Couverture ElectroniqueS n°127

En fusionnant, les taïwanais CMO, Innolux et TPO vont donner naissance au numéro trois mondial des écrans LCD-TFT. Mais il ne s’agit là que d’un pan de cet accord dont la portée est bien plus importante qu’il n’y paraît… Mi-octobre, Chi Mei Optoelectronics (CMO), deuxième fabricant taïwanais de LCD-TFT et numéro quatre mondial, et son compatriote Innolux, acteur plus modeste du secteur, ont annoncé leur fusion (www.electronique.biz/editorial/ 409446/), mettant ainsi un terme à une rumeur qui courait depuis plusieurs mois. Cette transaction par échange d’actions (2,05 actions CMO contre une action Innolux) estimée à 5,3 milliards de dollars, permettra à l’entité résultante de glaner environ 17 % de la capacité de production mondiale en LCD-TFT (15 % pour CMO, 2 % pour Innolux). La société, qui prendra le nom de Chimei Innolux (CMI) et sera effective au 1er mai 2010, pourra ainsi revendiquer la troisième place du secteur, et le premier rang taïwanais, au nez et à la barbe d’AU Optronics (AUO), l’actuel numéro 3 mondial (16 %), derrière les intouchables coréens Samsung (24 %) et LG Display (21 %) (*). Mais si l’on y regarde d’un peu plus près, c’est d’un mariage à trois dont il s’agit. En effet, une semaine avant la fusion avec CMO, Innolux avait déjà signé un accord avec TPO, fournisseur taïwanais de LCD-TFT de moins de 10 pouces, en vue là encore d’une fusion par échange d’actions (huit actions TPO contre une action Innolux). Du coup, le fameux couplet de rigueur en pareille circonstance sur la synergie des sociétés et la complémentarité de leurs gammes de produits aura rarement été utilisé à meilleur escient que dans le cas de ce trio. Ainsi, TPO apportera à la nouvelle entité son offre en LCD-TFT petits et moyens formats, dont une partie se décline en versions à matrice active en silicium polycristallin basse température (LCD-LTPS) pour applications haut de gamme. Innolux, de son côté, fabrique principalement des LCD de moniteurs informatiques mais surtout, il apportera à l’ensemble ses talents d’intégrateur. A ce titre, la société réserve l’essentiel de sa production d’écrans à ses propres besoins, le Taïwanais étant le deuxième fabricant de moniteurs informatiques de l’île. Une offre vaste, y compris en technologies émergentes Après tout, ce n’est pas un hasard si Innolux est la filiale du numéro un mondial de la sous-traitance, Foxconn. Une aubaine pour la future entité qui disposera d’un carnet d’adresses clients au niveau de la dimension internationale du groupe. Quant à CMO, son catalogue de produits est déjà bien fourni avec une offre en LCD-TFT pour moniteurs, pour PC portables et surtout pour téléviseurs, un secteur sur lequel il se positionne comme le leader taïwanais et peut titiller les coréens Samsung et LG Display (LGD). Mais, ce n’est pas tout. CMO est sans doute le fabricant taïwanais le mieux placé sur le marché des LCD-TFT pour l’industriel, le médical et l’affichage public. La société est également très en pointe sur les technologies porteuses ou en devenir, telles que les écrans 3D, les interfaces tactiles, notamment multitouch, et les afficheurs à encre électronique. Sur ce dernier point, CMO devrait rapidement prendre une place de choix. La société a en effet conclu un partenariat de production avec son compatriote PVI (Prime View International), le leader mondial des écrans électrophorétiques. Échange de bons procédés, PVI apporte son savoir-faire en la matière, alors que CMO met à disposition une partie de son outil de production en dalles mères de génération 5 au service de la commercialisation à grande échelle de cette technologie. Foxconn s’immisce sur le marché des téléviseurs LCD Enfin, le tableau ne serait pas complet si l’on n’évoquait pas CMEL, filiale de CMO devenue en quelques années l’un des principaux fournisseurs d’écrans Oled à matrice active (AM-Oled), au même titre que Samsung, le numéro un du secteur, ou LGD, qui fait actuellement de gros efforts dans ce domaine (voir encadré). Bref, sur le papier, Chimei Innolux est une véritable machine de guerre avec la capacité de production d’un AUO et la diversité de l’offre d’un Samsung ou d’un LGD. Au-delà de l’aspect visualisation de l’affaire, cet accord marque également le rapprochement de deux des groupes d’électronique les plus importants de Taïwan. En particulier, Foxconn, qui entreprend depuis déjà quelques mois une diversification tous azimuts. Avec cette fusion, le groupe met ainsi la main sur un créneau qui, jusqu’ici, lui manquait : les téléviseurs LCD. Avec le savoir-faire d’Innolux en matière d’intégration et la force de frappe de CMO en termes de capacité de production d’afficheurs dédiés, il faudra en effet compter sur le groupe taïwanais sur ce créneau dans les mois à venir. Et pour assurer le bon fonctionnement de sa chaîne d’approvisionnement, il se murmure que Foxconn pourrait prochainement mettre la main sur un fabricant de DEL, ce qui ne manque pas à Taïwan. Reste maintenant au Taïwanais à relever ce qui constitue peut-être son plus gros défi : surmonter la phase d’intégration des trois sociétés à partir desquelles émergera Chimei Innolux. La suite dans ElectroniqueS, la nouvelle revue que nous vous proposerons dès le 20 janvier 2010. (*) Estimation fournie par DisplaySearch pour l’année 2009. Sur le papier, Chimei Innolux est une véritable machine de guerre avec la capacité de production d’un AUO et la diversité de l’offre d’un Samsung ou d’un LG Display. LG Display dévoile sa feuille de route en écrans AM-Oled Le coréen LG Display a récemment dévoilé sa feuille de route en afficheurs Oled à matrice active grands formats. Après un modèle de 15 pouces lancé cette année, le Coréen envisage de commercialiser des écrans de 20 pouces et plus en 2010, de 30 pouces et plus en 2011 et de 40 pouces et plus en 2012. S’il reconnaît que les tarifs seront élevés au départ, LGD estime toutefois que le coût de production des AM-Oled grands formats va baisser rapidement, au point qu’ils pourraient être moins chers à produire que des LCD-TFT de taille équivalente dès 2016. Après avoir envahi tous les marchés au cours de la décennie 2000-2009, le LCD-TFT pourrait-il se faire supplanter par les écrans AM-Oled dès la décennie suivante ? Ce scénario n’est pas exclu par le Coréen.

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