La société d’études IHS Markit annonce un changement majeur dans la qualité des informations qui seront délivrées par les dispositifs portables sur soi (wearables) de nouvelle génération. IHS Markit précise que ce changement est lié à une personnalisation des données délivrées par ces compagnons matériels, personnalisation elle-même permise par l’utilisation de l’Intelligence artificielle – qui permet de traiter un nombre élevée d’informations. Piloté par ces nouveaux wearables, l’individu Lambda passerait ainsi du stade d’homo « quantifié » – incollable sur son poids, sa fréquence cardiaque, sa tension ainsi que sur le nombre de mètres qu’il parcourt dans la journée… – à l’homo « en voie d’amélioration » grâce aux conseils prodigués par les nouveaux dispositifs. Certes, c’est une évolution.
Toutefois, cela ne traite pas un problème qui s’est fait jour avec les nouvelles technologies de la communication (e-mails, SMS, appels téléphoniques sur mobiles…) et qui prend de l’ampleur : la soumission de tout un chacun à de plus en plus d’ « informations – interruptions » aux allures d’impératifs – puisqu’il faut répondre, et dans l’instant la plupart du temps. Même s’il décide de ne pas répondre, l’individu Lambda est, à tout le moins, de plus en plus interrompu dans ses activités. Interruption, soumission : voilà qui nous éloigne de la santé puisqu’il s’agit de réagir et non pas d’agir – encore moins de créer… Car il y a un lien direct entre la santé d’un individu et la gestion que ce dernier a de son espace et de son temps.
En outre, l’agression que constitue une interruption est d’autant plus marquée que l’information délivrée par la dite interruption est pauvre, c’est-à-dire peu importante pour l’évolution de l’individu. D’ailleurs, si toute personne a intérêt, pour elle comme pour les autres, à exprimer ce qui lui tient à cœur, ce qui lui parait secondaire a, par contre, de fortes chances de l’être encore plus pour autrui… Alors que l’expression passionnée permet de se rallier un public comme de se faire des ennemis, bref de se situer dans le monde et de, petit à petit, se constituer une sphère porteuse d’évolution. Or, un second problème s’est posé avec l’évolution des technologies de la communication – qui est à l’origine des réseaux sociaux – : la généralisation de la communication à effet miroir (« je suis comme vous »), un effet appauvrissant car n’appelant (surtout) pas la discussion mais seulement le consentement tacite. Cela se fait au détriment de l’expression d’une capacité à surprendre. Or, comme Cocteau l’apprit de de Diaghilev, le plus important, pour soi comme pour l’autre, c’est d’étonner. D’ailleurs une des composantes de la santé pourrait être de demeurer persuadé qu’on peut toujours surprendre l’autre.