une réalité. Elle découlera de la combinaison de plusieurs évolutions technologiques majeures dans le domaine des équipements (solutions de mobilité, robots et drones, capteurs, etc.) et dans l’univers des logiciels informatiques (cloud, big data, intelligence artificielle, etc.). La finalité est d’aboutir à une automatisation et robotisation des tâches les plus ingrates et chronophages de l’agriculteur, tout en collectant et en analysant une masse de données pour fournir des solutions d’aide à la décision pour piloter l’exploitation.
Pour développer de telles innovations, de nouvelles compétences doivent être maîtrisées, obligeant les fabricants historiques de machines et d’intrants à coopérer, à l’image de John Deere avec Airbus pour optimiser la fertilisation azotée du blé. Des stratégies d’alliance qui conduisent à une complexification du jeu concurrentiel. Face aux géants mondiaux, la filière française se structure autour de laboratoires de recherche (Irstea, Inra…), d’instituts techniques (Arvalis, Idele…), de PME (Dussau, Lucas G…) mais aussi de start-up (ITK, Naïo, Sencrop…). Et les coopératives et négoces agricoles, comme InVivo, Terrena, Axéréal ou Soufflet, ont un rôle clé à jouer pour diffuser les nouvelles technologies.
Par ailleurs, l’essor de l’agriculture de précision, avec l’apport croissant de l’IA, a suscité l’intérêt de nouveaux entrants venus de l’informatique comme des géants de l’IT (IBM, Microsoft…), des leaders des composants électroniques (Intel, Nvidia, etc.) ou des spécialistes de l’IA (Numenta, Sentient Technologies…). Certains exploitants agricoles redoutent ainsi à terme une dépendance aux GAFAM et une perte d’autonomie dans leur métier. D’autant plus que l’agriculture de précision remet en cause le modèle historique de l’exploitation familiale. Un vrai travail d’évangélisation du marché sera donc à mener et Microsoft vient par exemple de s’allier à InVivo pour développer l’IA dans le monde agricole.