DISTRIBUTEUR FRANCHISÉ INDÉPENDANT DEPUIS 1973, RACHETÉ PAR SES CADRES DIRIGEANTS EN 2009, DEL DISTRIBUTION EST BASÉ À MÉRÉ (78). SON PRÉSIDENT, FRANÇOIS KUREK, ET SON DIRECTEUR DES OPÉRATIONS, GÉRARD ROBERT, SE SONT PRÊTÉS AU JEU DES QUESTIONS SUR L'ADAPTATION AUX MARCHÉS DE LA SOCIÉTÉ.
DEL à un slogan : « Trois métiers au service de l'industrie électronique ». Ce sont les activités Distribution, Production et Services (support technique, intégration, prise en charge de la production notamment), puis l'activité Design, la branche Ingénierie créée en 2014.
D'après François Kurek, DEL se signale par « une expertise qui nous est transmise par nos fournisseurs de composants. Nous sommes leur distributeur franchisé sous contrat, recevant ainsi des informations confidentielles. Nous sommes formés aux technologies de fabrication et aux applications des composants qui nous sont directement apportées par les savoir-faire de sociétés […] comme TDK, Honeywell, ou Inotec. » Le corollaire selon lui est une grande pertinence dans le choix exact du composant pour les applications des clients, d'autant que « l'électronique est l'activité complémentaire à toutes les industries aujourd'hui ».
LE FERROVIAIRE REMIS SUR LES RAILS ?
À gauche, Gérard Robert, directeur des opérations chez DEL. À droite, François Kurek, président de DEL : « Nous sommes trop pauvres en volume pour imposer nos points de vue aux fabricants et aux fondeurs ».
Comment l'année 2021 débute-t-elle ? « Nous sommes partis assez fort en 2021, mais cette tendance a été annulée en mars et en avril. Nous n'avons pas plus d'entrées de commandes qu'en 2020, mais notre chiffre d'affaires est en hausse de 5 %. Notre portefeuille est également en hausse de 8 % pour le 1 er trimestre par rapport à 2020. » Comme certains, DEL subit ses présences majeures dans le ferroviaire et l'aéronautique, presque à l'arrêt depuis mai 2020. Si le distributeur a enregistré des facturations pour le marché de l'aéronautique, la route est encore longue pour le ferroviaire, avec des grands programmes repoussés : « Les donneurs d'ordres […] du marché ferroviaire sont des institutionnels, des collectivités, des États, avec une lenteur compréhensible pour ce type d'institutions ».
DEL ne modifie pas ses principes stratégiques et demeure confiant « avec l'amorce d'une légère reprise ». La situation évoluera, avec un retour « à notre point de départ dès lors que les grandes masses se côtoieront de nouveau ». Enfin, le président estime que « le transport individuel n'est pas appelé à être une solution de transport d'avenir, même s'il conservera une place ». Malgré tout, « même si nous sommes majoritairement présents dans le ferroviaire et l'aéronautique, nous allons nous diversifier en étant sensiblement plus actifs dans l'industrie, tout en restant spécialistes », ajoute Gérard Robert.
DÉMARCHE RSE
Exceptés certains grands comptes aéronautiques et ferroviaires, DEL enregistre par rapport à mai 2020 une hausse de ses prises de commandes de 3 à 4 % malgré le grand perturbateur qu'est le Covid ; en 2020, les commandes pour l'industrie s'étaient accrues de 3 % par rapport à 2019. Au total, le distributeur réalise un chiffre d'affaires de 4 à 5 millions d'euros avec environ dix personnes.
Concernant les diverses tendances technologiques, le président se désole de la perte de savoir-faire des industries électroniques, trop forte délocalisation vers les sous-traitants asiatiques oblige : « Nous trouvons de moins en moins d'interlocuteurs qualifiés. Il y a davantage d'acheteurs cumulant des portefeuilles d'achats dans lesquels nous trouvons les composants électroniques, mais ils ne sont pas spécialement formés pour cela à l'origine. De même, les développeurs en bureau d'études sont confrontés à des problèmes de cartes électroniques et d'environnements mal maîtrisés. » « Signe d'un terreau industriel qui se raréfie », la 5G, l'objet connecté, l'informatique grand public ou le multimédia ne sont pas fabriqués dans l'Hexagone. Constat plus tempéré pour l'énergie verte, où « nous observons une présence accrue de capteurs, de composants électroniques dans leurs systèmes de gestion, ce qui crée de nouveaux designs mais n'apporte pas encore beaucoup de volumes ».
Le siège de DEL Distribution se trouve à Méré, dans les Yvelines.
Malgré tout, il estime « intéressante » la tendance lourde qu'est la prise de conscience de l'opinion publique et des gouvernants à propos de ces manques. En témoigne le lancement des comités stratégiques de filière comme celui de l'électronique. Autre signe positif : « Une volonté nouvelle chez certains OEM de reprendre le contrôle des composants-clés constituant leurs produits électroniques. DEL Design a été sollicité pour développer des cartes d'éclairage et des timers présents dans des produits français vendus en France, mais fabriqués en Asie. » DEL « comprend ces tendances » et effectue « un peu de sous-traitance », avec du câblage, du service autour du composant (customisation, mises en kit, etc.) et de l'encapsulage.
“Nous avons embauché quatre jeunes de moins de 27 ans en deux ans. Il est essentiel de transmettre notre expérience, notre savoir-faire et notre confiance à une jeune génération qui s'engage dans cette industrie. ” FRANÇOIS KUREK, président de DEL Distribution
Finalement, environ 20 % des ventes concernent les activités Production et Services, l'activité Design représente environ 2 %, tandis que l'activité Distribution se taille la part du lion avec 78 %.
COMMUNICATION EN AMONT
Évidemment, la crise sanitaire a refondu l'organisation du travail chez les entreprises. S'il est trop tôt pour parler de sortie définitive, rien n'interdit d'imaginer la vie post-Covid, avec le fameux télétravail déjà appliqué à l'ensemble de la société : « Nous avons engagé une démarche RSE. En 2022, nous allons discuter avec le personnel de l'environne-ment de travail, avec le télétravail comme possibilité définitive à son poste. […] Pour les règles d'hygiène, malgré la mise en quarantaine de 50 % des effectifs, DEL a pu fonctionner grâce à un protocole sanitaire amené, pourquoi pas, à devenir définitif. »
“Nous allons nous diversifier en étant sensiblement plus actifs dans l'industrie, tout en restant spécialistes. ” GÉRARD ROBERT, directeur des opérations de DEL Distribution
Actualité oblige, la question de la gestion de la crise actuelle concernant l'approvisionnement de composants s'impose fatalement. « Nous distribuons quinze marques et nous sommes très spécialisés : nous avons communiqué avec nos clients bien en amont. Nous avons anticipé, acheté et mis en place du stock. Désormais, les délais augmentent, ce qui accroît les risques ; nous en discutons avec nos clients et notre assureur-crédit. Notre clientèle est couverte, avec une communication étroite pour cette anticipation néces-saire. » Seulement, « beaucoup d'acheteurs possédant des portefeuilles de composants électroniques en plus d'une activité non-électronique, ne comprennent pas la situation. Comme souvent en France, nous retrouvons des doutes, un manque de confiance et de partenariat. »
Le président de DEL insiste pourtant sur l'invitation adressée aux clients de réaliser des commandes prévisionnelles à l'automne 2020 afin d'obtenir des pièces en 2021. La fenêtre s'est refermée en février avec des quotas et des livraisons négociés pour fin 2021. Mais « depuis mars, la situation est encore dégradée, personne ne voit d'amélioration avant mi-2022 ». La communication semble être l'élément porteur de cette sortie de crise : « Nous sommes fragilisés par le manque de liens de confiance restant à établir entre le fabricant et son fournisseur, qu'il soit ou non intermédiaire. Ce lien s'impose doucement, mais nous sommes loin de cette culture industrielle que nous retrouvons ailleurs en Europe. Le fournisseur, l'intermédiaire que nous sommes, va engager le long terme auprès du fabricant, lequel va engager la matière première. Or, l'important est de bloquer cette matière première : beaucoup de nos clients n'ont pas encore cette vision. »
La notion de logistique sous-entend celle de l'automatisation. Chez DEL, « déjà bien automatisé », selon Gérard Robert, la question se porte plutôt sur les données et leur traitement. En effet, le degré d'automatisation est le reflet des volumes d'autant que « nos produits ne sont pas standards : ce sont des produits de niche, à très forte valeur ajoutée », ajoute François Kurek. La logistique informatique occupe une place croissante, avec la nécessité de standardiser les demandes et les logiciels des clients qui ne concordent pas. Cette simplification des tâches est un souci pour les TPE : « Un logiciel-tampon traitant toutes les EDI, TICIO, lancé par une société appuyée par la FIEEC et nos syndicats professionnels dont le SPDEI, a été créé il y a une dizaine d'années, mais il n'a pas rencontré le succès escompté », déplore le président.
La dématérialisation va-t-elle entraîner la délocalisation de la prestation de services ? François Kurek se veut confiant : « Une prise de conscience générale de notre fragilité et de ce manque de souveraineté dans une industrie stratégique va engendrer des décisions qui iront dans le bon sens pour les acteurs locaux que nous sommes ».