Couverture ElectroniqueS n°127

La société d'analyse Future Horizons se veut optimiste quant au rebond des ventes mondiales de composants, qui pourraient en 2020 dépasser les 450 Md$ et avoisiner les chiffres atteints en 2018, après une pénible année 2019 marquée par un recul de 12,5 %. Précisons que cette étude a été publiée avant la crise du Covid-19. La gravure aux ultraviolets extrêmes commence à se populariser, notamment chez TSMC et Samsung, afin de poursuivre la miniaturisation des géométries. L e cru 2019 restera parmi les très mauvaises années pour le marché mondial des semi-conducteurs, avec une décrue estimée à - 12,5 % (et environ - 2,5 % hors mémoires). Pour autant, le rebond devrait être très significatif dès cette année, si l'on en croit Future Horizons, la société d'analyse de Malcolm Penn. Ce dernier table sur une croissance à deux chiffres des ventes de composants en 2020, soit un marché dépassant les 450 milliards de dollars – tutoyant ainsi le sommet atteint en 2018 à 468,8 milliards. Il s'avère en cela bien plus optimiste que le WSTS, qui table, lui, sur une croissance de 5,9 % seulement. Cette confiance s'appuie sur l'étude approfondie des quatre fondamentaux du marché des circuits intégrés, à savoir l'économie mondiale, la demande de composants, les capacités de production et le prix de vente moyen. Globalement, la croissance mondiale devrait remonter à 3,4 % en 2020 (3 % en 2019). Ce chiffre global cache en fait de grandes disparités (0,5 % au Japon, 1,4 % dans la zone Euro, 2,1 % aux États-Unis, 5,8 % en Chine, 7 % en Inde) même si les économies les plus dynamiques tendent à devenir matures et donc à s'éloigner des croissances affolantes des années 2010. « Les plus grandes menaces pesant sur la santé de l'économie mondiale sont d'ordre politique », estime Malcolm Penn. Guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, incertitudes britanniques induites par le Brexit, bulle boursière alimentée par des taux d'emprunt historiquement bas ou encore endettements records des « vieilles » économies constituent autant de menaces, impossibles à prévoir avec certitude – sans même parler de conflits armés potentiels, notamment en zones pétrolières. La demande de composants, dont la croissance annuelle historique est proche de 8 % et qui a diminué de 7,3 % en 2019, devrait rebondir fortement cette année comme après chaque crise forte du passé (1985, 2001, 2009). Des investissements stables Selon Future Horizons, les capacités de production, elles, devraient être suffisantes pour permettre ce rebond : le rapport entre ventes d'équipements de production de semi-conducteurs et ventes de composants se maintient en effet au-dessus des 11 % depuis désormais trois années. Ce niveau d'investissement – assez largement supérieur à la décennie précédente où il oscillait entre 5,2 % et 9,7 % – bénéficie aux fournisseurs d'équipements, un marché qui a cru de 17,8 % en 2018 et où le néerlandais ASML devrait cette année ravir la première place de l'américain Applied Materials, devant Tokyo Electron et Lam Research. À noter que Taïwan et la Chine attirent désormais plus de la moitié des investissements mondiaux en capacité de production (respectivement 27,4 % et 22,7 % en 2019), alors que les États-Unis n'en captent plus que 13,8 % (contre 21,8 % en 2014 !) et l'Europe seulement 3,9 %. « Il faut comprendre que les difficultés rencontrées à partir de décembre 2018 sont dues à un rétrécissement de la demande, et non pas à une surcapacité de production de l'industrie ; d'ailleurs, les coupes entreprises dans les investissements l'an passé devraient faire en sorte que l'on évite à court terme cette surproduction », explique Malcolm Penn. Enfin, le prix de vente moyen des circuits inté-grés, qui a plongé l'an dernier, reprend des couleurs. C'est notamment le cas pour les mémoires, qui ont atteint leur prix plancher durant l'été 2019 en raison de stocks surabon-dants induits par de massifs investissements en Dram et flash Nand depuis deux ans, et surtout par l'atonie des ventes dans plusieurs secteurs clés : smartphones, ordinateurs per-sonnels, mais aussi serveurs et infrastructures cloud . « Et, contrairement à ce que l'on entend partout, la loi de Moore n'est pas finie, loin s'en faut », assure Malcolm Penn. Le ralentissement de la miniaturisation des géométries de fabrication est réel, mais l'inventivité employée par l'industrie pour compenser ce ralentissement l'est tout autant. Les Dram utilisent par exemple de plus en plus des gravures en quad pat-terning pour s'approcher des 15 nm, et les flash Nand 3D continuent d'empiler toujours davantage de couches (modèles à 192 couches échantillonnés cette année, 256 couches attendues fin 2021). Les fabricants d'outils de production et les fondeurs disposent de roadmaps relativement précises jusqu'aux 2 nm. Le principal fondeur mondial, le taïwanais TSMC, produit déjà des puces 7 nm gravées aux ultraviolets extrêmes (processeurs A13 d'Apple et Kirin 990 de Huawei) et devrait passer au 5 nm pour l'A14 d'Apple d'ici la fin de l'année. Samsung, qui a adopté les EUV en avance de phase, échantillonne lui aussi des circuits gravés en 5 nm et l'Imec avance rapidement sur le développement de transistors à nanofils empilés en 3 nm. A MALCOLM PENN, président de Future Horizons “ Les coupes observées l'an passé dans les investissements en capacité de production devraient éviter un phénomène de surproduction par la suite. Les applications nouvelles ne manquent pas Les applications appelées à soutenir ces avancées technologiques ne manquent pas, estime Future Horizons. L'intelligence artificielle, malgré un effet de mode indéniable, s'applique toutefois à une foule de systèmes, et continue de progresser. Il en va de même pour la robotique en milieu industriel, les applications médicales (surtout pour surveiller et traiter le patient hors du milieu hospitalier), les énergies alternatives (plus de 300 millions de panneaux photovoltaïques seront produits cette année), le renouvellement des consoles de jeux (lancement en fin d'année des prochaines Playstation et Xbox), l'automobile (électrisation et conduite assistée), ou encore les smartphones (arri-vée globale de la 5G favorisant un renouvellement du parc). LE WSTS TABLE, LUI, SUR UNE CROISSANCE DE 5,9 % > Le WSTS, organisation rassemblant les fabricants de semi-conducteurs et fournissant des statistiques mensuelles de livraison de composants, est généralement plus prudent que Future Horizons dans ses prédictions, qu'elles soient à la hausse ou à la baisse. Il table ainsi sur une croissance de 5,9 % du marché des semi-conducteurs en 2020, pour atteindre un volume de ventes global de 433 milliards de dollars. > Toutes les familles de produits devraient profiter de ce rebond, en particulier l'optoélectronique (+ 12,5 %) qui, il est vrai, croît plus rapidement que le reste de l'industrie depuis plusieurs années. > La zone Asie-Pacifique s'impose chaque année un peu plus comme la destination incontournable des circuits intégrés, dont elle absorbera 63,4 % cette année, loin devant les Amériques (18,7 %), l'Europe (9,4 %) et le Japon (8,5 %).

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