Couverture ElectroniqueS n°127

Lors du dernier salon CES de Las Vegas, Gerard Kleisterlee, président et CEO de Philips, a exhorté les industriels de l'électronique grand public à se rapprocher des consommateurs. Extraits. Il faut se rendre à l'évidence, la révolution numérique, qui devait nous faciliter la vie, ne fait dans bien des cas que la rendre plus compliquée. Et nous, les fabricants d'électronique grand public, en sommes grandement responsables. Il est vraiment temps de rendre les choses plus simples pour les consommateurs, sous peine de ne jamais voir se réaliser cette révolution numérique tant attendue. Et nous devons le faire maintenant car nous sommes arrivés à un point d'équilibre. D'un côté, il y a la complexité, de l'autre la simplicité. Si, d'une certaine manière, la complexité est intrinsèque à la technologie, la simplicité devrait toujours être la face que la fonction présente au consommateur. En ce moment, où les nouvelles technologies arrivent sur le marché grand public, le poids est clairement du côté de la complexité. »« Si je suis optimiste pour l'avenir de l'industrie électronique et du secteur des nouvelles technologies dans son ensemble, je vois malgré tout des nuages se profiler à l'horizon. La bonne nouvelle, c'est que nous avons enregistré un boom sur de nouvelles catégories d'appareils lors des dernières fêtes de fin d'année, comme les écrans plats, dont la forme séduit. Malheureusement, nous n'observons pas le même décollage pour de nombreuses technologies et fonctionnalités nouvelles. Se pourrait-il qu'il s'agisse d'un manque de simplicité ? Observons les statistiques : d'après le Yankee Group, 30 % des produits de réseaux sans fil domestiques vendus aujourd'hui sont retournés par des consommateurs incapables de les faire fonctionner. 48 % des acheteurs potentiels d'appareils photo numériques reportent leur achat parce qu'ils perçoivent le produit comme trop complexe. Enfin, 25 % des Américains croient qu'ils possèdent déjà un téléviseur haute définition. Nous avons réussi à troubler le consommateur vis-à-vis du plus basique des produits d'électronique grand public : le téléviseur… Nous allons dans la mauvaise direction et de nombreuses statistiques pointent ce problème.« Selon moi, nous devons agir sur trois paramètres principaux pour faire de la simplicité un impératif dans les années qui viennent, à savoir la technologie, l'économie et les comportements humains. Tout d'abord, regardons dans quelle direction s'oriente la technologie. De plus en plus, les appareils se connectent entre eux et à l'Internet. Cela veut dire que la technologie va nous atteindre à tous les instants de notre vie. Pas seulement dans nos salons, mais aussi dans nos cuisines, nos salles de bains, nos automobiles et même nos vêtements. Cela signifie que notre patience sera de plus en plus limitée quand il s'agira de gérer la complexité. Il faut bien comprendre les implications de l'aliénation des consommateurs à la technologie. Selon moi, la probabilité d'une réaction violente est élevée. Le plus important sera de créer les standards d'interopérabilité qui permettront de nous relier à la technologie de manière transparente, sans effort et sans douleur. Qui a déjà eu besoin de consulter un mode d'emploi pour utiliser un vieux téléphone fixe ? Or, j'ai vu des manuels de 50 pages pour certains téléphones mobiles récents, et des utilisateurs incapables de trouver le bouton de mise en marche ! Nous en sommes encore à essayer de faire comprendre au consommateur comment régler l'horloge de son magnétoscope, une technologie pourtant déjà obsolète. Nous avons choisi de multiplier le nombre de fonctionnalités des appareils grand public pour répondre à la compétition féroce qui existe dans notre industrie. Je crois au contraire que nous devrions passer moins de temps à développer des appareils qui font tout et nous concentrer plus sur des appareils intuitifs et qui fonctionnent de façon transparente les uns avec les autres.« Si l'on se penche maintenant sur le paramètre économique de l'équation, on remarque que les sommes en jeu sont plus importantes que jamais. Une part grandissante du porte-monnaie du consommateur de demain sera tournée vers notre industrie. Nous aurons de plus en plus l'énorme responsabilité de nous assurer que les consommateurs désirent bien ce que nous sommes en train de développer pour eux. Le fait que notre industrie prenne une part de plus en plus importante dans la vie des gens appelle de nouveaux modèles économiques qui prennent en compte les changements qui ont eu lieu ces dernières années. D'abord, l'amplification de la compétition a altéré l'écosystème de cette industrie, laissant moins de possibilités pour les vrais innovateurs de profiter des fruits de leurs travaux. Il ne suffit plus de développer une nouvelle technologie pour être le meilleur, les concurrents étant immédiatement sur nos talons. Or le nombre d'acteurs va encore s'étoffer. Les fabricants de PC ou les éditeurs de logiciels arrivent d'ailleurs déjà dans les salons. Nous allons droit dans le mur si nous ne collaborons pas sérieusement pour mettre en place des standards ouverts. D'autre part, ces nouveaux modèles économiques nécessiteront une plus grande flexibilité des organisations, qui devront se focaliser sur le leadership technologique, les ventes et le marketing. Cela mènera à la création de nouvelles catégories qui dépasseront les frontières de l'industrie de l'électronique grand public. »« Enfin, d'un point de vue comportemental, nous devons mieux comprendre ce dont les gens ont vraiment besoin afin que nos produits s'adaptent à leurs nouveaux modes de vie, et non, comme aujourd'hui, forcer les gens à s'adapter à nos produits. Non seulement nous devons fabriquer des produits moins rebutants, mais nous devons aussi mieux communiquer sur ces produits. Quand nous obligeons les consommateurs à se pencher sur la signification de 802.11, DSL, Wi-Fi, Bluetooth, HDTV et une myriade d'autres termes, nous faisons très peu pour simplifier leur vie. « Ici, le rôle des gouvernements aussi est critique. Trop souvent, les fabricants et les gouvernements s'opposent. Une meilleure équation serait de fonctionner en partenariat pour avancer sur des principes communs, avec comme règle principale de toujours faire passer le consommateur en premier. Le consommateur moyen devrait toujours être le bénéficiaire des politiques gouvernementales et des pratiques de l'industrie. Nous nous égarons souvent en voulant protéger les intérêts de quelques-uns, perdant de vue la majorité. Bien sûr, nous devons protéger les droits de propriété intellectuelle, mais pas en éliminant les droits du consommateur. »« Finalement, comment faire pencher la balance et appliquer le principe de simplicité à notre industrie ? Nous avons besoin de lignes directrices qui nous aideront dans notre approche. Je suggérerai trois règles de base : 1) être focalisé sur le consommateur 2) faire que chaque produit soit facile à utiliser et à comprendre 3) s'assurer que chaque produit ajoute de la valeur« Nous devons nous demander si nous concevons des produits en ayant véritablement à l'esprit le consommateur, et vérifier que nous rencontrons des besoins réels plutôt que de développer de la technologie pour la technologie elle-même. Une nouvelle technologie ne passe pas nécessairement par un produit nouveau. Elle peut simplement améliorer quelque chose qui existe déjà. Nous devons nous assurer que nos produits sont faciles à utiliser. Si un manuel est nécessaire, ils sont peut-être déjà trop complexes. La société entre dans une nouvelle ère dans laquelle tous les aspects de nos vies seront affectés par la technologie d'une manière ou d'une autre. Franchement, les implications de cet état de fait échappent souvent à notre compréhension. Ce qui est certain, c'est que l'impératif, non pas l'espoir ou le désir, mais bien l'impératif, est la simplicité.« Je crois que nous aurons besoin d'employer plus d'anthropologues et moins de technologues. Il suffirait de consacrer une petite portion des budgets traditionnels de R & D de notre industrie qui atteignent en moyenne plusieurs milliards de dollars chaque année à essayer de comprendre ce dont les consommateurs ont besoin avant de mettre un seul dollar dans le développement de nouveaux produits. Nos niveaux d'innovation atteindraient alors des sommets, tout comme notre succès sur le marché.« Pour finir, je reprendrai un mot de Léonard de Vinci : “ La simplicité est la sophistication ultime. ” Je crois bien qu'il avait raison. »

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