Couverture ElectroniqueS n°127

La prise de vue en environnement sous-marin fait peser sur le capteur et l'électronique embarquée d'une caméra des contraintes particulières (en termes de luminosité, de transmission de données ou encore de champ de vision) qu'il faut prendre en compte en amont. L 'environnement de la haute mer présente plusieurs défis aux systèmes d'imagerie – non seulement pour capturer une image dans un environnement avec un faible éclairement, mais aussi avec le limon qui réfléchit la lumière jusqu'à provoquer l'éblouissement et avec la réduction du champ de vision due à l'immersion. Vous êtes alors confronté au défi de transmettre cette image vers la surface à partir d'une profondeur de plus de 2 000 mètres. Nous allons voir ici comment des scientifiques de l'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) en Bretagne ont utilisé des caméras Sony FCB pour surveiller la pollution et la santé des coraux dans les écosystèmes marins vulnérables du golfe de Gascogne. Le golfe de Gascogne, la partie de l'Atlantique Nord au large de la côte ouest de la France et de la côte nord de l'Espagne, constitue un environnement idéal pour les habitats de coraux en eau froide. Ceux-ci sont devenus d'importants sites sensibles pour la biodiversité car abritant de nombreuses espèces et, bien que la présence de ces habitats ait été connue depuis le XIX e siècle, on n'en sait que peu sur leur répartition et leur diversité actuelles. Ces dernières années, l'Ifremer a adopté des systèmes d'imagerie pour étudier la santé de ces écosystèmes et évaluer les dégâts causés par les activités humaines – en concentrant leurs efforts sur les 135 canyons sous-marins situés le long de la marge continentale du golfe de Gascogne. Cette année, les chercheurs ont publié leurs résultats dans la revue Frontiers in Marine Science . L'équipe a étudié 24 canyons du golfe de Gascogne, ainsi que trois zones situées entre des canyons adjacents. Les images qui y ont été collectées ont permis d'identifier un total de onze habitats coralliens, formés de 62 espèces de coraux, à des profondeurs comprises entre 50 m et 1 000 m. MARCO BOLDRINI (SONY) Marco Boldrini est responsable produits au sein de la division ISS (Image Sensing Solutions) de Sony à Reading (Royaume-Uni), une société qu'il a rejoint en 2010. Il est diplômé de l'école de commerce Sabel de Nuremberg (Allemagne). Cet article fait suite à une publication de 2016 du même groupe de chercheurs concernant l'utilisation du même système de vision pour surveiller la santé des fonds marins, en évaluant et en classifiant les déchets dans ces habitats vitaux. En étudiant quinze canyons et trois sites situés au bord du plateau continental, l'équipe a analysé 6 255 images de caméra et enregistré 198 types de déchets différents, dont 42 % de déchets en plastique, 16 % de déchets liés à la pêche, 9 % de bouteilles en verre et 6 % constitués de câbles ou de cordages – les 27 % restants étant soit autres, soit non identifiables. Selon les chercheurs, les déchets « semblaient s'accumuler à des profondeurs d'eau comprises entre 801 et 1 100 m et entre 1 401 m et 1 700 m » et ont été retrouvés dans tous les canyons et plateaux continentaux étudiés. Plus important encore, les chercheurs ont souligné que « de 15 % à 20 % des déchets marins trouvés dans les coraux (y compris les câbles et les cordages) étaient liés aux activités de pêche ». Le système de vision Les chercheurs de l'Ifremer ont utilisé deux méthodes pour capturer des images, la première consistant en une caméra remorquée à une vitesse de 0,9 m/s et la seconde consistant en un véhicule télécommandé ( Remotely Operated Vehicle , ROV) équipé d'un bloc-caméra couleur Sony FCB-H11 de 2008. Celui-ci fournit des images jusqu'à la définition Full HD, est équipé d'un zoom 10x (f 1,8-2,1), dispose d'un angle de vision horizontal de 50 degrés et est capable de capturer des images précises jusqu'à 1 lux, tout en fonctionnant à basse température (jusqu'à 0 °C) que l'on trouve dans les profondeurs. Les systèmes de caméra ont été placés à l'intérieur de boîtiers capables de résister à plus de 250 atmosphères de pression, et comportant un système d'éclairage afin d'illuminer le fond de la mer tout en évitant les réflexions aveuglantes dues au limon. Les images provenant des caméras ont également enregistré des métadonnées d'horodatage, de position et de profondeur. L'éclairage L'Ifremer utilise des systèmes de caméras spécifiques pour étudier les coraux du golfe de Gascogne à des profondeurs dépassant les 1 000 mètres. La lumière s'atténue rapidement sous l'eau et, même si des caméras telles que le FCB-H11 peuvent capter jusqu'à 1 lux (plusieurs caméras, comme le FCBEV7520A allant jusqu'à 0,35 lux), il y a peu de lumière significative détectée en dessous de 200 m. La lumière solaire ne va pas au-delà de la zone crépusculaire ( twi-light zone ) qui se trouve entre 200 m et 1 000 m. L'éclairage doit également être soigneusement contrôlé, car en profondeur, la présence de particules telles que le limon provoque un effet similaire à celui des pleins phares par forte pluie. En effet, les chercheurs ont souligné que plusieurs images avaient été rejetées en raison du problème posé par le limon, qui peut entraîner « des images de mauvaise qua-lité du fait de nuages de sédiments qui obscurcissent l'image ». Cela rend très difficile l'automatisation du contrôle de l'éclairage. Même dans un système mieux contrôlé tel que le véhicule télécommandé ROV, un opérateur doit idéalement avoir la capacité de calibrer l'éclairage et les temps d'exposition pour optimiser la qualité de l'image. Les normes de transmission d'images Des coraux ont été découverts à des profondeurs comprises entre 50 m et 1 000 m, et l'équipe a recherché des déchets marins jusqu'à une profondeur d'environ 2 400 m. Bien qu'un ROV puisse être automatisé pour se déplacer à une profondeur fixe et éviter les canyons / objets grâce à un sonar, il reste à résoudre le défi consistant à transmettre vers la surface les images acquises sans compromettre leur qualité pour leur analyse en temps utile. Les normes de vision industrielle traditionnelles ne sont tout simplement pas prévues pour transmettre des données sur ces distances ( voir figure ci-contre ). En conséquence, un câble à fibres optiques est donc nécessaire pour contrôler à la fois l'éclairage et les systèmes de caméra, ce qui augmente considérablement le coût de l'opération. Le boîtier La nature corrosive de l'eau de mer et les pressions auxquelles les systèmes sont exposés (une atmosphère de pression supplémentaire par tranche de dix mètres de profondeur) signifient que le boîtier utilisé doit être exceptionnellement bien conçu. Dans le cas présent, des systèmes tels que la gamme Luxus de MacCartney Benelux sont utilisés, permettant de coupler les caméras Sony avec une commande d'éclairage adaptable dans un boîtier pouvant atteindre des profondeurs allant jusqu'à 9 000 m. Le champ de vision L'eau présente également un effet particulièrement intéressant sur la lumière. Avec un indice de réfraction de 1,333, elle réduit le champ de vision de 25 %, ce qui doit être pris en compte quand on doit choisir la caméra. Les profondeurs des océans font partie des environnements les plus extrêmes dans lesquels les systèmes d'ima-gerie peuvent être utilisés. Non seulement ils présentent les complexités d'une pression exceptionnelle et d'une très faible luminosité, mais la lumière est souvent réfléchie par les sédiments, ce qui peut rendre les images inutilisables. La profondeur augmente par ailleurs le coût de la transmission des données. Mais, comme le montrent les recherches de l'Ifremer, la nécessité d'utiliser des systèmes de vision – qui évoluent rapidement pour inclure des spécifications telles que la technologie CMOS Sony Pregius Global Shutter – est à la fois vitale et urgente si l'on veut préserver ces précieux écosystèmes. n

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