A l’occasion de la tenue de seconde édition de la CTIC (Certification Together International Conference), conférence sur la certification dans l’aéronautique qui se tient à Toulouse du 29 novembre au 1er décembre 2011, Lionel Burgaud, responsable du développement des activités Certification pour Aeroconseil, fait le point sur les grandes tendances du secteur. Aujourd’hui débute la seconde édition en France de la CTIC, après celle de 2010 qui s’est tenue à Paris. Comment envisagez-vous l’avenir de cette manifestation ?
Lionel Burgaud: D’abord, il faut rappeler que CTIC est la seule manifestation en Europe consacrée aux problématiques de certification dans l’avionique. Auparavant, seule la FAA, l’organisme de certification dans l’aéronautique aux Etats-Unis, organisait de telles conférences. Mais à la différence des américains, la CTIC est financée uniquement par les participations des congressistes, et non par un budget public. De plus le programme est préparé par un Comité de Programme représentant les industriels majeurs du secteur.
Cette année, nous allons accueillir de 250 à 300 personnes, sur trois jours, venant de 15 pays. Avec des avionneurs, des motoristes, des systémiers, des sous-traitants, des organismes de recherche, des consultants en certification comme Aeroconseil, et bien entendu des organismes de certification, notamment l’EASA pour l’Europe et la FAA pour les Etats-Unis.
Notre objectif était dans un premier temps de confirmer le succès de l’édition 2010, à un an d’intervalle. Aujourd’hui, ce pari est réussi. Dans un second temps, nous souhaitons inscrire l’évènement dans la durée, tous les deux ans, soit à Toulouse, soit dans un autre pays européen. La décision n’est pas encore prise. L’idée est de positionner la CTIC si possible en alternance avec les événements organisés par la FAA. Une chose est certaine, la 3ème édition de la CTIC aura lieu en 2013 en Europe.
Quels sont les grands thèmes qui seront débattus lors de la CTIC 2011 ?
Lionel Burgaud : Les grandes problématiques abordées tournent autour de l’évolution des standards qui définissent des objectifs à atteindre et vis-à-vis desquels l’industriel doit démontrer la conformité de son produit. La conférence va donc aborder les questions liées aux réglementations portant au niveau système, logiciel et matériel.
Pour l’aspect systèmes, une nouvelle version de l’ARP 4754-A a été publiée en décembre 2010. Elle est d’ores et déjà applicable sur les programmes aéronautiques en cours.
Concernant le logiciel, le DO 178 C devrait être publié début 2012. C’est une évolution importante de la DO 178B, qui date de 20 ans. La version C est l’aboutissement d’un long travail, complexe, qui s’est déroulé sur environ 7 ans. Les notions de preuve formelle, de conception à base de modèles (model based design) de programmation orientée objet sont abordées dans ce document et seront exposées lors de la CTIC.
Enfin, côté électronique, le DO254, publié en 2000, ne fait pas encore l’objet d’un processus de révision. Lors de la CTIC, les discussions vont porter sur la pertinence ou non de se lancer dans un tel processus.
La prudence des autorités de certification ne va-t-elle pas à l’encontre des progrès dont pourraient bénéficier les avions en mettant en œuvre des technologies novatrices comme les processeurs multicoeurs ou les systèmes de virtualisation ?
Lionel Burgaud : Il est vrai qu’entre technologies innovantes et procédures de certification, il existe toujours un décalage du fait d’une prudence liée aux objectifs de sécurité. Il est vrai aussi qu’il y a quelques années, les ingénieurs pouvaient “contrôler” ce qui constituait un processeur. Aujourd’hui, l’intégration extrême sur les puces pose un problème majeur d’observabilité, et donc de confiance. Mais au-delà, il est de plus en plus fréquent aujourd’hui de manipuler des boîtes noires et ce, à plusieurs niveaux : non seulement au niveau de la brique matérielle de base, mais aussi au niveau du logiciel qui assemble ces briques, qui est aussi une boîte noire, pour arriver à un produit final dont on peut être bien en peine de maitriser et démontrer le fonctionnement intime. Une des sources de cette difficulté technologies/certification réside aussi dans la taille du marché des composants pour l’avionique qui reste modeste vis-à-vis d’autres marchés de masse.
Mais dans le même temps, on voit par exemple que les fabricants de semi-conducteurs, conscients du problème, tentent, comme Freescale, de mettre en place des groupes de travail avec leurs clients pour mieux partager leurs données technologiques. La réelle question est de savoir jusqu’où les offreurs de briques de base, qu’elles soient matérielles ou logicielles, seront capables d’ouvrir l’accès à l’information sur leurs produits, afin de pouvoir construire et démontrer la confiance nécessaire à l’obtention de la certification.
Propos recueillis par François Gauthier