Couverture ElectroniqueS n°127

SOUVENT, EN NORMANDIE, L'HISTOIRE D'UNE SOCIÉTÉ ÉLECTRONIQUE EST LIÉE À UNE, VOIRE PLUSIEURS ENTITÉS AYANT DISPARU. C'EST LE CAS POUR ALLIANSYS, PRÉSENT SUR UN SITE AKAI QUI, AVEC SES 800 SALARIÉS, PRODUISAIT DES TÉLÉVISEURS ET DES MAGNÉTOSCOPES DEPUIS 1982 À HONFLEUR. SON DIRECTEUR ÉRIC BURNOTTE EN DRESSE LE PORTRAIT. Nous sommes en 1997. « Les Japonais partent après avoir raté leur virage numérique. Les institutions locales qui avaient investi dans le site d'Honfleur ont alors fait appel à la Compagnie des Signaux, qui le reprend et produit du matériel professionnel en lien avec le développement des réseaux mobile et internet. Ces activités prennent fin en 2002, avec la chute des télécommunications françaises. Le site est mis en vente et repris par ses salariés. L'activité redémarre avec 60 personnes : c'est l'aventure Alliansys. Sa première partie s'est achevée en février 2016, avec la cession de la société à de nouveaux actionnaires. Je suis arrivé en 2012 avec pour mission d'en développer l'activité », raconte Éric Burnotte. Dans un des plus gros sites français (de 9 500 m 2 ), Alliansys fabrique des cartes électroniques, des produits finis complets, petits ou gros, à l'instar de ses armoires de régulation d'énergie. Le sous-traitant peut livrer directement les clients de ses clients via un service dont bénéficie notamment LifeAz pour son défibrillateur connecté. Éric Burnotte mentionne « qu'un certain nombre de nos salariés sont issus de grands groupes, ce qui nous confère une expérience dans le développement de produits, dans l'écoute du client, dans la mise sur le marché du produit avec les qualifications adéquates », tandis que les clients peuvent profiter d'un écosystème de proximité. UNE CROISSANCE ENCORE PLUS FORTE DANS LES FAITS Le chiffre d'affaires 2020 a atteint 8,2 millions d'euros (+ 12 %). Comparée à 2019, la croissance est même encore plus forte : Alliansys nuance le fait que parmi ses nouveaux clients, elle n'a pas eu à effectuer d'achats de composants. La première place dans ce résultat (obtenu sans automobile, ni aéronautique) revient à l'industrie, avec 60 %, suivie par le médical (20 %), puis la défense (10 %), avec le grand public (10 %), en hausse. Les perspectives 2021 pour Alliansys sont un objectif de croissance. Mais l'inévitable pénurie de composants inquiète, même si « le Snese en parle depuis 2018 et ne la considère pas comme une fatalité ». Éric Burnotte emploie le terme de « déverticalisation » de l'industrie des composants, antérieure au Covid. « Jusqu'aux années 2000, les grandes entreprises d'électronique fabriquaient elles-mêmes leurs composants. L'avantage est que le développement des produits s'effectuait avec des composants qui n'étaient pas encore sur le marché, ce qui conférait une avance technique de 12 à 18 mois. » Finance oblige, produits et composants (passifs et actifs) ont tous vus leurs fabrications séparées, dégradant la supply-chain, la communication, etc. Éric Burnotte regrette et s'inquiète de l'absence d'investissements des grandes sociétés dans les usines et la fabrication des composants. Éric Burnotte, directeur d'Alliansys : « Notre métier est également de conseiller nos clients, qui n'ont pas forcément notre culture ou notre savoir-faire en électronique ». Il insiste également sur la primauté accordée à la pénurie des semi-conducteurs, alors que celle des passifs en 2018 concernait des composants aussi importants, la perception troublée de la situation pouvant alors « faire souffrir la filière ». Pour limiter les impacts de cette crise, Éric Burnotte propose « d'incorporer des doubles sources dans les nomenclatures dès la phase de conception ». Le corollaire serait de revenir à la sélection et à la qualification en amont de plusieurs composants. Il y aurait certes un impact sur les coûts, mais également sur la souplesse de la supply-chain, empêchant alors les blocages en cas de problème. « Notamment effectué par Alliansys », ce travail d'industrialisation semble porter ses fruits, puisque « nombre de nos clients ont passé des commandes pour l'année, et même au-delà dans certains cas », annonce le directeur d'Alliansys. D'une manière générale, pourtant utile dans le développement du produit, la perte progressive de l'industrialisation est pointée, « car les compétences se sont un peu perdues dans les grandes entreprises ». Enfin, la sous-traitance souffre « du fait que nos clients viennent d'avantage d'écoles de commerce que d'écoles techniques, ce qui peut parfois fausser les données ». LA MARQUE « NORMANDIE » À la question de l'emploi chez Alliansys, le refrain semble désespérément connu : « Pour la partie assemblage, faute de CAP/BEP, nous formons nous-mêmes les personnes ». Notons que les couturières sont recherchées pour leur grande dextérité. Les choses se compliquent pour les techniciens : « Nous travaillons avec l'IUMM et Pôle Emploi. Nous tentons de remonter des filières de formation, des CQPM (formations certifiantes gérées par l'IUMM et les entreprises). Un système de mise à disposition de CV, avec la CCI Seine Estuaire autour de l'axe Le Havre/ Bolbec Lisieux était efficace, mais il a été arrêté, faute de financements. Enfin, nous ne faisons pas appel aux chasseurs de têtes : ils débauchent chez nos confrères et nos clients, ce qui ne fait que déplacer le problème du manque de personnel qualifié. » « Le site de 9 500 m 2 nous offre des possibilités parfois inédites à d'autres. » Alliansys bénéficie d'une aide de l'État à la réindustriali-sation, le CODEFI (Comité départemental d'examen des problèmes de financement des entreprises) afin de moderniser son site. Évolution de la technologie et crise des composants aidant, la taille des boîtiers et des composants est rationalisée, favorisant une diminution de leur taille, ou bien la disparition de familles de composants. Même s'ils ne s'avèrent pas nécessaires pour tous les types de produits, des composants de taille 0201, par exemple, sont imposés par les fabricants. Ces tailles exigent des machines de pose et de test dédiées, influençant également les bâtiments pour des impératifs liés à la précision de la pose (de l'ordre du micron) ou au maintien optimal de la température. Au niveau local, Hervé Morin et Sophie Gaugain (respectivement président et vice-présidente de la région Normandie) sont loués pour leur implication dans le développement de l'industrie. « Ils ont mis en place des dispositifs d'aides aux entreprises et ce, avant le Covid. Il y a une réelle volonté de remettre sur pied les écosystèmes afin de redonner à la Normandie ses lettres de noblesse en matière d'industrie ». L'ambition est aussi de rendre la marque « Normandie » (la région la plus connue dans le monde), vectrice de communication positive pour l'industrie.

« La pénurie des composants n’est pas une fatalité »

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