En 2017, Intel a acheté Mobileye et ses solutions de conduite assistée, valorisant à 15 milliards de dollars une société dont le chiffre d’affaires annuel ne dépassait alors pas 400 millions de dollars. Aujourd’hui, Wall Street valoriserait Mobileye à plus de 50 Md$ : vendre 49 % de ses parts en bourse permettrait donc à Intel de rentrer assez largement dans ses frais. Financièrement, l’opération se justifie donc aisément. On sait l’appétit des investisseurs pour la high-tech : l’argent gratuit créé par la politique des taux bas les incite à prendre des risques parfois inconsidérés envers toute compagnie susceptible de se transformer en « licorne ». Juste avant l’explosion de la bulle Internet en 2000, les mêmes parlaient de « killer app » – seul le vocabulaire change.
Pour autant, il est permis de s’interroger sur la réelle motivation d’Intel, qui n’a jamais été à cours d’argent. Depuis son arrivée à sa tête, Pat Gelsinger n’a de cesse de vouloir ramener le géant de Santa Clara à son cœur de métier – l’excellence industrielle au service des processeurs. Revendre une partie de Mobileye n’est-il pas aussi un aveu d’échec concernant une diversification espérée mais impossible à court terme, comme ce fut déjà le cas auparavant dans les smartphones ? Les fabricants de semi-conducteurs spécialisés dans l’automobile ne manquent pas, et les constructeurs tendent même à concevoir leurs propres puces afin d’assurer leur indépendance et de personnaliser leurs produits. Dans sa nouvelle stratégie, une diversification d’Intel dans la fonderie a sans doute bien plus de sens – même si les investissements à long terme comme les usines font moins rêver les financiers.