LA SOLUTION ROBOTISÉE D'INSPECTION ET DE CARTOGRAPHIE DES RÉSEAUX D'EAU POTABLE D'ACWA ROBOTICS S'INSCRIT DANS UNE DÉMARCHE « ENTREPRENEURIALE, MAIS ÉGALEMENT CITOYENNE », AFFIRME JEAN-FRANÇOIS ROSSI, SON DIRECTEUR TECHNIQUE ET CO-FONDATEUR.
Acwa Robotics est née de la « raréfaction de la ressource en eau, liée notamment à l'obsolescence des réseaux et à des rendements assez faibles. En France, l'objectif en termes de rendements serait de livrer 80 % de l'eau prélevée contre une perte de 20 %. Dans la pratique, nous en sommes assez éloignés. » Jean-François Rossi annonce la couleur pour ce besoin universel faisant clairement jaillir un enjeu sociétal, le prix de l'eau : « Il ne peut pas s'établir de business perdant 40 % de la marchandise transportée entre l'usine et la livraison chez le client, avec un rattrapage à travers une hausse du prix de l'eau ».
UNE CHENILLE QUI NE CRAINT PASL'EAU
Comment inspecter et entretenir des canalisations « âgées, mal documentées et enterrées » ? L'idée est de les arpenter sans en interrompre le fonctionnement, dans « une mouvance bio-inspirée » à la manière d'une chenille, avec une machine recueillant des informations. Trois corps cylindriques la composent : le central s'allonge et se contracte, tandis que les autres s'accrochent aux parois grâce à leurs bras. Une cinématique utile pour résister au débit maximal pouvant atteindre 2 m/s avec une pression de 20 bars dans une canalisation de 200/400 mm de diamètre.
Bientôt commercialisé, ce véritable capteur mobile usiné en aluminium n'utilise pas la 4G/5G ou le Wi-Fi, « très limités en termes de distance, d'autant qu'il n'y a pas non plus de signaux GPS ». Il embarque un lidar et « se base sur la fusion de sources hétérogènes et donnant lieu à une représentation 3D du réseau, pour ensuite le projeter et créer une représentation cartographique ». La partie électronique se doit d'optimiser la taille de la carte ainsi que la consommation énergétique. Mais les contraintes (qui ont justifié le dépôt de deux brevets) touchent surtout à la mécanique : structure de la machine, organes locomoteurs, sorties d'arbre moteur, protections capteurs, etc.
Si ce projet « parle aux gens, spécialement aux jeunes qui sont sensibles aux solutions possédant un impact environnemental », il a bien fallu d'abord parler finances, partant d'un apport venant des créateurs. Ce sont 150 000 euros qui ont été subventionnés en étant lauréats du concours I-Lab mené par BPI/Ministère de l'Enseignement Supérieur et lauréats d'I-nnov via l'Ademe. Finalement, 500 000 euros ont été réunis en 2019. « Nous avons été accompagnés par l'incubateur régional en Corse et par Régions Sud Investissement. Nous avons ensuite été suivis par le fonds d'amorçage Sofimac, rejoint par Calao Finance en guise de bouclage. Une autre levée de fonds d'un million d'euros a eu lieu fin 2020 », précise le co-fondateur. Il note également la primeur accordée à la qualité des dossiers : d'après les investisseurs (situés en France et bénéficiant de fonds européens), 1 % d'entre eux seulement sont financés.
Selon Jean-François Rossi, « le tracé exact du million de kilomètres composant le réseau de canalisation français (autant que le réseau routier) n'est pas entièrement connu ».
UN BESOIN UNIVERSEL
Acwa Robotics (douze personnes réparties entre Bastia et Aix-en-Provence) est bien occupé : « D'autres machines sont prévues afin de parcourir des canalisations plus étroites avec des technologies sensiblement différentes. Il y a également tout le développe-ment informatique à terre pour traiter les données collectées. » Il existe en effet une obligation réglementaire de documenter notamment les diamètres, composition, et état général des canalisations. Mais le futur d'Acwa se joue également à l'international avec des demandes provenant d'autres continents. Le vieillisse-ment et l'entretien des canalisations d'eau potable concernent près de 40 millions de kilomètres d'infrastructures dans le monde. Ce besoin touche aussi « les réseaux industriels, ceux du domaine de la production d'énergie, et toutes les canalisations transportant de l'eau à peu près propre […] ». L'ambition suprême est le repérage de fuites dans les réseaux des petits villages de 300 à 400 habitants, contri-buant ainsi à démocratiser des solutions « encore typées haut de gamme ».