LES PROJETS DE RELOCALISATION RETENUS PAR L'ÉTAT DANS LE SECTEUR DE L'ÉLECTRONIQUE SONT CEUX D'ALEDIA (MICROLEDS), CIRLY, ELVIA (CIRCUITS IMPRIMÉS), PROTO ELECTRONICS, LACROIX ELECTRONICS (SOUS-TRAITANCE), SCALINX (CONCEPTION DE CIRCUITS INTÉGRÉS) ET X-FAB FRANCE (FABRICATION DE SEMI-CONDUCTEURS).
Dans le cadre du déploiement du plan France Relance, le ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance a mis en place des dispositifs de soutien à l'investissement et à la modernisation de l'industrie. Un appel à projets unique a été ouvert sur une plateforme dédiée opérée par Bpifrance.
Dans un dossier consacré à la relocalisation, Bercy souligne qu'il n'y a « pas de destin français ou européen sans vision industrielle ». « Après plusieurs décennies de désindustrialisation, nous connaissons le prix à payer pour la fermeture d'une usine. Il se monnaie par plus de fractures économiques, plus de détresse sociale, plus de dévitalisation territoriale. Un territoire qui perd son industrie, c'est un territoire qui se vide et meurt à petit feu, c'est un pays qui perd la maîtrise de son destin », peut-on lire dans le document de France Relance.
La technologie développée par Aledia permet de produire des écrans bien plus performants en termes de qualité et de consommation d'énergie que les actuels écrans LCD et Oled.
REMÉDIER AUX VULNÉRABILITÉS DE LA CHAÎNE DE PRODUCTION
Cette année, la crise du Covid a mis brutalement en lumière nos vulnérabilités dans les chaînes de production et d'approvisionnement. Elle renforce l'urgence de mener une politique de reconquête industrielle. Aussi, Bercy estime que la France doit redevenir une grande nation de production. « Dans plusieurs domaines stratégiques pour la vie des Français, notre autonomie et notre souveraineté économiques ne sont pas suffisamment assurées. Nous sommes trop dépendants des chaînes de production mondialisées, des réseaux logistiques internationaux et des arbitrages souverains d'autres pays. Il nous faut reconquérir les clés de notre résilience présente et future. Notre conviction, c'est que l'industrie est le premier pas, le levier évident de cette reconquête », plaide Bercy.
« La technologie ouvre la possibilité, avec l'industrie du futur, de faire des gains de production massifs. Parallèlement, les Français sont de plus en plus favorables aux circuits courts et l'Europe a eu un déclic qui a permis un plan de relance commun », ajoute le document. Le plan France Relance, présenté par le gouvernement en septembre 2020, dédie près de 35 milliards d'euros à l'industrie. Son ambition est claire : relocaliser les maillons manquants des chaînes de production stratégiques et prendre un temps d'avance pour favoriser la localisation des activités d'avenir en France.
SOUTENIR L'INVESTISSEMENT INDUSTRIEL
Dans le cadre de ce plan de relance, un premier appel à projets doté de 100 M€ l'an passé a été lancé pour soutenir les investissements dans quatre secteurs stratégiques pour lesquels les enjeux de souveraineté ont été identifiés comme les plus prégnants. L'électronique en faisait partie et, dans ce cadre, le projet d'Aledia a été soutenu. Cette start-up, qui va créer une usine de 450 personnes pour produire des écrans d'affichage grand public faisant appel à la technologie microLed, plus performante que les actuelles LCD et Oled, a été retenue. Une subvention sera accordée par l'État pour soutenir le premier jalon de développement industriel de 44 M€ qui amorce un investissement total de 150 M€ sur cinq ans.
Dans sa démarche d'aide à la relocalisation sur le territoire national, l'État dicte plusieurs prérequis : la production du bien présente un enjeu de sécurité nationale et européenne ; le bien considéré relève de besoins essentiels à la population ; les autres outils de sécurisation de la chaîne de valeur ne sont pas ou plus satisfaisants (constitution de stocks pour éviter un arrêt de production, diversification de sources d'approvisionnement pour limiter la dépendance, recours à des capacités de production alternatives) ; le contenu technologique du bien considéré risque d'avoir un impact sur les dépendances futures ou la souveraineté du pays.
Les dépenses éligibles dans le cadre de ce premier appel à projets comprenaient les travaux d'investissement industriel, les travaux de R&D et d'innovation (RDI), ainsi que les travaux d'amélioration de l'efficacité énergétique et environnementale.
Concernant les projets de relocalisation, 31 lauréats ont été annoncés. Ils totalisent 680 M€ d'investissement productif, dont 140 M€ de soutien de l'État. Plus de 4 000 emplois industriels sont ainsi confortés, et environ 1 800 emplois directs devraient être créés avec la mise en œuvre de ces investissements.
L'ÉLECTRONIQUE, SECTEUR STRATÉGIQUE POUR LA RELOCALISATION
Pour ces projets de relocalisation, cinq secteurs stratégiques ont plus particulièrement été identifiés parmi lesquels l'électronique, la santé et les applications industrielles de la 5G. Ont notamment été retenus les projets de sept entreprises du secteur de l'électronique : Aledia (MicroLeds), Cirly, Elvia (circuits imprimés), Proto Electronics, Lacroix Electronics (sous-traitance), Scalinx (conception de circuits intégrés) et X-Fab France (fabrication de semi-conducteurs). En voici le détail pour chacune d'elles tel qu'il figure dans un document officiel élaboré par Bercy.
Les projets de relocalisation en électronique Cinq secteurs stratégiques ont plus particulièrement été identifiés parmi lesquels l'électronique. |
- Aledia, start-up grenobloise spécialisée dans le marché de la conception de Leds, a vu le jour en 2011, en s'appuyant sur une technologie de rupture. Son projet Usine 1, prévu à Champagnier (région Auvergne-Rhône-Alpes),
repose sur la fabrication de microcomposants microLeds à nanofils, et permettra à terme de développer une chaîne de production en France dans le bassin grenoblois. La technologie développée par Aledia permet de produire des écrans bien plus performants en termes de qualité et de consommation d'énergie que les actuels écrans LCD et Oled qui dominent le marché de l'affichage digital. Les marchés ciblés sont ceux des biens de consommation à grand volume (montres connectées, smartphones, PC portables, écrans TV grand format). La technologie développée par Aledia intéresse d'ores et déjà les grands acteurs du secteur, donnant ainsi à la start-up un potentiel de « licorne ». À terme, l'évolution de cette technologie devrait permettre de s'affranchir du monopole de fait des acteurs asiatiques et d'envisager la relocalisation en France ou en Europe de la fabrication d'écrans de toutes natures, souples ou rigides. Le projet devrait avoir un impact économique majeur sur le marché des écrans qui à ce jour représente 120 milliards de dollars par an. En outre, ce projet permettra une pérennisation de 120 emplois et devrait permettre de créer 20 emplois directs dès 2021 et jusqu'à 450 emplois directs et 1 300 emplois indirects à l'horizon 2025.
- Cirly, PME spécialisée dans la production rapide de circuits imprimés en prototypes et petites séries, a été sélectionnée pour son projet Morpho, prévu à Brignais (région Auvergne-Rhône-Alpes). Cette catégorie de produits s'est révélée particulièrement critique lors de la crise sanitaire, l'entreprise ayant d'ailleurs été fortement sollicitée pour la fabrication des respirateurs artificiels. La capacité nationale de fabrication de circuits imprimés est actuellement largement insuffisante : l'approvisionnement se concentre principalement sur la zone Asie-Pacifique et dépend largement des aléas logistiques. Le projet de l'entreprise, qui vise à pérenniser son modèle industriel notamment en internalisant des opérations actuellement sous-traitées à l'étranger, permettrait à la fois de réduire les risques d'approvisionnement mais également de renforcer la réactivité et la flexibilité du secteur en période de crise. Ce projet devrait permettre de conforter les 19 emplois de l'entreprise et d'en créer cinq supplémentaires.
- Elvia Printed Circuits Boards, leader français de la fabrica-tion de circuits imprimés nus, a proposé un projet devant se réaliser à Coutances (région Normandie). L'entreprise fournit notamment les circuits imprimés nécessaires à la fabrication de respirateurs. La capacité nationale de fabrication de circuits imprimés est actuellement insuffisante pour répondre à la demande : pendant la crise sanitaire et avec les mesures de confinement, un grand nombre de professionnels du secteur électronique ont connu des difficultés sérieuses d'approvisionnement en circuits imprimés. Le projet d'investissement de l'entreprise est un projet de modernisation et de diversification qui vise à accélérer la transformation numérique de trois sites industriels. Grâce à ce projet, le chiffre d'affaires de l'entreprise devrait augmenter de 8 M€ sur la période 2023-2025, quatre emplois seront confortés et 25 seront créés d'ici la réalisation finale du projet.
Avec Symbiose, qui mobilisera au total 32 M € d'investissements, Lacroix Group ambitionne de quasiment doubler le chiffre d'affaires du site transféré vers cette nouvelle usine 4.0.
- Lacroix Electronics, filiale électronique de l'ETI Lacroix Group, est reconnue comme l'un des leaders français et européens du design et de la fabrication d'équipements électroniques professionnels. Avec Symbiose, son projet de création d'une usine 4.0 implantée à Beaupréau-en-Mauges (région Pays de la Loire), qui mobilisera au total 32 M€ d'investissements, Lacroix Group ambitionne de quasiment doubler le chiffre d'affaires du site transféré vers cette nouvelle usine. L'investissement dans la modernisation des procédés de production (notamment pour l'automatisation du système de manutention et de stockage) est une composante centrale de ce projet stratégique pour la filière électronique, et une condition essentielle au maintien et au développement d'activités de fabrication électronique sur le territoire national. Le renforcement d'une activité de fabrication électronique en sous-traitance sur le territoire est une exigence avérée pour les donneurs d'ordres de secteurs à forts enjeux de souveraineté tels que la défense, la santé, l'énergie et les mobilités, en sécurisant une source locale d'approvisionnement. L'objectif est également sur le long terme : les services de fabrication en électronique détiennent un rôle clé dans le domaine de l'électronique, sur des fonctions qui ont été externalisées par la plupart des donneurs d'ordres français et européens, mais qui restent essentielles pour l'industrialisation des produits qui, de plus en plus nombreux et dans tous les secteurs d'activité, intègrent de l'électronique.
- Proto-Electronics, leader français du prototypage électronique, souhaite renforcer la résilience de sa chaîne d'approvisionnement et de production pour continuer sa croissance et faire face à une concurrence
internationale grandissante. Son projet, à Rosheim (région Grand Est), consiste à investir dans de nouvelles capacités de production, développer des procédés technologiques innovants et réduire sa dépendance vis-à-vis de l'international en internalisant sa production de pochoirs. Il permettra de renforcer la souveraineté nationale par la préservation sur le territoire de techniques et de savoir-faire indispensables dans le domaine du prototypage rapide des systèmes électroniques de qualité industrielle. Grâce à ce projet, l'entreprise prévoit d'ici quatre ans de doubler son chiffre d'affaires et de créer 25 emplois.
- Scalinx, PME de semi-conducteurs spécialisée en conception de circuits intégrés, porte un projet baptisé Espoir, dont les activités seront réparties entre Paris, Caen et Grenoble. Il consiste à développer une gamme de composants électroniques réduisant la consommation d'énergie dans les infrastructures de communication et les systèmes radar. Cette solution permettra de disposer aux niveaux français et européen d'une brique technologique qui n'existe actuellement qu'aux États-Unis. Ce projet devrait créer 17 emplois directs.
- X-Fab France, ETI et filiale française de l'allemand X-Fab, est à l'origine d'un projet qui vise à relocaliser en France la fabrication de composants électroniques aujourd'hui fabriqués en Asie. Pour cela, l'entreprise travaillera au développement et à la mise en œuvre à l'échelle industrielle de procédés technologiques innovants ayant notamment un impact positif sur l'environnement avec la transition écologique des procédés de nettoyage les plus critiques. Ce projet permet de diminuer le niveau de dépendance aux importations et représente également un enjeu en termes d'innovation. Le rapatriement et l'adaptation de ces technologies en France constitueront la part de marché principale de X-Fab France à l'horizon 2022-2027. Les perspectives commerciales sont fortes et conséquentes pour les marchés visés, et notamment l'automobile et la 5G en plein essor. Le projet va permettre à terme de conforter plus de 800 emplois industriels directs et indirects.