Couverture ElectroniqueS n°127

La sous-traitance de l'Hexagone est confrontée à une baisse de savoir en industrialisation de produit de la part des bureaux d'études de ses donneurs d'ordres. Ce recul est sensible en implantation de composants et en routage de carte. Les jeunes aiment créer de la même façon que les personnes âgées aiment transmettre. L'évolution dans la continuité devrait donc être assurée. Problèmes toutefois : la génération d'après-guerre, qui représente une population importante, part en retraite ou est sur le point de le faire ; en même temps, les entreprises misent davantage sur les jeunes plus créatifs écartant les plus âgés. Résultat : aujourd'hui, des sous-traitants se plaignent de la qualité du cahier des charges que les donneurs d'ordres leur fournissent, notamment en ce qui concerne l'implantation des composants et le routage des cartes. « Les coûts de résolution peuvent s'avérer élevés et il faut y ajouter la perte de part de marché que constitue un allongement du “ time-to-market ” », souligne Jean-Marc Attali, p-dg d'Ose, PME grenobloise de sous-traitance. Au plan du circuit imprimé, M. Attali nous a également indiqué des « manquements à des règles de base concernant le routage et l'implantation des composants » : spécifications de plages de températures inadéquates, de distances trop petites entre composants ainsi qu'entre composants et bords de la carte. « Cela fait quatre à cinq ans que des problèmes de montage et de brasage des circuits ont pris de l'ampleur », note, quant à lui, Pierre-Jean Albrieux, président de l'Iftec, également vice-président du GFIE. « Il y a de plus en plus de litiges entre fournisseurs de circuits imprimés et fabricants de l'électronique », reconnaît, pour sa part, Pierre Bigot, président du Snese, syndicat français de la sous-traitance. Autre problème : « L'obtention des caractéristiques électriques du circuit imprimé est difficile ; le fabricant fournit seulement des caractéristiques physiques et chimiques », remarque, Xavier Benoit, directeur technique, innovation et qualité d'Adetel Group. « Aujourd'hui, le concepteur du système a d'autant plus besoin de données électriques exemple, l'impédance du circuit que la fréquence de travail est élevée », ajoute-t-il. Ces mêmes concepteurs de systèmes sont pointés du doigt mais avec des circonstances atténuantes. « Auparavant, le concepteur se concentrait sur les aspects fonctionnels et techniques, tandis que les méthodes prenaient en charge l'industrialisation du produit. Aujourd'hui, pour des raisons d'économie, il cumule les deux fonctions », constate M. Attali. « En outre, du fait des délais toujours plus courts des études, les concepteurs ont peu de temps à consacrer aux méthodes », ajoute-t-il. Le phénomène est général. « De cinq jours, les formations sur nos équipements test, pilotage de production se réduisent à deux ou trois jours », annonce, quant à lui, Matthieu Bruckert, ingénieur des ventes et du marketing chez Accelonix. Il pointe, à ce sujet, « une méconnaissance grandissante de l'univers de la production et une sous-utilisation de nombre d'équipements de fabrication ». De surcroît, les nouveaux clients, qu'a séduits l'électronisation des produits, font appel à des bureaux d'études indépendants « qui ne sont pas assez au fait de la production », selon M. Besnier.Un problème de fondOr, aujourd'hui, quand elles externalisent, les sociétés ne conservent rien et perdent notamment le contrôle du prix de revient et la capacité à évaluer leur produit. « Il faut plus de formation dans ces domaines », conclut M. Bigot. La transmission des savoirs doit aussi être restructurée. De grands donneurs d'ordres (Schneider, Thales, par exemple) s'y emploient qui cherchent, en recrutant d'anciens experts de la fabrication, à recréer une passerelle entre le bureau d'études et la fabrication. « Il faut regrouper dans une même équipe des gens qui travaillent sur la robustesse des produits d'un point de vue physique avec d'autres qui l'étudient d'un point de vue électronique », insiste M. Benoit. Une solution, de l'avis de ce dernier, serait la création d'un pôle technologique qui étudierait les bonnes pratiques. Beaucoup de ces experts ont insisté sur la nécessité de valoriser les métiers de l'électronique auprès de la jeunesse. « Dans le cadre d'un partenariat “ école-entreprise ”, en relation avec les syndicats de la FIEN et du Snese, l'organisateur du Forum de l'Electronique a décidé de payer le billet de train aller-retour aux étudiants qui décideront de visite ce salon », annonce, par exemple, Pierre Bigot, président du Snese (association française des sous-traitants). L'enjeu est de taille. « La création de richesses est en grande partie le fait de l'industrie qui représente 78 % des exportations françaises », rappelait, dans un entretien à Libération, l'économiste Brieuc Bougnoux.

Les sous-traitants face à une perte d’expertise technique des donneurs d’ordres

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