Couverture ElectroniqueS n°127

LE PRÉSIDENT DU SNESE, ÉRIC BURNOTTE, A ACCEPTÉ DE RÉPONDRE À NOS QUESTIONS EN GUISE DE PRÉAMBULE À CE ZOOM SUR LA SOUSTRAITANCE ÉLECTRONIQUE NORMANDE. Il semble qu'il y ait eu un « âge d'or » de l'électronique en Normandie, avec, dans l'esprit général, des aspects mal connus de ces activités. Éric Burnotte L'électronique a toujours été historiquement très présente dans la région, avec des sites parfois très anciens, comme les sites Philips, Sagem, Alcatel, la production de téléviseurs à Dreux, etc. L'électrotechnique et l'électromagnétisme étaient souvent liés à Moulinex. L'écosystème était complet, partant de la fabrication des circuits imprimés avec Preciohms près de Pont-Audemer, RTC à Evreux (un des sites les plus modernes en Europe il y a 20 ans), Alcatel-Coutances, site également très performant qui est devenu Elvia-PCB. Étaient aussi présents les usines de fabrication de composants, à Caen (NXP devenu en partie Murata), plus des sites emblématiques avec la Sagem près de Rouen, les sites Alcatel à Eu (devenu EINEA) et à Dieppe (devenu Framatech), le site TRT (Télécommunications Radioélectriques et Téléphoniques) près de Rouen, filiale de Philips, devenu Alcatel, puis AsteelFlash. Enfin, il y avait des écoles comme l'EFREI (École Française de Radioélectricité et d'Informatique) à Rouen, mais subsistent le lycée de la Chataigneraie, le lycée Marcel Sembat et l'ESIGELEC. Éric Burnotte, président du Snese « Avec son écosystème, sa position géographique, et sa proximité de Paris peu de régions possèdent autant d'atouts que la Normandie. » Même si l'emblématique Philips n'est plus présent, cet écosystème n'a pas totalement disparu : Seb fabrique des sous-ensembles électroniques à Saint-Lô. De ces grand groupes sont nées des sociétés comme Alliansys (ex-Akai), sur des sites auparavant créés pour contourner les taxes en vigueur dans les années 1980 . L'électronique professionnelle est toujours bien présente, avec du savoir-faire, mais elle est mal connue, ne vendant pas d'électronique à travers ses activités d'assemblage et de prestation. Y-a-t-il des secteurs d'activités spécifiques en Normandie ? Éric Burnotte Ils sont tous représentés, même si des sociétés se sont tournées vers des activités plus centrées sur l'automobile comme Bosch à Mondeville (ex-Valeo) ou Fremach (ex-Alcatel). EINEA, Groupe Sehla (ex-Alcatel), basé à Eu, possède une grosse dominante aéronautique et défense. Seprolec ou Sicap sont plutôt généralistes. L'électronique professionnelle ou industrielle demeure une sous-traitance de proximité, généraliste, car la totalité des produits sont fabriqués sur le territoire normand. Sauf pour un besoin technique, une certification spécifique, ou des questions d'ordre relationnelles, un donneur d'ordre ne traitera pas avec un sous-traitant éloigné de plus d'une demi-journée de transport. Il y a souvent plus de compétences chez les sous-trai-tants que chez les donneurs d'ordre, pas nécessairement électroniciens, et qui doivent alors être accompagnés. Outre sa position géographique, est-il réducteur d'affirmer que la Normandie devient de plus en plus parisienne, ou inversement ? Les coûts entrepreneuriaux sont-ils encore moins élevés ? Éric Burnotte C'est peut-être un peu de tout à la fois. Il y a une proximité, puisque 48 % des développements électroniques sont effectués en région parisienne. Dans le passé, les coûts salariaux étaient inférieurs, mais la différence semble s'être gommée ; les agglomérations ayant pris de l'ampleur. La proximité se décline aussi à travers l'export ; le made in France a le vent en poupe, y compris sur des produits grand public. Dans ce cas, en plus des nœuds autoroutiers, le port du Havre peut livrer des produits dans quasiment toute l'Europe dans des délais raisonnables. C'est pourquoi les Japonais étaient aussi présents en Normandie dans le passé. Plus globalement, voyez-vous des avantages, ou bien des contraintes particulières en Normandie ? Je pense notamment à la question de l'emploi. Éric Burnotte Les problématiques électroniques sont nationales. Historiquement, même affaibli, l'écosystème normand est probablement plus robuste que d'autres zones pour les raisons évoquées plus haut. Comme partout, nous manquons néanmoins de techniciens, d'ingénieurs, avec des variations locales. Avec la crise sanitaire, avez-vous des échos de mouvements de salariés vers la Normandie, en particulier pour les Bac+2 ou Bac+5 ? Éric Burnotte Pas réellement, mais avec le confinement les gens découvrent que la région n'est pas si éloignée, avec une météo clémente, (changement climatique aidant), un réseau hospitalier dense, et que le transport est en cours d'optimisation, notamment avec le projet du Grand Paris. La proximité de la mer et de Paris ne rend pas le phénomène très récent, mais le confinement accélère certainement les choses. La proximité de l'Angleterre engendre-t-elle forcément une dépendance au Brexit ? Éric Burnotte Historiquement, ce pays a plutôt été fournisseur de « matières secondaires » (résines, éléments pour les brasures, produits chimiques, etc.). Lors du passage du plomb au sans-plomb, ayant dans le passé généré une pénurie, nous avons pris conscience qu'il avait un rôle assez important, avec ces produits fabriqués ou distribués de là-bas. Pour le Brexit, nous avons été un peu perturbés en début d'année, mais la localisation géographique n'avait aucun lien, d'autant que je ne pense pas qu'il y ait eu beaucoup d'échanges en matière d'électronique entre la France et l'Angleterre. Peut-on voir une tendance particulière se dessiner pour la filière électronique normande ? Éric Burnotte Je ne vois pas de spécificité. Une chose peut-être se produit : les gens échangent beaucoup entre eux ; ils ont pris conscience de cet écosystème, et qu'il a été endommagé par les décisions antérieures. Ils réalisent aussi que bénéficier de sites de fabrication de circuits imprimés est une force, que cet écosystème est en sommeil léger, mais que les circonstances de cette pandémie font que des réalisations sont en cours pour réactiver tout cela. Cela passe-t-il par les aides de l'État ou de la région Normandie ? Éric Burnotte Ces aides sont naturellement un plus, mais elles répondent à un besoin. Désormais, lors du développement de nouveaux produits ou de nouveaux projets, nous faisons en sorte qu'ils soient développés et industrialisés avec des outils locaux. Dans le passé, certaines personnes se dirigeaient uniquement vers la Chine car elles pensaient qu'il n'y avait plus de fabrication électronique en France. La vision des choses évolue.

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