Couverture ElectroniqueS n°127

La conduite automatisée et autonome entraîne une complexité beaucoup plus élevée des véhicules, de par notamment la nécessité de coordonner et de combiner de nombreux composants différents. Cette complexité est bien illustrée par la détermination et la distribution des informations de positionnement. Dans cet article, Elektrobit en décrit les concepts et leur mise en œuvre. SEBASTIAN OHL ET HENNING SAHLBACH (ELEKTROBIT) Sebastian Ohl est directeur du Technology Center for Environmental Perception pour la conduite hautement automatisée chez Elektrobit. Henning Sahlbach est architecte système pour les produits Robinos. Sebastian Ohl a notamment démarré le développement des composants logiciels pour la conduite autonome en 2014 et Henning Sahlbach a rejoint cette activité de développement début 2018. P our la conduite automatisée, qui peut aller jusqu'à la conduite autonome, il est essentiel que le positionnement du véhicule soit connu en temps réel des systèmes embarqués. Cette tâche peut paraître simple à première vue, mais un examen plus approfondi en révèle toute la complexité. Un système de navigation classique fournit la position GPS absolue du véhicule au sein d'un système de coordonnées mondial, comme le système de référence géodésique WGS84. Cela permet aux applications de navigation de déterminer la position du véhicule sur une base de données cartographiques et d'effectuer des tâches comme le guidage routier, ou même de compiler un horizon électronique transmettant les informations concernant le tracé de la route devant le véhicule aux outils prévisionnels d'assistance à la conduite. Cependant, dans le cadre de la conduite automatisée ou autonome, de nombreuses applications exigent des informations supplémentaires concernant le positionnement et les mouvements du véhicule. Ces informations sont généralement consti-tuées par la synthèse des signaux de différents capteurs : ceux qui perçoivent le mouvement du véhicule et ceux qui appréhendent son environnement grâce à des capteurs de positionnement comme le GPS. Ces informations de positionnement doivent ensuite être distribuées aux nombreux calculateurs électroniques (ECU) et modules logiciels, afin qu'ils puissent rem-plir leurs fonctions respectives. Démarche «capter-planifier-agir» des architectures de conduite automatisée La plupart des architectures modernes de conduite automatisée suivent la démarche «capter-planifier-agir». Des systèmes de capteurs et la synthèse de leurs signaux fournissent les informations de positionnement, un module de décision suit l'objectif du système et des actionneurs exécutent au final la décision. < Les plateformes logicielles typiques de conduite automatisée nécessitent des informations de positionnement mondial et local et doivent les fournir sous la forme de structures de données adaptées aux différents types d'applications. Les modules d'un système de conduite automatisée ou autonome n'ont toutefois pas tous besoin des mêmes informations d'auto-déplacement ou de positionnement à la même cadence, ou en tout cas avec la même qualité. De plus, le type de données nécessaires dépend énormément de la fonction à exécuter. Par exemple, au-delà du positionnement mondial précis sur la voie, une trajectoire homogène est essentielle à l'exécution, en toute sécurité, des changements de voie et d'autres manœuvres de conduite automatisée sur route ou autoroute. D'autre part, une application de stationnement avec voiturier automatique a besoin d'une position absolue, avec une précision inférieure au décimètre, pour localiser le bon emplacement de stationnement. De nombreuses applications supplémentaires, telles qu'eCall ou les communications V2X, bénéficient également de données de positionnement exactes. Triple contrainte pour le positionnement La démarche «capter-planifier-agir» forme la base des architectures de conduite automatisée les plus modernes, et elle comprend les systèmes de capteurs réels et la fusion des signaux ( Sensor Fusion ), un module de décision qui suit un objectif système et des actionneurs, ou des servomoteurs, pour exécuter la décision ( voir figure page 74 ). La partie « capter » de la démarche met en œuvre une grande variété de capteurs de positionnement. Ceux-ci peuvent être classés en trois grandes catégories: les capteurs de positionnement, les capteurs extéroceptifs et les capteurs intéroceptifs. Les premiers fournissent des informations concernant la position absolue dans un système mondial de coordonnées. Les principaux exemples sont les capteurs GNSS ( Global Navigation Satellite System ), dont le GPS est le plus connu. En ce qui concerne les capteurs extéroceptifs, ils utilisent l'environnement du véhicule pour mesurer son mouvement en fonction des éléments détectés. Il s'agit par exemple de dispositifs radar, lidar ou de caméras. Enfin, les capteurs intéroceptifs mesurent les mouvements du véhicule depuis l'intérieur. Ils n'ont donc pas besoin d'informations sur l'environnement proprement dit, contrairement aux deux autres catégories de capteurs. On retrouve ici les gyroscopes, les accéléromètres ou les compteurs kilométriques. Chacune de ces trois catégories prend en charge le calcul des informations de positionnement et d'auto-déplacement pour la conduite automatisée ou autonome. Ces informations simplifient de nombreux algorithmes mis en œuvre dans les modules de perception et de décision. Cependant, aucun capteur à lui seul ne peut fournir un positionnement qui soit à la fois sécuritaire et d'une haute précision, et à une fréquence assez élevée en adéquation avec les temps requis pour prendre une décision ou par l'unité de perception environnementale du système. La situation se complique encore un peu plus si un système nécessite un positionnement mondial pour se référer à d'autres véhicules dans un cadre international ou pour correspondre à des données cartogra-phiques mondiales. Un composant logiciel fournissant un positionnement sécuritaire, de haute précision et basé sur les informations de nombreux capteurs est donc crucial pour satisfaire aux exigences des applications de conduite automatisée ou autonome. Choix d'un positionnement local ou global Le mouvement relatif à court terme d'un véhicule peut déjà être calculé en utilisant uniquement des capteurs intéroceptifs. Leurs informations peuvent également être utilisées pour fournir un positionnement local, indépendamment de la disponibilité des données de capteurs des deux autres catégories. L'avantage présenté par les données de positionnement des systèmes de coordonnées locaux est qu'elles décrivent relativement précisément un mouvement régulier, sans les sauts de correction typiques des mesures acquises via des capteurs GNSS. De plus, les données sont immédiatement disponibles au démarrage du véhicule, sans avoir besoin, par exemple, d'attendre une éventuelle correction GNSS. En fait, les informations de positionnement local sont disponibles, même sans aucune information GNSS ni capteurs de positionne-ment. Le tableau ci-contre fournit un aperçu des données de positionnement disponibles dans un système de coordonnées local. Toutes les données décrites incluront généralement les informations concernant leur précision estimée. A contrario, certaines applications nécessitent des informations absolues de positionnement global. Dans ce cas, la position doit se référer à un système de coordonnées international. Alors que le positionnement local varie dans le temps de manière inhérente avec l'intégration des mesures du capteur, le positionnement global a l'avantage d'être corrigé en permanence par les capteurs de positionne-ment. Le tableau ci-dessous montre les données de positionnement disponibles généralement dans le système mondial de coordonnées. Ici aussi, les données décrites peuvent inclure des informations concernant leur précision estimée. De plus, les données de positionnement peuvent être mises en relation avec différents systèmes de coordonnées utilisés pour différents objectifs. On distingue trois concepts importants. Les données de positionnement global se basent généralement sur un système mondial de coordonnées ( World Coordinate System ou WCS). Le point d'origine peut différer énormément en fonction du système de référence utilisé. Pour le système WGS84, ce point se situe à l'ouest de l'Afrique dans l'océan Atlan-tique, tandis que chaque zone UTM ( Universal Transverse Mercator pour Transverse universelle de Mercator) a son propre point d'origine des coordonnées UTM. L'axe X est donné en points UTM vers l'est et le plan X-Y est perpendiculaire àlagravité. Le positionnement local doit être basé sur un point d'origine défini par lui-même pouvant être fixé par rapport au véhicule, par exemple le milieu de l'essieu arrière projeté sur le plan de la route dans le sens de la gravité. Ce système de coordonnées du véhicule ( Vehicle Coordinate System ou VCS) place le plan X-Y perpendiculairement à la gravité, et l'axe X le long de la ligne de vue du conducteur. Enfin, un système de coordonnées local ( Local Coordinate System ou LCS) définit son point d'origine comme une position fixée sur le sol, mais sans référence à un WCS. Par exemple, le point d'origine peut être la position au démarrage du système. Les angles peuvent être définis comme angles d'Euler et les rotations peuvent être exprimées en utilisant la convention de rotation intrinsèque Z-Y'-X” de Tait-Bryan. Aucun des systèmes de coordonnées de vitesse et d'accélération ne se déplace par rapport à la surface de la Terre. Par exemple, le VCS à un horodatage donné ne se déplace pas avec le véhicule, mais demeure à la position du véhicule à cet horodatage, ce qui fait que les données définissent finalement les valeurs de vitesse et d'accélération au-dessus du sol. Mise en œuvre dans des environnements logiciels Une étude plus approfondie des solutions logicielles typiques pour les modèles environnementaux et la conduite automatisée montre comment les données de positionnement interagissent en réalité avec diffé-rents composants et applications. Les données issues d'un capteur sont d'abord converties dans des structures de données abstraites, afin de rendre les étapes suivantes indépendantes d'un type particulier de capteur. Les données sont ensuite traitées par différents modules lors d'une étape de synthèse. Cette étape consiste, par exemple, en un module de synthèse d'hypothèses d'objets, un module de synthèse de tableaux ou un module de posi-tionnement de haute précision. Les résultats de ce processus de fusion des données peuvent alors être affichés dans des vues spécifiques à une fonction. Ces vues résument les données compilées des capteurs, afin de fournir une vue propre aux fonctions qui vont suivre. Par exemple, une fonction de freinage d'urgence exige l'hypothèse d'objets immédiatement après la détection initiale – pour prétendre le frein –, alors que le régulateur de vitesse adaptatif peut nécessiter une hypothèse d'objets plus fiable, puisqu'une réaction très rapide n'est pas vraiment le problème à ce niveau. Autre avantage des différentes vues, la capacité d'adapter la quantité de données à différentes architectures de système, dans lesquelles les bus de communication pourront avoir différentes performances. La partie centrale des architectures logicielles typiques fournit les fonctions de conduite automatisée. Elle divise l'ensemble du système en plusieurs fonctions plus petites, chacune adaptée à une situation particulière. Cela permet aux développeurs de se concentrer sur une tâche spécifique. De plus, le système peut être complété dans le temps en ajoutant davantage de fonctions à celles présentes initialement. L'utilisation de fonctions de contrôle compatibles avec différents véhicules crée un besoin de modérer cet accès, ce qui est réalisé par un arbitrage comportemental. Celui-ci collecte les requêtes provenant de toutes les fonctions de contrôle du véhicule et décide laquelle, ou quel ensemble de comportements, peut accéder au servomoteur. Ces commandes sont ensuite exécutées par les composants de l'étape de contrôle du mouvement ou de l'IHM. Lors de ces étapes, le système applique des algorithmes d'optimisation de contrôle indépendants du véhicule, afin d'exécuter les commandes demandées. Ces commandes indépendantes sont ensuite converties en commandes spécifiques au véhicule ou au servomoteur par la couche d'abstraction ( voir figure page 74, à droite ). Des capteurs étalonnés Les données de positionnement sont généralement fournies par un composant de positionnement dédié dans l'architecture logicielle. L'étalonnage des capteurs est l'une des premières étapes exécutées par un tel composant. Cette opération est nécessaire car, bien que les capteurs intéroceptifs répondent à des quantités physiques spécifiques, leur réponse n'est généralement pas rapportée comme une valeur en unités physiques. Des transformations mathématiques sont nécessaires avant que les données puissent être utilisées pour une estimation du positionnement. Les capteurs utilisés sont étalonnés à cet effet. DESCRIPTIONS D'INTERFACES D'AUTO-DÉPLACEMENT ET DE POSITIONNEMENT > Au cours des dernières années, l'industrie a donné différentes descriptions d'interfaces d'auto-déplacement et de positionnement. Cette expérience permet de mettre en valeur quatre interfaces de positionnement et d'auto-déplacement prenant en charge tous les cas d'utilisation relatifs à la conduite automatisée. Ces interfaces fournissent une description d'auto-déplacement, un positionnement local relatif et un positionnement mondial de haute précision satisfaisant différents niveaux de qualité et de sécurité et basé sur des capteurs de positionnement mondiaux intéroceptifs et extéroceptifs. > La structure de données permettant de décrire un positionnement mondial comprend les paramètres suivants: les coordonnés UTM sur un axe est-ouest, les coordonnées UTM sur un axe nord-sud, l'altitude et la rotation du véhicule sur les axes X, Y et Z perpendiculairement à la gravité. Les variations des positions X, Y et Z ainsi que du taux de roulis, de tangage et de lacet sont également incluses. La structure de données pour décrire un positionnement local comprend les paramètres suivants: la position sur les axes X et Y par rapport au point de départ du véhicule, la position sur l'axe Z par rapport à la surface de conduite, la rotation des axes X et Y par rapport à la surface de conduite, la rotation de l'axe Z par rapport à la direction de conduite initiale. Les variations des positions X, Y et Z ainsi que du taux de roulis, de tangage et de lacet sont également incluses. > La structure de données du positionnement delta permet de déduire le positionnement en temps réel par rapport aux coordonnées locales à un point de départ donné. La structure comprend les deltas pour les axes X, Y et Z par rapport au VCS de l'horodatage de départ, ainsi que la rotation delta autour de l'axe Z par rapport au sens de la gravité. Cette structure, encore une fois, inclut également les variations des deltas des axes X, Y et Z ainsi que les valeurs de lacet. Enfin, la structure de données de la dynamique du véhicule comprend la vitesse perpendiculaire à la gravité et la vitesse de rotation, leurs variations respectives, l'accélération et l'accélération de la rotation, ainsi que leurs variations respectives. > Ces quatre structures de données sont généralement combinées dans une grande structure unique. Cela entraîne des taux de transfert de données énormes d'un composant à l'autre. Comme les valeurs sont souvent déduites de différents capteurs, tous les champs de données ne peuvent pas être mis à jour au même moment. Cela entraîne des données obsolètes, ou un mélange de données estimées et mesurées. Ces informations de qualité peuvent bien sûr aussi être incluses dans la structure de données, mais cela entraîne encore son alourdissement. Les quatre structures de données décrites peuvent être utilisées par différents composants. > Le positionnement mondial est utilisé chaque fois que le véhicule a besoin de se référer à une autre entité dans un WCS. Le positionnement d'un véhicule sur une carte est le cas le plus évident, mais un cas d'utilisation V2X exige également le positionnement mondial. Le positionnement local, lui, est utilisé par les composants nécessitant des informations enregistrées à court terme, mais non concernées par le positionnement en temps réel par rapport à un système de coordonnées mondial. La détermination d'une trajectoire relative constitue un cas d'utilisation typique. Le positionnement delta ne concerne souvent que les contrôleurs de trajectoire. Ceux-ci doivent en effet corriger la variable de manœuvre sur la base de l'erreur accumulée depuis la dernière étape de contrôle. Le positionnement delta peut fournir une mesure très régulière et fiable pour de tels cas. La dynamique des véhicules ne dépend pas d'un système de coordonnées mondial, car elle ne décrit que des mouvements relatifs. Chaque composant peut décider si cette information est nécessaire pour sa fonction en l'extrayant des informations de positionnement vers une structure de données séparée. La plupart des capteurs possèdent deux paramètres notables décrivant la relation entre les mesures du capteur et leurs valeurs dans les unités physiques correspondantes. « Scale » (échelle) décrit le changement de mesure du capteur quand la valeur physique mesurée change d'une unité. « Bias » (biais) décrit la mesure du capteur quand la valeur de l'unité physique mesurée est zéro. Ces paramètres ne restent pas constants, ni à court terme – ils dépendent souvent de la température–, ni pendant toute la durée de vie du capteur. De plus, la nature intégrante du processus de synthèse implique que des écarts minimes de ces paramètres entraînent de grandes erreurs dans le résultat de la synthèse. C'est la raison pour laquelle, pour des applications requérant une précision élevée, tous les paramètres d'étalonnage des capteurs doivent être estimés avec soin et mis à jour continuellement pendant le fonctionnement du système. Dans le composant de positionnement, les mesures brutes du capteur servent de base au composant d'étalonnage du capteur. Celui-ci estime les paramètres d'étalonnage du capteur et étalonne les mesures, qui servent d'entrées aux composants séparés d'estimation du positionnement local et mondial. La précision du positionnement estimé est un facteur primordial assurant la qualité et la fiabilité du composant de positionnement. Dans ce contexte, la précision représente la déviation totale observée du positionnement estimé par rapport au positionnement réel. Il existe de nombreuses sources de déviations. Certaines sont systématiques, d'autres sont probabilistes par nature. Chaque capteur présente une série de limitations concernant leur précision, allant d'erreurs de mesure à des échelles non idéales, en passant par des valeurs biaisées, une sensibilité croisée, des effets d'échelle non linéaires et bien d'autres. Les mesures (en particulier les entrées GNSS) peuvent être affectées par des conditions d'erreur difficiles à détecter, comme les effets de trajets multiples. Les taux d'échantillonnage et les délais de communication ou de mesure sont aussi des facteurs cruciaux pour assurer l'exactitude du positionnement. La précision des mesures doit être évaluée Tout comme les capteurs, la synthèse elle-même introduit des déviations dans les résultats de mesure. Le modèle de mouvement est toujours décrit de manière idéale. Il existe toutefois des différences évi-dentes entre le modèle et les mouvements réels du véhicule. Cela cause certaines erreurs dépendant des manœuvres dans l'exactitude du résultat de la synthèse. Les approches analytiques visant à prévoir l'exactitude attendue du composant de positionnement ne sont pas significatives, car elles exigent que de nombreuses hypothèses soient effectuées concernant les capteurs et les manœuvres de conduite à suivre. C'est pourquoi il est préférable de déterminer l'exactitude empiriquement. Par exemple, un système de référence avec des capteurs haut de gamme peut être utilisé pour fournir le positionnement réel avec une bonne précision. Le positionnement estimé peut ensuite être comparé à la référence correspondante, et les déviations peuvent être cumulées dans différentes vues statistiques. Cependant, l'exactitude du système complet ne peut pas être exprimée par un seul nombre. D'autres aspects doivent être pris en compte au-delà de l'erreur de positionnement absolu. Ceux-ci incluent l'angle du lacet, le mouvement du véhicule et les erreurs de longitude ou de latitude. Les vues statistiques comprennent les résultats de manœuvres de conduite spécifiques, comme le freinage ou la conduite sur courbes, car certaines applications sont concernées par ces situations spécifiques. n

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