Couverture ElectroniqueS n°127

PLUS PRÉCIS MAIS PLUS COÛTEUX QUE LES IMAGEURS CMOS À OBTURATION DÉROULANTE QUI SE MULTIPLIENT DANS NOS SMARTPHONES, LES MODÈLES À OBTURATION GLOBALE NE SONT PLUS RÉSERVÉS AUX APPLICATIONS SCIENTIFIQUES ET À LA VISION INDUSTRIELLE, ET FONT LEUR APPARITION DANS DES APPLICATIONS COMME LA VIDÉOSURVEILLANCE ET L'AUTOMOBILE. Les capteurs d'images à obturation globale (global shutter) sont longtemps restés l'apanage d'applications très pointues, par exemple les systèmes de test et mesure, l'imagerie scientifique ou encore le contrôle industriel. Ils s'opposent en cela aux imageurs à obturation déroulante (rolling shutter), omniprésents dans les appareils photo et smartphones grand public. Les progrès constants apportés aux capteurs d'images tendent toutefois à démocratiser les modèles à obturation globale, sous l'impulsion de nouvelles applications comme l'automobile, qu'il s'agisse de caméras extérieures (conduite assistée, aide pour se garer) ou intérieures (surveillance du conducteur). La multiplication des caméras de vidéosurveillance haut de gamme a créé un autre débouché pour ces capteurs. Rappelons qu'un obturateur déroulant est plus simple à mettre en œuvre. Les signaux y sont capturés colonne par colonne, leur circulation et leur traitement sont répartis durant la prise de vue, et donc facilités dans le cas d'imageurs à plusieurs millions de photosites. Chez Teledyne e2v, le poids lourd des imageurs Cmos à obturation globale embarque pas moins de 67 millions de pixels dans un format APS-C. LIRE L'IMAGE D'UN SEUL COUP En outre, seule la ligne en cours de lecture est « indisponible », les autres peuvent continuer à acquérir des portions de l'image. Cette technique entraîne toutefois des artefacts au niveau de l'image. Il peut s'agir de distorsions dues aux mouvements du sujet photographié durant la phase d'obturation, ou bien d'une modification de la lumière ambiante. Autant d'artefacts qui seront soit visibles, soit partiellement corrigés par un traitement du signal numérique avancé. L'obturation globale, elle, consiste à « lire » l'ensemble du capteur d'un seul coup. Elle implique soit de stocker simultanément les charges de tous les pixels au sein de mémoires intégrées à chaque photosite, soit d'effectuer directement la conversion analogique-numérique de toutes ces charges en répartissant un convertisseur analogique-numérique par pixel. On évite ainsi les effets néfastes induits par le mouvement du sujet ou le changement de luminosité. En revanche, un imageur à obturation globale requiert des photosites à architecture plus complexe mettant en œuvre davantage de transistors, des cellules mémoires et/ou un montage de conversion A/N : il sera donc plus complexe et coûteux qu'un modèle à rolling shutter. Cette complexité peut toutefois être réduite grâce aux possibilités désormais offertes par les capteurs à puces empilées. Plutôt que de tout faire tenir sur une seule et même puce, créée avec une technologie de production pensée pour les photodiodes ou pour l'électronique de traitement numérique mais rarement pour les deux, cette technique d'empilement, qui s'est répandue ces dernières années, sépare les fonctions de capture et de traitement sur deux puces différentes aux process optimisés ; en raccourcissant les distances, l'empilement accélère les transferts entre les deux puces, et il est même possible d'ajouter une puce de mémoire dans le sandwich. Pionnier en la matière, Sony propose par exemple des modèles superposant un imageur BSI (illumination par l'arrière) fabriqué en technologie 90 nm, un circuit de conversion A/N en 65 nm et une mémoire Sram servant au double échantillonnage à corrélation (CDS). Ils sont réunis sous la bannière Pregius S avec différentes fonctions de traitement du signal selon les applications (industrie, transport, etc.). L'autrichien ams vient, lui, de présenter le Mira130, un capteur Cmos monochrome 1,3 million de pixels à obturation globale sensible aux infrarouges proches et à sensibilité élevée, qui permet donc d'utiliser des émetteurs infrarouges moins gourmands en énergie. Développé en partenariat avec SmartSens Technology, il offre un rendement quantique de 40 % à 940 nm et 58 % à 850 nm. Le Mira130 présente un encombrement réduit (3,8 x 4,2 mm) grâce à l'empilement des puces du détecteur proprement dit et du circuit de traitement du signal. Doté d'un format optique ¼ pouce et d'un port MIPI CSI-2, ce détecteur à illumination par l'arrière capture jusqu'à 120 images/ seconde à pleine définition (1 280 x 1 080), avec une dynamique supérieure à 100 dB en mode HDR. Intéressé par cette niche, Samsung a présenté lors de la dernière conférence ISSCC une architecture d'imageur 1 280 x 800 à obturation globale basée sur des pixels de seulement 2,3 µm de côté, ce qui s'avère petit pour ce type de capteurs. L'entreprise est parvenue à cette miniaturisation en utilisant, pour stocker la charge accumulée par effet photo-électrique, un condensateur à fort potentiel (ici, 0,72 pF) de mémoire Dram. Fabriqué en Cmos 65 nm, le capteur présente une sensibilité à la lumière parasite de 105 dB, un bruit aléatoire de 2,1 e-RMS et un rendement quantique de 42 % en infrarouge (940 nm). Afin de limiter le bruit, Samsung s'est attaché à maximiser la valeur de la capacité de stockage de chaque pixel grâce à deux technologies : la dispersion latérale (la surface de la photodiode est usinée de telle manière que les rayonnements parasites sont rejetés) et un substrat silicium épais (8 µm) qui permet d'augmenter la profondeur du condensateur de stockage. Comme chez Sony et ams, Samsung utilise deux puces, l'une pour le capteur proprement dit, l'autre pour le traitement des signaux. L'obturation déroulante (en bas) peut occasionner une grave distorsion de l'image dans le cas d'un objet mobile par rapport à l'obturation globale (en haut). Pour sa part, OmniVision s'est récemment démarqué avec l'OG0VA, un imageur VGA (640 x 480) à obturation globale délivrant 240 images/seconde dans un format optique de 1/10 pouce. Ciblant les caméras industrielles miniatures et la vision 3D, ce capteur BSI s'avère également sensible aux infrarouges proches, avec un rendement quantique de 40 % à 940 nm et 60 % à 850 nm. Il est aussi disponible, sous la référence OC0VA, avec un circuit de traitement du signal et l'optique associée dans un module miniature de 2,69 x 3,04 x 3,04 mm. MÊME DES MODÈLES DURCIS Les imageurs à obturation globale concernent également les applications spatiales – même s'il s'agit là, le plus souvent, de composants personnalisés et non disponibles sur étagère, d'où leur absence dans nos tableaux. Teledyne e2v a par exemple développé le CIS120, un imageur Cmos durci de 2 048 x 2 048 pixels. Basé sur des photosites de 10 µm de côté, cet imageur à illumination par l'arrière présente un rendement quantique de 90 % à 550 nm et délivre 20 images 12 bits par seconde en mode obturation globale et 30 images 8 bits par seconde en mode obturation déroulante. Le CIS120 est immunisé contre les évènements singuliers (SEU) jusqu'à 67 MeV.cm²/mg. Un séquenceur intégré orchestre la synchronisation de lecture afin de simplifier l'utilisation de l'imageur et de réduire son brochage. Le mode d'obturation, la résolution de conversion analogique-numérique (de 8 à 14 bits) ou encore les valeurs de courant de polarisation sont programmables par l'intermédiaire de l'interface SPI. Les données, elles, sont véhiculées sur quatre canaux LVDS. Les diverses options de boîtiers incluent des modèles en céramique et métallisés. À noter que ce capteur étant fabriqué en puces accolées, d'autres tailles sont disponibles, de 2 048 x 1 024 jusqu'à 2 048 x 8 192, sans avoir à assumer le coût de nouveaux masques ou de traitements spécifiques comme les revêtements anti-réfléchissants. Dans l'automobile, les imageurs Cmos à obturation globale peuvent servir à surveiller l'extérieur du véhicule, mais aussi son habitacle, par exemple pour vérifier l'attention du conducteur. STMicroelectronics a par exemple développé les VG5661 et VG5761, des modèles embarquant respectivement 1,6 et 2,3 millions de photosites et conformes AEC-Q100 grade 2 et ASIL-B. Ces imageurs présentent une dynamique étendue (68,2 dB) et une forte sensibilité aux infrarouges proches (940 nm). Ici, les pixels, qui mesurent 3,2 µm de côté, sont capables de stocker deux valeurs différentes à chaque capture, ce qui permet soit d'obtenir une précision étendue (deux captures en 11 bits aboutissant à une image combinée en 16 bits dotée d'une dynamique de 98 dB), soit d'effectuer une suppression d'arrière-plan en ne conservant que la zone illuminée par la source d'infrarouges, le tout étant traité au sein du capteur et ne nécessitant pas l'intervention d'un processeur externe. Un imageur 2,3 MP à obturation globale comme l'AR0234CS d'ON Semiconductor peut convenir à des applications variées allant de la caméra industrielle au casque de réalité virtuelle en passant par la robotique et la lecture de codes-barres. DE PLUS EN PLUS DE FOURNISSEURS Ces quelques exemples montrent que les imageurs à obturation globale couvrent un très large spectre de définitions. Il s'étend de modèles à moins d'un million de photo-sites, présentant parfois des fréquences de captures de plusieurs centaines d'images par seconde et utilisés par exemple sur des lignes de production industrielle, à des versions arborant plusieurs dizaines de millions de pixels. Les photosites ne présentent pas les dimensions extrêmement réduites des imageurs Cmos optimisés pour les smartphones (qui descendent allègrement sous le micron) : ici, les pixels mesurent communément entre 3 et 6 µm de côté. De même, les interfaces « grand public » de type MIPI n'y sont pas omniprésentes, et l'on trouve beaucoup de modèles transmettant leurs données via des ports LVDS, subLVDS ou même parallèles. À noter que la dynamique indiquée dans nos tableaux correspond à la dynamique native, et peut être considérablement boostée par l'utilisation de modes haute résolution (HDR) combinant les données de plusieurs images successives. Parmi les fabricants impliqués sur ce créneau, on retrouvera bien sûr des acteurs historiques du marché industriel, comme ON Semiconductor (qui au cours des années a mis la main sur l'activité Imageurs de Cypress, Truesense Imaging et Aptina Imaging), Fairchild Imaging (désormais partie intégrante de BAE Systems) ou Teledyne e2v. Mais, aussi, des fournisseurs plus connus pour leurs imageurs grand public, comme le leader mondial Sony, OmniVision ou Canon. L'autrichien ams dispose, lui, du savoir-faire du belge Cmosis racheté en 2015. Les chinois SmartSens Technology et Gpixel (qui a récupéré d'anciens membres de Cmosis et FillFactory au sein de sa filiale d'Anvers) et le franco-italien STMicroelectronics complètent ce panorama non exhaustif.

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