Couverture ElectroniqueS n°127

L'objectif de ce plan est de propulser la France parmi les champions de l'intelligence artificielle. Le gouvernement prévoit de consacrer 1,5 milliard d'euros d'ici à 2022 pour développer l'IA, dont près de 400 Me pour des appels à projets et de défis d'innovation de rupture. L e premier Comité de pilotage du plan « Intelligence artificielle », destiné à s'assurer que des actions concrètes sont mises en place pour son accomplissement, a eu lieu le 28 novembre dernier, à Toulouse, en présence de Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, et de Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État chargé du Numérique. Il fait suite à la stratégie ambitieuse en faveur de l'intelligence artificielle présentée en mars dernier, à Paris. L'objectif de ce plan est de propulser la France parmi les champions de l'intelligence artificielle, un secteur actuellement dominé par les États-Unis et la Chine, et par des pays émergents de la discipline comme Israël, le Canada et le Royaume-Uni. Les priorités avancées par le président de la République sont la recherche, l'ouverture des données et les enjeux éthiques et sociétaux. Les mesures s'inspirent du rapport rédigé par le mathématicien et député Cédric Villani, qui a piloté plus de 300 auditions auprès d'experts du monde entier. Le gouvernement a prévu de consacrer 1,5 milliard d'euros sur l'ensemble du quinquennat pour développer l'intelligence artificielle (IA) dont près de 400 millions d'euros seront dévolus à des appels à projets et de défis d'innovation de rupture. L'IA sera le premier champ d'application du Fonds pour l'innovation et l'industrie doté de 10 milliards d'euros mis en place en début d'année 2018. La recherche figurera au coeur de la stratégie IA avec plusieurs priorités. Tout d’abord, constituer un hub de recherche au meilleur niveau mondial en IA grâce à la mise en place d’un programme national coordonné par l’Inria, en lien avec les universités et les organismes de recherche. Il s’agit ensuite de favoriser la mobilité entre la recherche publique et le monde industriel en simplifiant les démarches de création de start-up pour les chercheurs, en accélérant les procédures contractualisant les projets scientifiques, ou encore en donnant la possibilité pour un chercheur de consacrer 50 % de son temps à un projet privé (au lieu de 20 % aujourd’hui). Il s’agit aussi de doubler le nombre d’étudiants formés à l’IA, de développer des formations à l’éthique liée au numérique, de donner plus de place à l’expérimentation. Appel à manifestations d'intérêt Plusieurs actions ont déjà été engagées. Un appel à manifestations d’intérêt pour des initiatives de mutualisation de données a été lancé le 18 septembre 2018. En deux mois, plus de 70 réponses ont été reçues. Un appel à projets sera lancé à la fin du premier trimestre 2019. Le Health Data Hub a été lancé le 12 octobre avec pour objectif de créer un dispositif de partage entre producteurs et utilisateurs de données de santé. Une sélection de projets d'intelligence artificielle dans les administrations a été opérée le 21 novembre 2018. Six projets d'intelligence artificielle ont été sélectionnés dans les administrations parmi 52 projets reçus à l'appel à manifestations d'intérêt lancé en juin 2018 dans des domaines aussi divers que l'amélioration des traitements post-opératoires grâce à de l'aide au diagnostic, l'amélioration des contrôles de police de l'environnement grâce à un meilleur ciblage des contrôles, etc. Pendant dix mois, les lauréats bénéficieront d'un accompagnement technique, pour monter en compétences sur les technologies, et stratégique, pour appréhender la transformation du métier associée à l'IA. Ces projets viendront compléter ceux des entreprises publiques soutenues par le fonds pour la transformation emandées des de compétences… l'action publique (Météo France, Pole Emploi, ministère de l'Intérieur, ministère des Solidarités et de la Santé, ministère de l'Action et des Comptes Publics). Tous pourront s'appuyer sur le « Lab IA », créé au sein de la Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (Dinsic) qui accompagne les administrations dans le déploiement de leurs projets IA. Deux « Grands Défis IA » ont été lancés le 18 juillet par le Conseil de l'Innovation dont la mission est de définir les grandes orientations et priorités de la politique française en innovation. Le programme « Grands défis » est un outil à sa disposition pour soutenir des projets de rupture et favoriser l'émergence d'acteurs de référence. Les deux premiers défis visent d'une part à sécuriser, certifier et fiabiliser les systèmes qui utilisent l'IA, et d'autre part à améliorer le diagnostic médical par l'IA. Les directeurs de programme de ces défis, qui gèreront chacun un budget d'environ 30 Me sur trois ans, sont en cours de nomination. Un programme national à l'Inria Enfin, le « Challenges IA », un dispositif visant à soutenir l'innovation ouverte entre, d'une part, les entreprises ou les entités publiques qui veulent tester le potentiel de l'IA sur les défis numériques auxquels elles sont confrontées, et, d'autre part, les startup qui peuvent leur offrir des solutions d'IA innovantes, a été lancé. Pour permettre à l'écosystème de l'intelligence artificielle française de se développer et d'accélérer sa croissance, un programme national est confié à l'Inria, avec un objectif clair : conforter l'IA française en coordonnant l'ensemble de ses acteurs. Le programme national s'appuiera notamment sur le réseau des instituts 3IA (Instituts interdisciplinaires d'intelligence artificielle), dont les quatre projets présélectionnés viennent d'être annoncés : les projets des sites de Grenoble « MIAI@Grenoble-Alpes », de Nice « 3IA Côte d'Azur », de Paris « Prairie » et de Toulouse « Aniti ». Pour mener à bien cette coordination, l'Inria mettra en place une direction de programme dédiée, un comité stratégique qui regroupera les opérateurs de recherche nationaux concer-nés et un comité de suivi international. L'Inria rendra compte chaque année de son action de coordination au comité de pilotage ministériel du plan national en IA. Autre acteur essentiel dans l'accomplissement du plan IA : l'ANR (Agence nationale de la recherche). Qu'il s'agisse de projets de recherche couvrant les aspects formels, les algo-rithmes, les différentes formes d'apprentissage, l'acquisition de connaissances, ou de projets à caractère applicatif dans des domaines aussi variés que la santé, la biologie, le climat, le transport, l'agroalimentaire et la sécurité, l'ANR soutient des projets qui permettent de bâtir le socle de connaissance indispensable au développement de l'IA. D'ici à 2022, 100 Me seront consacrés au renforcement de la dotation de l'ANR dédiée à l'IA. L'objectif est de développer des projets de recherche, principalement collaboratifs. Depuis le début de l'année 2018, 61 projets ont été soutenus pour un montant de 27 Me. Parmi les projets soutenus par l'ANR, citons le projet DeepVol-Brain, porté par l'université de Bordeaux qui a pour objectif final de développer une nouvelle génération de méthodes d'analyse quantitative des IRM pour identifier automatiquement les structures anatomiques. Les méthodes proposées seront mises à disposition librement à l'ensemble de la communauté via une plateforme web. Disposer de moyens de calcul dédiés au meilleur niveau est indispensable pour développer la recherche en IA. Pour cela, le gouvernement investira, conjointement avec la Commission européenne, plus de 170 Me d'ici à 2022 pour les moyens de calcul dédiés à l'IA. Début 2019, l'opérateur national de calcul intensif Genci ins-tallera l'un des plus puissants supercalculateurs en Europe au centre de calcul Idris du CNRS sur le plateau de Saclay. Cette machine, d'une puis-sance de calcul supérieure à 10 Petaflops/s, étendra les usages classiques du calcul à haute performance à de nou-veaux usages pour l'Intelligence artificielle. Elle comportera plus d'un millier de GPU (processeurs spécialisés). 3 M$ de dons seront apportés par Facebook et permettront d'augmenter la puissance de calcul disponible pour l'IA : en mai 2018, Mark Zuckerberg avait annoncé vouloir soutenir la recherche publique française en IA, notamment en investissant dans le laboratoire de recherche Facebook AI Research, installé à Paris. < Disposer de moyens de calcul dédiés au meilleur niveau est indispensable pour développer la recherche en IA. Pour cela, le gouvernement investira, conjointement avec la Commission européenne, plus de 170 M e d'ici à 2022 pour les moyens de calcul consacrés à l'IA. Si la multiplication des capacités de calcul est essentielle, il convient aussi de faciliter l'accès au calcul pour l'ensemble de la communauté de recherche. En complément des efforts sectoriels dans les domaines identifiés comme prioritaires (santé, transports, énergie et environnement, sécurité) et des grands défis financés par le Conseil de l'Innovation, un investissement de fond est mené pour renforcer la recherche partenariale dans le domaine de l'IA. 65 Me seront investis par l'état d'ici à 2022 pour porter le volume total des projets à au moins 130 Me. Avec 122 laboratoires communs avec des PME ou des ETI depuis 2013, le programme Labcom a dépassé l'objectif de 100 laboratoires qui lui avait été fixé, et 7 laboratoires communs sont consacrés à ce jour à l'IA. Coopérations internationales Un programme sera ouvert en 2019 par l'ANR qui vise à dédier 20 Me d'ici à 2022 à des chaires industrielles et des laboratoires communs (Lab-com) dans le domaine de l'IA. Avec le cofinancement apporté par les industriels partenaires, ce sont au total 40 Me qui seront mobilisés. Les moyens supplémentaires affectés au programme visent à porter à au moins 50 le nombre de labora-toires communs en IA. Les Instituts Carnot qui mobi-lisent 30 000 personnes de la recherche publique au sein de partenariats avec les entreprises seront également appelés à renforcer leur effort. L'État apportera un soutien de 10 Me au renforcement de l'offre des Instituts Carnot en IA. De plus, les IRT mis en place par le Programme des investissements d'avenir ont lancé une initiative commune intitulée « Engage IA » avec l'ambition de devenir des acteurs majeurs de l'IA au service des entreprises nationales en développant une offre sur toute la chaîne de valeur. Ce programme mobilisera au moins 70 Me d'ici à 2022, financé à 50 % par l'État. Par ailleurs, il est prévu de développer les coopérations bilatérales, européennes et internationales. La dynamique de l'IA étant mondiale, la France prête une attention particulière au renforcement des coopérations internationales. Elle s'investit dans la préparation de la stratégie IA européenne et bâtit une stratégie partagée avec l'Allemagne. Le couple franco-allemand est particulièrement performant en matière de recherche, notamment dans le domaine de l'intelligence artificielle. Il est prévu d'établir un programme bilatéral de promotion de la recherche fondamentale avec un appel d'offres annuel sur un thème spécifique de l'IA ou des domaines spécifiques d'application de l'IA auquel seront consacrés 3 Me/an, de mettre en réseau des centres de compétences existants en France et en Allemagne, de renforcer des activités de transfert de l'IA par la mise en commun de plateformes technologiques, de jeux de données partagés et des meilleures pratiques, d'étudier des possibilités de partenariats européens en co-pro-grammation, de partager des réflexions sur les aspects éthiques et la promotion d'une approche européenne de l'utilisation de l'IA, de favoriser la coopération pour faire de l'IA un des points focaux de l'EIC (European Innovation Council), dont la mise en œuvre suit le projet de l'État français d'avoir une Agence européenne de l'innovation. La France a soutenu l'initiative de la Commission européenne consistant à définir une stratégie en IA et à renforcer son investissement à hauteur de 1,5 Mde sur 2018-2020. Il est ainsi visé de faire de l'Europe un acteur majeur au plan mondial et promouvant une approche éthique de l'IA. La France promeut également un effort substantiel sur l'Intelligence artificielle au sein d'Horizon Europe tant par un effort dédié que par le développement du Conseil Européen de l'innovation. Celui-ci sera l'agence européenne de l'innovation de rupture et créera de fait un cadre favorable au développement et à la croissance de start-up en IA.

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