Couverture ElectroniqueS n°127

Pour la première fois à notre connaissance, une société d'études de marché du semiconducteur abandonne la notion de marché par lieux de livraison au profit d'une notion de marché représenté par des sièges de sociétés, là où se trouvent les vrais pouvoirs de décision. Un jour, les 5 000 sociétés représentant l'électronique française ne fabriqueront presque plus rien elles-mêmes, en France, mais confieront leurs productions à des usines étrangères ou à des sous-traitants. Les chiffres représentant le marché français du semiconducteur ne correspondront plus alors pour l'essentiel qu'à des productions de petites et moyennes séries effectuées par la sous-traitance. Mais cela ne veut pas dire que des conceptions de produits ne seront plus faites en France ou que les quantités à produire ne seront plus décidées en France : la France gardera son pouvoir de décision en la matière, en particulier tant que les Alcatel, Thomson, Sagem, Thales, Valeo, Schneider, EADS, Gemplus, Wavecom et autres Ingenico auront leur siège en France. Nous avons déjà décortiqué le problème dans ces colonnes et révélé qu'en 2001 le pouvoir de prescription français en composants était égal à 148 % des livraisons en France (voir notre numéro du 21 juin 2002). Or le cabinet iSuppli vient d'aller encore plus loin dans cette analyse puisqu'il a mené une étude du même type en prenant en compte les achats des cent premières sociétés mondiales en 2002. Cette étude met encore plus en relief que la nôtre le phénomène des délocalisations : elle montre en particulier que les achats des sociétés à siège américain représentent 41 % des achats mondiaux alors que les livraisons de semiconducteurs aux Etats-Unis n'atteignent plus que 22,7 % des livraisons mondiales ! Une Europe méconnaissable Concernant l'Europe, nous nous sommes permis de faire des extractions des tableaux d'iSuppli pour établir des classements prenant en considération uniquement les sociétés européennes : iSuppli classe en effet les sociétés consommatrices de composants en Europe par ordre d'importance des achats et non par origine des sociétés. Si bien que le 3e consommateur européen est dans ce cas Hewlett-Packard, le 6e Dell, le 7e IBM, le 12e Sony, le 14e Matsushita, etc. Bien entendu, au niveau du pouvoir de décision en acquisition de composants, cela ne correspond pas à la réalité : les produits de ces sociétés ne sont pas ou plus conçus en Europe, et si les commandes de composants sont encore passées à partir de leurs usines européennes, ces usines n'ont aucune latitude dans leurs choix, même pas, la plupart du temps, le choix du distributeur… En ne retenant que les sociétés de souche européenne dans le classement des principaux acheteurs européens, ce que nous soupçonnions dans notre étude du 21 juin 2002 est révélé au grand jour : le pouvoir de décision des Allemands est de loin le plus important d'Europe, certainement encore plus important que les 36 % qu'il représente dans notre classement du fait de l'existence de très nombreuses sociétés allemandes au chiffre d'affaires compris entre 0,1 et 1 Md euros, non prises en compte ici. En revanche, la Grande-Bretagne ne représente presque plus rien sur l'échiquier européen de la décision en électronique : notre classement établi à partir des données d'iSuppli ne lui accorde que 2,3 % de la décision des premiers Européens. L'électronique française entre ici pour 16 % ; c'est également moins que ce que nous imaginions : cela vient du fait que Nokia a un pouvoir d'achat égal à 21 % des 18 premiers Européens à lui tout seul, et que cela baisse d'autant la part des autres… Les 16 % représentés par les six sociétés françaises de notre classement expriment toutefois sûrement plus que ce qu'imaginent intuitivement les étrangers. La méthodologie ISuppli a sélectionné les cent premiers acheteurs mondiaux en analysant les chiffres d'affaires de 150 sociétés “ éligibles ”. En pratique, le chiffre d'affaires hardware minimal des sociétés s'est ainsi élevé à 1,6 Md$. (C'est sans doute la raison pour laquelle Gemplus ne figure pas dans nos tableaux des principaux acheteurs européens de semiconducteurs). iSuppli a pris soin de ne pas compter deux fois les achats de composants : les semiconducteurs acquis par les fabricants de cartes mères par exemple se retrouvent seulement dans les achats de fabricants d'ordinateurs. Il en est de même pour tous les sous-systèmes. Notre tableau général prend en compte des chiffres d'affaires nets en systèmes électroniques : il s'agit de chiffres d'affaires bruts moins la valeur de systèmes revendus et celle de sous-systèmes acquis auprès d'autres OEM (systèmes de stockage, autres périphériques) ou d'ODM.

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