Couverture ElectroniqueS n°127

Les spécifications de l'amplificateur chargé de piloter un CAN S- définiront souvent les performances globales d'un système d'acquisition de données, notamment en termes de bruit, de distorsion et de consommation. De ce fait, un choix judicieux de cet élément et du filtre anti-repliement est impératif. La seconde partie de cet article sera publiée dans notre prochain numéro. S avez-vous combien de résultats votre moteur de recherche propose pour l'expression anglaise Design buffer for an ADC («conce-voir un étage tampon pour un convertis-seur analogique-numérique » ? Vous ne trouverez probablement pas ce que vous cherchez parmi les quelque 4 millions de références proposées! Ce n'est guère sur-prenant pour la plupart des concepteurs de systèmes d'acquisition de données à signaux mixtes ou analogiques, étant donné que la conception d'un frontal externe pour convertisseur A/N sans étage tampon nécessite une bonne dose de patience et de conseils. Cet exercice est même souvent considéré comme une forme d'art réservée à d'excentriques gourous qui ont peaufiné leur savoir-faire au fil des ans. Pour le profane, c'est bien souvent une frustrante succession de tâtonnements qui, dans bon nombre de cas, deviennent un handicap compte tenu de la multiplicité des spécifications interdépendantes qui obligent à de nombreux compromis (et évaluations) jusqu'à obtention d'un résultat satisfaisant. Les défis à surmonter STUART SERVIS ET MIGUEL USACH MERINO (ANALOG DEVICES) Stuart Servis est ingénieur d'applications produits au sein du Groupe Technologie de Précision d'Analog Devices. Il est titulaire d'un B.Sc. en physique appliquée et en électronique de l'université nationale d'Irlande de Galway. Miguel Usach Merino est ingénieur d'applications au sein du Groupe Technologie de Précision d'Analog Devices. Il est titulaire d'un diplôme d'ingénieur en électronique de l'université de Valence. La conception d'un étage d'amplification concerne en fait de deux étages distincts interconnectés et il est ardu de modéliser un problème de façon mathématique, notamment en raison de la non-linéarité qui caractérise ces deux étages. La première étape consistera à sélectionner l'amplificateur qui servira de tampon (buffer) avec la sortie du capteur et attaquera les entrées du convertisseur A/N. Lors de la deuxième étape, il faudra réaliser un filtre passe-bas pour réduire la bande passante d'entrée et minimiser le bruit hors bande. L'amplificateur idéal fournit une bande passante suffisante pour «buffériser» correctement le signal généré par le capteur ou le transducteur, sans ajouter de bruit et sans accroître la consommation d'énergie. Mais cette approche idéale ne correspond pas vraiment à la réalité. Dans la plupart des cas, les spécifications de l'amplificateur définissent les performances globales du système, notamment en termes de bruit, de distorsion et de consommation électrique. Pour mieux appréhender le problème, il convient avant toute chose de comprendre comment fonctionne un convertisseur A/N à temps discret ( discrete time ADC ). Un convertisseur A/N à temps discret reçoit un échantillon d'un signal analogique à temps continu, qui est par la suite converti en un code numérique. Lorsque le signal est échantillonné, deux scénarios se présentent en fonction du type de convertisseur analogique-numérique, avec le même problème inhérent. Ainsi, les convertisseurs A/N àapproxima-tions successives (SAR, Successive Approximations Register ) intègrent un échantillonneur-bloqueur ( Sample and Hold ), c'est-à-dire un transistor de commutation et un condensateur qui «figent» le signal analogique jusqu'à ce que la conversion ait lieu ( voir figure 1 ). Également appelés «convertisseurs à suréchantillonnage», les convertisseurs A/N S- à temps discret implémentent un étage d'entrée similaire, c'est-à-dire un commutateur d'entrée associé à un condensateur interne. Dans le cas d'un CAN S-, le mécanisme d'échantillonnage est légèrement différent, une architecture d'entrée identique exécutant la fonction d'échantillonnage. Les commutateurs et les condensateurs sont alors utilisés pour bloquer une « copie » du signal d'entrée analo- gique. Dans les deux cas, le commutateur est réalisé en technologie Cmos et sa résistance est non nulle à la fermeture. La valeur de cette résistance est typiquement de quelques ohms. La combinaison de cette résistance série avec le condensateur d'échantillonnage, de l'ordre de quelques picofarads, permet de disposer en entrée du convertisseur A/N d'une bande passante souvent très large, voire nettement plus large que la fréquence d'échantillonnage du CAN. La bande passante: un problème pour le CAN La bande passante du signal d'entrée constitue un réel problème pour le convertisseur A/N. Selon la théorie de l'échantillonnage, les fréquences supérieures à la fréquence de Nyquist (soit la moitié de la fréquence d'échantillonnage du CAN) doivent être éliminées. Si tel n'est pas le cas, ces fréquences génèreront des images (phénomène de repliement) dans la bande d'intérêt. Typiquement, le bruit présente un spectre tel qu'une quantité de puissance significative est située dans la bande de fréquence supérieure à la fréquence de Nyquist du convertisseur A/N. Si ce bruit n'est pas traité, il se «repliera» sous la fréquence de Nyquist et s'ajoutera au plancher de bruit ( voir figure 2 ), réduisant de la sorte la dynamique du système. La bande passante du signal d'entrée du convertisseur A/N et, par extension, la bande passante de sortie de l'étage tampon, constituent le premier problème à résoudre. Pour que le bruit ne soit pas replié en bande de base ( aliased down ), la bande passante du signal d'entrée du convertisseur A/N doit être limitée. Ce n'est pas une mince affaire. D'une manière générale, l'amplificateur est choisi en fonction de sa large bande passante de signal (la vitesse de balayage) et de son produit gain-bande, pour couvrir les conditions correspondant au pire des cas de notre signal d'entrée. Ce qui définit l'événement le plus rapide que le convertisseur A/N sera en mesure de suivre. Cependant, la bande passante de bruit effective de l'amplificateur équivaut à la bande passante petit signal (généralement considérée pour des signaux inférieurs à 10 mV crête-à-crête). Elle est souvent au moins quatre à cinq fois supérieure à la bande passante grand signal. En d'autres termes, si nos spécifications grand signal sont choisies pour une fréquence de 500 kHz, la bande passante petit signal peut facilement atteindre 2 ou 3MHz et le convertisseur A/N échantillonnera un niveau de bruit élevé. Par conséquent, la bande passante petit signal doit être limitée en externe avant d'injecter le signal analogique dans le convertisseur A/N, faute de quoi le bruit mesuré sera trois à quatre fois supérieur aux spécifications de la fiche technique du CAN, ce qui n'est pas acceptable. Nous avons vu que le bruit thermique généré par l'amplificateur dépend du gain de l'amplificateur et de la bande passante totale du système. Un exemple de circuit est illustré à la figure 3, alors que les sources de bruit sont résumées dans le tableau, où: - T est la température en kelvin, - k est la constante de Boltzmann (1,38x10 -23 J/K), - les valeurs de résistance sont exprimées en ohms, - BW désigne la bande passante petit signal. Les équations précédentes soulignent clairement l'importance d'ajouter un filtre passe-bas avec un affaiblissement suffisant avant la broche d'entrée du convertisseur A/N, afin de minimiser le bruit échantillonné. En effet, le bruit est proportionnel à la racine carrée de la bande passante. De façon générale, un filtre passe-bas du premier ordre comportant un condensateur et une résistance discrète, affichant une fréquence de coupure suffisamment basse, éliminera une grande partie du bruit large bande. Un autre avantage est qu'un filtre passe-bas du premier ordre réduira l'amplitude de tout autre signal plus fort en dehors de la bande d'intérêt, avant qu'il ne soit échantillonné –et éventuellement replié– par le convertisseur A/N. Mais ce n'est pas tout. La résistance de commutation interne du convertisseur A/N et le condensateur définissent la bande passante d'entrée analogique, mais en créant également un cycle de charge-décharge dans le domaine temporel en raison de la variation des signaux d'entrée. Dès que le commutateur (c'est-à-dire le circuit externe connecté au condensateur du convertisseur A/N d'échantillonnage) se ferme (ON), la tension interne du condensateur peut être différente de la tension précédemment stockée dans le condensateur d'échantillonnage. Ne pas négliger les transitoires d'échantillonnage Problème classique pour les concepteurs de montages analogiques: deux conden-sateurs disposés en parallèle sont reliés à un interrupteur, l'interrupteur est bloqué et un condensateur stocke de l'énergie. Qu'arrive-t-il aux deux condensateurs lorsque l'interrupteur se ferme ? La réponse varie en fonction de l'énergie stockée par le condensateur chargé et du rap-port entre les condensateurs. Par exemple, s'ils présentent une valeur identique, l'énergie sera répartie entre les deux condensateurs, la tension mesurée à leurs bornes étant divisée par deux, comme le montre la figure 4. C'est le phénomène des transitoires d'échantillonnage ( kickback ). Certains convertisseurs A/N procèdent à un étalonnage pour compenser les erreurs internes, l'étalonnage automatique du zéro (auto-zero calibration). Ces procédures amènent le condensateur d'échantillonnage à une tension proche des rails de tension ou à une autre tension, par exemple la tension de référence divisée par deux. En d'autres termes, le signal externe «buf-férisé» par l'amplificateur et le condensateur d'échantillonnage – lequel doit bloquer la valeur analogique pour acquérir un nouvel échantillon – ne présentent pas souvent le même potentiel (tension). Par suite, le condensateur d'échantillonnage doit être chargé ou déchargé pour atteindre le même potentiel que la sortie de l'étage tampon. L'énergie nécessaire à ce processus sera fournie par le condensateur externe (celui du filtre RC passe-bas) et l'étage tampon externe. Cette redistribution de la charge et la stabilisation des tensions dureront pendant une période limitée, au cours de laquelle la tension observée en différents points du circuit sera perturbée ( voir la figure 1 ). Il arrive qu'une quantité de charge élevée soit redistribuée, ce qui équivaut à un courant qui circule vers ou depuis l'amplificateur et qui est appliqué aux condensateurs. En conséquence, l'amplificateur doit être apte à charger/décharger le condensateur externe du filtre passe-bas et le condensateur d'échantillonnage du convertisseur A/N dans un intervalle très bref, le limiteur de courant étant ajouté par la résistance du filtre passe-bas. Pour être plus précis, l'amplificateur doit charger/décharger les condensateurs, moyennant une erreur donnée, à partir du condensateur d'échantillonnage et de sources externes. La fréquence de coupure du filtre passe-bas externe sera légèrement supérieure à la bande d'intérêt. Celle-ci est définie par la constante de temps du filtre, le nombre de bits du convertisseur A/N et la transition correspondant au pire cas entre les échantillons, c'est-à-dire la pire valeur d'entrée que le concepteur souhaite mesurer précisément. Pour résoudre le problème des transitoires d'échantillonnage, la solution la plus simple consiste à choisir un amplificateur conjuguant une vitesse de balayage, un produit gain-bande, un gain en boucle ouverte et un taux de réjection de mode commun (CMRR) suffisants, et de placer en sortie le condensateur de la plus forte valeur possible associé à une résistance suffisamment faible pour répondre aux exigences de bande passante du filtre passe-bas. Compte tenu de la valeur importante du condensateur, le problème de kickback devrait être négligeable, et la bande passante limitée par le filtre passe-bas. En résumé, le problème est résolu. Grave erreur, car cette solution ne peut fonctionner ! Mais si vous êtes curieux, vous allez revenir à la configuration précédente et découvrir deux choses: le condensateur sera de la taille d'une boîte de lait concentré et l'amplificateur n'appréciera pas les impédances imaginaires connectées en sortie. Les performances de l'amplificateur dépendent de la charge imaginaire que «voit» l'amplificateur. Dans ce cas, le filtre passe-bas dégrade la distorsion harmonique (THD) et allonge le temps de stabilisation. L'augmentation du temps de stabilisation empêchera l'amplificateur de charger les condensateurs, de sorte que la tension échantillonnée par le convertisseur A/N correspondra à la tension finale correcte. Cette situation devrait induire une non-linéarité accrue en sortie du CAN. Pour illustrer cette affirmation, la figure 5 représente la différence de performances entre plusieurs charges résistives ou courants de sortie de l'amplificateur. La figure 6 représente la suroscillation en petit signal due à la charge capacitive, ce qui dégrade le temps de stabilisation et la linéarité. Pour minimiser ce problème, la sortie de l'amplificateur doit être isolée du condensateur externe par la résistance série du filtre passe-bas. Cette résistance sera suffisamment élevée pour que l'étage tampon ne voie pas l'impédance imaginaire, mais suffisamment basse pour garantir la bande passante requise à l'entrée du système et minimiser la chute de tension ohmique ( IR drop ) aux bornes de la résistance, en raison du passage de courant en sortie de l'étage tampon. Ce courant est à même de provoquer une chute de tension que l'amplificateur risque de ne pas pouvoir stabiliser assez rapidement. En parallèle, la résistance doit permettre au condensateur externe d'atteindre une valeur suffisamment faible pour minimiser le phénomène des transitoires d'échantillonnage, sans affecter le temps de stabilisation. Fort heureusement, nous disposons d'outils comme le Precision ADC Driver Tool pour prédire les performances combinées du convertisseur N/A, de l'amplificateur et du filtre. Cet outil simule le phénomène de transitoires d'échantillonnage, ainsi que les performances en termes de bruit et de distorsion ( voir figure 7 ). Le Precision ADC Driver Tool permet de simuler le phénomène de transitoires d'échantillonnage, ainsi que les performances en termes de bruit et de distorsion. Une règle empirique pour les filtres passe-bas Dans la plupart des cas, un filtre passe-bas du premier ordre est recommandé. Pourquoi ne pas employer un filtre d'ordre supérieur? À l'exception des cas où l'application exige la suppression des harmo-niques ou des sources d'interférences hors bande élevées dans le signal d'entrée, un filtre d'ordre supérieur ne fera que rendre votre système plus complexe. En général, le compromis consiste à choisir une bande passante en petit signal un peu plus élevée que nécessaire, ce qui a un impact sur le bruit au bénéfice de la facilité d'attaque de l'étage d'entrée du convertisseur A/N par l'amplificateur. Il en résultera également une réduction de la consommation et du coût. n

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