Yannick Motel, délégué général de Lesiss (Les entreprises des systèmes d’information sanitaires et sociaux), décrit les actions de ce syndicat professionnel et exprime son avis sur l’évolution des chantiers liés à la télésanté en France.
Il existe un certain nombre d’organisations professionnelles dans le domaine de la télémédecine et de la télésanté (Gixel, Snitem, Syntec Santé,…). Comment se positionne Lesiss par rapport aux autres syndicats ?
Yannick Motel : Lesiss a été créé en 2005. C’est l’organisation professionnelle la plus jeune dans le domaine de la télémédecine et de la télésanté. A ce titre, nous nous efforçons de nous montrer dynamiques à travers des prises de position, des communiqués, des actions engagées auprès des ministères concernés. Nous avons une démarche de lobbying assez marquée et nous n’hésitons pas à dire ce que nous pensons avec une grande liberté d’expression. Par ailleurs, nous prendrons l’initiative de publier une charte de bonnes pratiques dans le cadre du prochain salon HIT (“Health Information Technologies”) qui se tiendra du 17 au 19 mai prochain, à Paris. Cette charte devrait avoir des conséquences importantes pour les prestataires des systèmes d’information, les industriels et les donneurs d’ordres du secteur de la santé. L’objectif est d’éviter les contentieux. Il arrive en effet que les réalisations en matière d’interopérabilité des systèmes d’information ne soient pas conformes aux cahiers des charges définis par les donneurs d’ordres, et cela se termine alors devant les tribunaux administratifs.
Les nombreuses annonces récentes ou à venir (dossier médical personnel, plan triennal pour la télémédecine, appels à projets dans le cadre des investissements d’avenir) sont-elles, selon vous, représentatives d’une certaine avancée en France en matière de télésanté ?
Yannick Motel : Les différents chantiers avancent, mais nous constatons une certaine difficulté à mettre en œuvre ces annonces afin qu’elles débouchent sur des réalisations concrétes. L’appel à projets télémédecine devait être lancé avec un budget de 70 millions d’euros. Or, ce montant semble avoir nettement fondu. Autre problème : la gouvernance est de plus en plus floue. A côté de l’Asip Santé [l’agence des systèmes d’information de santé, ndlr], doit être créée une Délégation à la stratégie des systèmes d’information de santé (DGSISS) au sein du ministère de la Santé. Son lancement est imminent. Et à un autre niveau, nous avons désormais une Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication (Disic) rattachée au Secrétaire général du gouvernement. Nous avons le sentiment que l’enjeu des systèmes d’information génère des rivalités entre différents services, agences et ministères. Par ailleurs, nous approchons d’une échéance électorale majeure et nous pensons qu’il ne se passera pas grand chose d’ici là. Nous sommes dans une position attentiste. Nous devrions néanmoins savoir le 17 mai prochain, pendant le salon HIT, si les fonds promis seront bien débloqués. Mais parallèlement, nous sommes aussi en train de regarder si nous ne pourrions pas lancer des projets cofinancés par des investisseurs privés. Le modèle des subventions ne nous semble pas idéal et doit être complété par des initiatives privées.
Que vous inspirent les conclusions positives de l’étude conjointe de la Fieec et de l’Asip Santé (voir notre article dans cette édition) ? Estimez-vous, comme les promoteurs de cette étude, qu’elles sont encourageantes ?
Yannick Motel : Lorsque cette étude a été lancée, j’étais membre du comité de pilotage de la Fieec qui a été chargé d’y prendre part, et j’ai alors eu le sentiment que les conclusions étaient déjà connues à l’avance. Ce qui nous semble dommageable, c’est qu’il y a, selon nous, une capacité d’innovation sous-exploitée en matière de télésanté dans notre pays. Il existe un retard français mais pas une incapacité de produire et d’innover. 500 millions d’euros ont été distribués mais on ne sait pas à qui. Et qu’est-il advenu du plan “Hôpital 2012” doté d’un budget de 10 milliards d’euros dont 1,5 milliard d’euros devaient revenir aux systèmes d’information des infrastructures hospitalières ?
Propos recueillis par Jacques Marouani