Les centaines de millions de dollars levés sans coup férir par les start-up américaines (et chinoises) vedettes de l’intelligence artificielle, comme dernièrement Groq et SambaNova après Graphcore et Cerebras, doivent faire lever les yeux au ciel des jeunes entreprises européennes joignant difficilement les deux bouts à chaque fin de mois. La frilosité des banques et investisseurs européens à miser sur l’économie réelle est connue de longue date, et explique en partie le retard accumulé par le Vieux continent dans des domaines gourmands en capitaux comme l’électronique.
Mais d’autres facteurs plus ou moins raisonnables expliquent les sommes pleuvant sur les start-up parvenant à glisser “IA” dans leur Powerpoint de présentation. La politique des taux bas, en créant de l’argent “gratuit” pour les investisseurs, favorise la création de bulles spéculatives ; l’explosion surprenante des revenus générés par Nvidia dans ce domaine incite les financiers à ne pas louper la next big thing ; créer l’évènement en faisant un pont d’or à une start-up lui permet de se crédibiliser et de se démarquer des autres ; le développement des algorithmes IA sur des plateformes communes comme TensorFlow ou PyTorch facilite le remplacement dans les serveurs de cartes d’accélération IA d’un fabricant pour celles d’un autre, ce qui ouvre le marché aux jeunes pousses ; ces algorithmes sont appelés à se spécialiser en fonction d’applications spécifiques, ce qui promet de créer des niches pour différentes sociétés. Enfin, on notera que ces sommes folles, dont un simple concepteur de circuits numériques ne saurait que faire, sont ici utilisées pour développer non seulement des processeurs optimisés pour l’IA, mais aussi des plateformes complètes à base de cartes pour serveurs de données et de solutions cloud.