Couverture ElectroniqueS n°127

Le symposium de stratégie industrielle de l'association Semi a été marqué à la fois par le retour à l'optimisme, le syndrome chinois et une certaine prudence quant à l'avenir. Incroyable mais vrai : à peine la reprise sur le marché des semiconducteurs est-elle un fait acquis que les sociétés d'études de marché cherchent à prédire et à expliquer, voire éventuellement à prévenir, le prochain cycle négatif de cette industrie. Ainsi, la croissance prévue sur ce marché pour l'année 2004, qui devrait se situer quelque part entre 23 % et 40 %, est, pour elles, déjà devenue secondaire. De là à prédire un remake de la dernière crise, il n'y avait qu'un pas. Du moins est-ce l'impression laissée par les présentations des analystes comme Bill McClean, président d'IC Insights, Malcolm Penn, président de Future Horizons, KlausDieter Rinnen, vice-président de Gartner Dataquest, ainsi que de Jean-Philippe Dauvin, vice-président de STMicroelectronics, lors du symposium de stratégie industrielle (ISS) organisé les 16 et 17 février derniers à Paris par l'association des fournisseurs d'équipements et de matériaux pour l'industrie du semiconducteur (Semi). Un symposium au cours duquel on a pu déceler par ailleurs qu'une partie du milieu du semiconducteur souffre d'un véritable syndrome de la Chine, qui constitue, pour les uns, le dernier des pays “ prédateurs ” et donc une menace, alors que, pour d'autres, en particulier pour les industriels japonais, il représente le plus important partenaire commercial (voir encadré ci-contre).L'association Semi prédit aujourd'hui une hausse de près de 40 % pour les ventes d'équipements pour la production de semi-conducteurs en 2004. Ce qui n'est pas sans rappeler la situation de 2000. Semi avait alors été obligée, comme toutes les sociétés d'études, d'ailleurs, d'ajuster constamment ses prévisions à la hausse, et les investissements avaient finalement explosé (+83 %). Or le besoin de capacités supplémentaires de production est actuellement très réel, surtout dans le haut de gamme, à la fois pour les technologies avancées (notamment 0,13 µm) et pour les usines 300 mm, où le taux d'utilisation des usines approche les 95 %.14 usines 300 mm en attente d'équipementsIC Insights prévoit, pour sa part, une progression des investissements de 48 % en 2004, soit une hausse plus tempérée. « Sur les 25 dernières années, la moyenne des investissements en pourcentage des ventes de semi-conducteurs s'élève à 22 %. Il est probable que cette moyenne baisse à 20 % pour diverses raisons comme la disponibilité d'équipements d'occasion à faible coût et une utilisation des équipements existants sur une période plus longue que leur durée de vie normale . Il y a aussi des facteurs structurels comme le rôle croissant des fonderies, ou encore un espacement dans l'introduction des nouvelles générations technologiques, qui est en train de repasser de 2 à 3 ans », analyse Bill McClean. Un peu plus conservateur, Jean-Philippe Dauvin prévoit, lui, une progression de 35 % pour les investissements en 2004, à 39 milliards de dollars, ce qui représenterait 65 % des investissements réalisés en 2000. « Mais si la croissance est supérieure à 45 %, il y aura surchauffe. Nous avons toutefois une petite marge de sécurité pour que 2005 reste une bonne année », indique-t-il.Quoi qu'il en soit, la surchauffe se prépare. « Quatorze usines avec, chacune, une capacité de production mensuelle de 25 000 tranches de silicium de 300 mm de diamètre sont actuellement en attente d'équipements, et cela ne représente que 45 % du potentiel de la capacité de production supplémentaire de semiconducteurs, en surface de silicium à traiter, pour laquelle il suffit d'installer les équipements et de monter en puissance », estime Klaus-Dieter Rinnen. Par contre, la situation en 2004-2005 n'est pas tout à fait comparable à celle de 2000, et cela à plusieurs niveaux. Les fournisseurs d'équipements sont encore en train de se remettre de la crise qui les a plus fortement touchés que les récessions passées et a entraîné son lot de suppressions d'emplois et de restructurations, dont certaines ne sont d'ailleurs pas encore achevées. Les équipements à fournir se situent en outre en grande partie dans le haut de gamme, donc forcément plus délicats à fabriquer, mais aussi à installer, à qualifier et à monter en puissance chez les utilisateurs. Enfin, le financement nécessaire aux investissements pourrait être moins disponible aujourd'hui que lors de la “ bulle ” de 2000.Le syndrome chinoisLa Chine a figuré dans nombre de présentations au symposium ISS… et les opinions contrastées sur ce thème ont animé les débats. Toutes proportions gardées, la production chinoise n'est pas encore ce que beaucoup croient. Avec une production de quelque 4 milliards de dollars, les fabricants chinois ne pèsent en effet pour l'instant que pour 2,5 % dans la production mondiale de semi-conducteurs. Celle des trois grands, Smic, Grace Electronics et Hua Hong, en représentait 1,8 % en 2003. D'ici 2010, elle devrait augmenter considérablement, à plus de 15 milliards de dollars. Mais, selon IC Insights, leur part de la production mondiale ne serait alors encore que de 5,7 %. Toutefois, la Chine ne serait pas le premier pays à avoir une approche de prédateur se traduisant par des investissements massifs pour grignoter de plus en plus de parts de marché. Faut-il s'en accommoder ? Ou faut-il garder les pieds sur terre ? Pour Tsuyoshi Kawanishi, président de TEK Consulting, « la Chine est le premier partenaire commercial du Japon. Le transfert technologique vers la Chine est inévitable. Mais les usines de production de semi-conducteurs utilisant les vieilles technologies peuvent rester au Japon car elles tournent de façon efficace. Dans les circuits avancés, il faut aussi maintenir la combinaison conception + production au Japon. » Est-ce à dire que tout le reste peut être délocalisé ? Le gros avantage de l'empire du Milieu en termes de coûts salariaux il a été question de 15 à 30 fois moins qu'aux Etats-Unis ou en Europe au cours du symposium ne doit pas cacher les risques… ni occulter certaines vérités. Ainsi, construire une usine de production en Chine ne permettrait, selon Helmut Laub, COO de M+W Zander, que d'économiser quelque 6 % sur le coût total. Et, à en croire aussi bien Paolo Gargini, directeur de la stratégie technologique d'Intel, que Bill McClean, président d'IC Insights, les coûts salariaux ne représentent qu'une petite partie des coûts opérationnels d'une usine de haut de gamme. Pour M. McClean, il conviendrait donc de rester prudent : « Connaissant la protection de l'IP en Chine, je n'y construirai pas une usine de production de semiconducteurs. »

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