Couverture ElectroniqueS n°127

Les communications sans fil dans la bande de fréquence des 60 GHz sont prometteuses. L'IEEE prépare l'introduction de ce nouveau standard qui pourrait voir le jour en 2009. Parallèlement, des groupes de recherche travaillent dans le monde entier afin de résoudre les problèmes associés à l'utilisation de cette fraction des ondes millimétriques du spectre hyper. Avec l'ébullition actuelle autour des travaux portant sur la bande des 60 GHz pour les communications sans fil domestiques, on pourrait presque oublier que les transferts de données non filaires, dans cette partie du spectre micro-ondes, existent depuis belle lurette dans le secteur des communications militaires entre satellites, ainsi que dans celui des communications terrestres de très haute sécurité.Traditionnellement, les liaisons radio dans la bande des 60 GHz s'appuient sur des composants réalisés en arséniure de gallium (GaAs) dont les extraordinaires capacités sont tempérées par leurs coûts très élevés. Mais, aujourd'hui, l'évolution des technologies silicium (notamment pour les procédés Cmos) permet de réaliser des transistors toujours plus petits avec des vitesses de commutation toujours plus élevées. Ces transistors deviennent ainsi de sérieux candidats pour la future réalisation de circuits analogiques pour les liaisons radio 60 GHz.L'enjeu est d'importance, car concevoir une radio analogique front-end en technologie Cmos, plutôt qu'en GaAs, présente l'avantage de pouvoir l'intégrer sur la même puce que la partie radio numérique bande de base avec, à la clé, la perspective d'un circuit radio 60 GHz monolithique et peu coûteux. Et donc, in fine, son utilisation dans le cadre de produits grand public.A court terme, les premiers démonstrateurs de systèmes hyper 60 GHz seront des solutions à plusieurs puces avec des semi-conducteurs réalisés en silicium-germanium (SiGe) haute vitesse. Mais la seconde génération de ces systèmes radio devrait toutefois se présenter comme de véritables solutions monolithiques, et ne faire appel qu'à des procédés Cmos. Avec une échéance d'arrivée sur le marché prévue d'ores et déjà pour l'année 2010.Des technologies à maîtriserOn le voit la bande des 60 GHz ouvre la voie vers de nouvelles applications encore inédites à l'heure actuelle. Mais, revers de la médaille, la conception de circuits dans cette bande de fréquence pose de redoutables défis technologiques. En effet, une fréquence porteuse d'un tel niveau, dix fois plus élevé que dans les systèmes courants actuels, présente de nombreux problèmes de conception, dans un premier temps, aux concepteurs des antennes et de la partie analogique du circuit.Des systèmes radio 60 GHz en technologie CmosMais ce n'est pas tout : le défi est encore plus grand, dès lors qu'il s'agit de développer des circuits radio 60 GHz monolithiques en silicium. Car si l'on souhaite profiter au maximum de la fréquence de transition fT élevée qu'autorise la réduction des dimensions des structures des circuits, il faut passer à la réalisation de conception dans les technologies en 45 nm, plutôt que 65 nm, ce à quoi s'emploie aujourd'hui l'Imec.Cependant, malgré ses caractéristiques de vitesse de commutation rapide, le procédé Cmos présente plusieurs défauts qui compliquent la tâche des développeurs des systèmes radios 60 GHz pour le front-end. Tout d'abord, la puissance de sortie fournie par un amplificateur de puissance en technologie Cmos est limitée à quelque 10 dBm. Ensuite, sur les circuits 60 GHz en Cmos, la fréquence de commutation n'est que quatre fois plus élevée environ que la fréquence du signal, ce qui induit un facteur de bruit extrêmement fort côté réception.Ces difficultés peuvent néanmoins être contournées en faisant appel notamment à des antennes multiples afin d'agréger le faisceau radio. L'Imec vient par exemple de montrer la faisabilité d'un récepteur à deux antennes en Cmos 90 nm aux récentes conférences ISSCC 2008 (photo). Un récepteur à quatre antennes réalisé en Cmos 45 nm est actuellement à l'étude.Forte variation des fréquences opérationnellesLa grande largeur de bande octroyée pour les réseaux radio (7 GHz) autour de 60 GHz constitue un second handicap. En effet les fréquences opérationnelles peuvent varier de 15 %, contre seulement 3 % dans le cas du standard Wi-Fi (2,4 à 2,485 GHz) par exemple. Un souci de plus pour la mise au point des antennes et des circuits pour le front-end et, surtout, pour le synthétiseur, car il n'est pas aisé d'atteindre un tel écart de réglage de 15 % sur fond de capacités parasites.CAN et traitement numérique pour des fréquences d'échantillonnage élevéesTroisième frein : les convertisseurs analogique-numérique et numérique-analogique qui doivent opérer à une fréquence d'échantillonnage élevée d'environ 4 Géch./s, et ceci avec une résolution de 5 à 6 bits. Un défi pour la technologie Cmos, d'autant plus que la consommation doit rester à un niveau raisonnable.Aux conférences ISSCC 2008, l'Imec a présenté un CAN flash 5 bits faisant appel à la technique du recouvrement (folding), avec 1,75 Géch./s et un facteur de mérite de seulement 50 fJ par pas de conversion. Soit des valeurs trois fois plus élevées que celles des meilleurs convertisseurs actuels ayant des vitesses d'échantillonnage supérieures à 500 Méch./s. Dans ce design, les limites inhérentes aux CAN flash, en termes de consommation et de surface de puce, ont été repoussées grâce à une technique de recouvrement d'un facteur 2, avec juste une consommation dynamique et sans utiliser d'amplificateurs. Le nombre de comparateurs a ainsi été réduit de 31 à 16 pour une résolution de 5 bits.Ce CAN a été réalisé dans un processus Cmos 90 nm numérique. Il occupe une surface de silicium inférieure à 110 x 150 µm2. Des mesures à 1,75 Géch./s avec un LSB de 25 mV montrent des valeurs INL (non-linéarité intégrale) et DNL (non-linéarité différentielle) de respectivement - 0,28/+ 0,24 et - 0,29/+ 0,26 LSB. Un tel taux d'échantillonnage est aussi un défi pour la fonction de traitement numérique du système radio.Faible rapport signal sur bruitLa quatrième difficulté pour les systèmes radios 60 GHz réside dans le faible rapport signal sur bruit (SNR). Ceci pour deux raisons : la fréquence élevée de la porteuse implique une puissance de réception faible, tandis qu'une grande bande passante (2 GHz à une fréquence de 60 GHz) contribue à un facteur de bruit plus élevé côté réception. Le système fonctionne donc avec un faible rapport signal sur bruit.L'Imec propose de contourner ce problème avec une approche multi-antennaire en réseau phasé. Le prototype complet d'un récepteur à antennes multiples en Cmos réalise un décalage de phase programmable des différents signaux entrants, opération nécessaire pour agréger le faisceau. Le composant de l'Imec contient ainsi quatre chemins d'antenne comprenant, chacun, un amplificateur faible bruit et un mélangeur/convertisseur descendant. Le décalage de phase programmable est effectué sur la même puce. Il fait appel aux signaux en quadrature d'un oscillateur de quadrature contrôlé en tension (QVCO) présent sur la puce.Ce dispositif QVCO combine la fréquence d'oscillation la plus élevée à la plage de réglage la plus étendue jamais réalisée en Cmos. Les applications plus gourmandes en termes de taux de transmission nécessitent des réseaux d'antennes plus larges. A noter aussi que l'agrégation du faisceau est plus importante dans les applications fixes (HDMI sans fil par exemple) que dans les applications nomades (bornes vidéo) où le problème peut être résolu en partie en plaçant le terminal portable à proximité de la borne vidéo.Un standard 60 GHz à trois couches physiquesEnfin, le cinquième défi auquel sont confrontés les concepteurs des systèmes de communication radio à 60 GHz réside dans les trois couches physiques (PHY) prévues par le standard : une modulation simple porteuse avec égalisation en domaine de fréquence (SC-FDE) et deux variantes OFDM, chacune avec ses propres préambules. Il est donc nécessaire de concevoir et de mettre en &oelig;uvre différents algorithmes d'égalisation, de tracking et d'acquisition, ce qui est loin d'être trivial.

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