La JTE 2021 célèbre l’électronique de puissance

Le 07/05/2021 à 0:00 par La rédaction

La Journée technique de l'électronique a été l'occasion pour les nombreux experts réunis de souligner l'importance stratégique de l'électronique de puissance, à l'heure où la démocratisation des transistors SiC et GaN ouvrent de nouvelles opportunités.

Avec STMicroelectronics, la France a la chance d'avoir un fournisseur maîtrisant à la fois les technologies carbure de silicium (SiC) et nitrure de gallium (GaN).

P our son édition 2021, la Journée technique de l'électronique (JTE), qui s'est tenue en ligne le 7 avril dernier conjointement à la remise des Électrons d'or, s'est penchée sur le secteur de l'électronique de puissance en général et, plus particulièrement, sur le bouleversement provoqué par l'arrivée des technologies SiC (carbure de silicium) et, plus récemment, GaN (nitrure de gallium). Organisé par Acsiel Alliance Electronique et le magazine Electroniques, cet événement a rassemblé de nombreux experts du domaine soulignant tous l'importance de ces matériaux plus performants que le simple silicium, et donc appelés à jouer un grand rôle sur un marché des plus prometteurs.

« L'électronique de puissance représente aujourd'hui 110  euros en moyenne par véhicule, soit 1,6 Md€ pour le seul marché européen. En 2030, elle pèsera 670 euros par voiture, soit un chiffre d'affaires européen de 10,5 Md€, et la France ambitionne de se saisir d'un quart de ces ventes .» Rémi Bastien, vice-président du groupe Renault chargé de la prospective, plante le décor : l'électronique de puissance offre des perspectives alléchantes, à commencer par l'automobile. D'ici à la fin de la décennie, la totalité des véhicules commercialisés embarquera un onduleur et des convertisseurs DC-DC, et un tiers d'entre eux intégrera en sus un chargeur haute tension (400/800 V).

LA FRANCE EST BIEN PLACÉE

Qu'il s'agisse de véhicules entièrement électriques, hybrides rechargeables, hybrides ou hybrides légers, tous compteront sur des composants électroniques de puissance performants pour offrir un rendement supérieur dans un encombrement réduit. D'où l'intérêt suscité par le SiC, particulièrement doué pour les fortes puissances, et pour le GaN qui se distingue dans le découpage à tension plus faible, mais à fréquence élevée. Des avantages nets par rapport au silicium classique, et nécessaires pour imposer ces matériaux plus coûteux sur un marché automobile où le prix demeure l'arbitre incontournable. « Pour un véhicule électrique, le coût de l'électronique de puissance est équivalent au prix d'un moteur essence complet pour un véhicule thermique », souligne Rémi Bastien. Et l'Hexagone est bien placé pour couvrir une large part de la chaîne de valeur en électronique de puissance, des transistors discrets et circuits intégrés aux composants passifs en passant par la connectique, le câblage ou encore l'encapsulation. La France comporte plus de 800  chercheurs répartis dans 35 laboratoires, 23 sites industriels et 24  centres de R&D touchant à l'électronique de puissance : l'ambition de localiser en son sein cette industrie appelée à une forte croissance paraît légitime. « Mais pour ce qui est de l'électrification de l'automobile, c'est maintenant qu'il faut prendre les bons aiguillages : nous avons deux ou trois ans pour être prêts », estime Rémi Bastien.

L'automobile n'est bien évidemment pas le seul domaine d'application de ces nouveaux matériaux de l'électronique de puissance. « Lorsque nous avons remplacé une solution standard à base d'IGBT silicium par des Mosfet SiC dans le convertisseur auxiliaire Osiris destiné au métro milanais, nous avons gagné 48 % en puissance, 30 % en poids et 5,5  points de rendement », rappelle Michel Piton, expert en électronique de puissance chez Alstom. Le dernier train à grande vitesse japonais Shinkansen a même opté pour des transistors en carbure de silicium 3 300 V estampillés Mitsubishi pour sa chaîne de traction, sous-système clé dans l'industrie ferroviaire. De tels étages de puissance à fort rendement trouvent également leur place dans la conversion pour stockage d'énergie à bord, qu'il s'agisse de batteries ou de piles à combustible.

BIEN PLUS QUE DES TRANSISTORS

L'aéronautique constitue un autre champ d'action pour cette électronique de puissance d'un genre nouveau. « La motorisation électrique ou hybride ne concerne guère aujourd'hui que les roues et les actionneurs de poussée, mais dans quelques années sont envisagés des avions entièrement électrifiés, d'abord sous forme de drones, puis d'avions légers à moins de dix sièges, et enfin d'appareils plus imposants, avec des puissances se chiffrant en mégawatts et des tensions de travail dépassant les 1 000 V », prévoit Régis Meuret, expert en électronique de puissance chez Safran.

En termes de rendement et de tenue en tension et en fréquence les avantages du GaN et du SiC sont largement reconnus, et justifient de plus en plus le remplacement de montages silicium traditionnels grâce aux économies réalisées (consommation énergétique, encombrement, poids). Pour autant, ces composants ne sont pas des solutions de remplacement plug and play, et doivent être accompa-gnés d'autres éléments adaptés. À commencer par des composants passifs soigneusement conçus. « Pour les condensateurs de puissance, il s'agit par exemple de supporter des températures grimpant jusqu'à 125 °C et des fréquences de plus en plus élevées, jusqu'au mégahertz et au-delà », explique Maria Arribere, directrice de la conception pour les condensateurs de puissance chez TDK, qui cite en exemple des condensateurs à film ajoutant un copolymère au classique polypropylène pour offrir un meilleur comportement en température et une compacité supérieure (jusqu'à 30 %). « Pour d'autres modèles modulaires, nous travaillons à réduire les effets de peau qui apparaissent à haute fréquence, à travailler au plus près de la fréquence de résonance du condensateur et à abaisser l'inductivité sous les 10 nH », ajoute-t-elle, en précisant que même la résine de ces condensateurs doit être adaptée à la montée en température et en fréquence.

Même constat chez Mersen : les transistors SiC et GaN ne sont qu'un élément du puzzle. « Nous devons concevoir de nouvelles technologies de refroidissement liquide, de busbars tenant jusqu'à 180 °C, de connexions à faible inductance ou encore de busbars internes aux modules de puissance pour appréhender l'évacuation de chaleur de ces composants à très haut rendement », explique Philippe Roussel, vice-président de Mersen en charge du marketing pour l'électronique de puissance. D'autant plus que les besoins des montages de puissance diffèrent sensiblement selon le compromis choisi entre la compacité (qui dépend directement de la fréquence de découpage) et le rendement énergétique. « Le packaging compact et à faibles inductances parasites, la mécatronique adaptée aux contraintes de refroidissement, les passifs à faibles émissions électromagnétiques et l'intégration de l'électronique de commande constituent autant d'éléments critiques à la démocratisation des technologies carbure de silicium et nitrure de gallium », ajoute Pierre Lebrun, vice-président de Valeo chargé de l'ingénierie et de la R&D.

Rémi Bastien, vice-président du groupe Renault chargé de la prospective

« L'électronique de puissance destinée à la filière automobile pourrait, en 2030, peser 2,5 Md€ et plus de 4 000 emplois de R&D et de production en France. »

QUID DE LA FIABILITÉ ?

Reste la question de la fiabilité de ces composants, question d'autant plus épineuse pour des industries comme l'aéronautique ou l'automobile. « On a mis du temps, mais on maîtrise maintenant bien le carbure de silicium. Pour le nitrure de gallium, on travaille encore sur la fiabilité dans certains cas de figure », reconnaît Eric Paris, président d'Exagan au sein de STMicroelectronics. Ce dernier rappelle que le SiC et le GaN sont de toute façon des technologies complémentaires au silicium et n'ont pas vocation à le remplacer dans toutes les applications, loin s'en faut. Il estime d'ailleurs que le GaN suivra la même courbe d'acceptation que le SiC, désormais bien adopté, avec des volumes importants dans des applications grand public moins sensibles. Pour l'automobile, « la qualification de ces nouveaux composants reste un enjeu essentiel, avec des modèles de qualification peut-être un peu différents des modèles actuels qui ont été taillés pour le silicium », estime Pierre Lebrun (Valeo). « C'est toute la chaîne de l'électronique de puissance qui doit être certifiée. Il reste encore de nombreuses zones d'ombre autour du SiC, notamment en termes de fiabilité », tempère Régis Meuret (Safran), qui rappelle les travaux menés dans le cadre du projet SICRET (SIlicon Carbide Reliability Evaluation for Transport) dépendant de l'IRT Saint-Exupéry. « On manque encore de retours d'expérience à long terme pour le SiC et le GaN, concernant des équipements appelés à fonctionner pendant 20 ou 30 ans », ajoute Michel Piton (Alstom). « N'oublions pas que le condensateur reste le maillon faible en électronique de puissance et qu'il concentre la majeure partie des pannes », tempère toutefois Philippe Roussel (Mersen).

Le prix de ces nouvelles technologies, forcément plus coûteuses que le silicium traditionnel, est, lui, appelé à diminuer fortement grâce à la progression attendue des volumes de vente. « On s'attend par exemple à une production de tranches de SiC multipliée par quatre ou cinq dans les dix années à venir, donc les prix baisseront de manière significative », escompte Philippe Roussel (Mersen). La multiplication des lignes de production permettra en outre d'améliorer l'approvisionnement à partir de plusieurs sources, qui est encore aujourd'hui problématique tant ces technologies SiC et GaN restent aux mains d'une poignée de fabricants seulement, ce qui joue aussi sur le prix des composants concernés.

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