Couverture ElectroniqueS n°127

Jacques Chirac et Gerhard Schröder ont récemment évoqué la possibilité de faire renaître des grands programmes industriels en Europe. Quels que soient ces programmes, l'électronique serait particulièrement concernée. Avec le recul, il est possible de se rendre compte aujourd'hui à quel point les grands programmes industriels lancés en France dans les années 1960 ont été bénéfiques à l'industrie française. En nucléaire, en aéronautique, en spatial, en ferroviaire, en télécoms, en militaire, en semiconducteurs, tout ou presque a démarré chez nous avec de grands programmes. Ce sont eux qui ont conduit en particulier au développement de nos grands champions de l'électronique (Alcatel, Thales, Sagem…), des champions qui, directement ou indirectement, représentent aujourd'hui 90 % du pouvoir de décision de l'électronique française, à la fois en euros et en emplois (leur seul échec a été l'informatique). Il n'empêche que beaucoup de ces programmes sont aujourd'hui à bout de souffle, en particulier en nucléaire, en ferroviaire, en militaire et en télécoms (n'oublions pas qu'autrefois France Télécom injectait au moins 600 M euros par an dans la recherche en télécoms; des structures ont pris le relais, mais pour des montants devenus négligeables). Ce bout de souffle a été souvent initié volontairement, en particulier au début des années 1990, sous la pression de la Communauté européenne, pour éviter toute distorsion de concurrence. Un coup de massue a été asséné à notre industrie télécoms deux ou trois ans plus tard avec la décision de supprimer le Cnet. Puis vint le coup de grâce en 2000 au travers de la ponction de plus de 100 Md euros auprès des -opérateurs télécoms européens (paiement des licences UMTS), ponction qui a eu pour effet de geler tout investissement ambitieux pour des années. Remotiver les industriels Beaucoup d'industries françaises, aujourd'hui, souffrent pour des raisons que l'on connaît ; ce qui a entre autres pour effet de freiner toute initiative pour rebondir. Il ne s'agit pas d'être nostalgique de la politique industrielle d'autrefois avec ses aides directes à l'investissement : la concurrence, désormais, l'interdit. Mais rien n'empêche par contre de redonner l'envie de foncer à nos industriels. Au contraire. Il ne faudrait pas devenir de grands naïfs et admettre sans réagir que les Etats-Unis, la Corée, Taïwan, et même le Japon nos grands concurrents favorisent, eux, leurs industriels. Or la forme la plus adaptée à l'Europe pour répondre à la nouvelle guerre commerciale mondiale, c'est la renaissance de grands programmes industriels, des programmes non obligatoirement axés sur la recherche, mais qui tirent l'investissement, qui remobilisent les forces européennes encore existantes, dont la justification soit aisée vis-à-vis des populations, et qui puissent apporter des avancées technologiques ayant des répercussions sur les services, les loisirs, ou même la culture. Tous les programmes possibles de ce type doivent pouvoir être défendables politiquement pour être finançables. Tous n'ont donc pas obligatoirement trait à l'électronique. Mais une chose est sûre: chaque fois qu'une entreprise augmente son chiffre d'affaires de 150 000 euros par an, elle est obligée, peu ou prou, de créer au moins un emploi direct (du moins en France). Et il est beaucoup plus facile d'augmenter des chiffres d'affaires avec l'électronique qu'avec le reste, sans compter les emplois indirects créés chez les fournisseurs. Quels pourraient donc être ces grands programmes susceptibles de remettre notre industrie au travail? Pour l'électronique pure, faire passer l'Europe du haut débit (ADSL) au très haut débit (VDSL), avec une foule d'applications nouvelles en perspective (nous y reviendrons) ; passer à la télévision haute définition sur 1 080 lignes : l'opportunité sera historique en 2004 (nous y reviendrons aussi) ; relancer nos programmes militaires (là, c'est en cours) ; faciliter l'usage de cartes européennes à puce (passeport, péage, sécurité sociale ou autres) ; hors électronique mais avec d'importantes conséquences pour cette dernière, citons les économies d'énergie (dont la cogénération, encore quasi inconnue mais prodigieusement importante nous y reviendrons également), le solaire et la pile à combustible (un programme “ source d'énergie hydrogène ” ne pourrait qu'être lié à un programme nucléaire, car, cet hydrogène, il faudrait bien le produire). Quelles formes pourraient prendre les financements? Dans l'esprit, tous ces programmes ont pour but de donner une certaine avance à l'Europe sur le reste du monde; il s'agirait donc de financer un risque d'agir trop tôt, compte tenu des lois du marché. Il nous semble ainsi que l'instrument idéal devrait être le prêt à taux zéro pour tout ce qui ne demande pas trop de recherche amont.

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