Couverture ElectroniqueS n°127

Cette deuxième partie traite de la prévention de la migration électrochimique. Tout en amont figurent le choix des matériaux (notamment des résines et des métallisations) et le design de la carte électronique (insistance sur l'isolation électrique…). Le choix du vernissage est crucial –même si l'efficacité de celui-ci n'est optimale que s'il s'accompagne du nettoyage de la carte électronique. La migration électrochimique est un phénomène qu'il faut prendre en considération pour la fiabilité et la longévité des cartes électroniques. Ce problème est fréquemment pointé du doigt lorsque surviennent des dysfonctionnements. Dans la première partie de cet article, parue dans le numéro de mai 2019 de notre magazine, les conditions favorisant l'apparition de la migration électrochimique ont été passées en revue. La délimitation entre la migration électrochimique et les autres défaillances de type dendritique y a aussi été abordée de même qu'y a été analysé le mécanisme de la migration électrochimique. La deuxième partie traite de la prévention de la migration électrochimique. Quatre approches de la prévention sont notamment proposées. La prévention via le choix des matériaux et le design du circuit DR. HELMUT SCHWEIGART (ZESTRON) C'est après avoir obtenu un doctorat pour ses travaux sur la fiabilité des sous-ensembles électroniques qu'Helmut Schweigart est entré chez Zestron Europe. Aujourd'hui, M. Schweigart est directeur du développement technologique chez Zestron. Il est aussi membre du conseil d'administration de GfKoor et membre actif de la GUS ainsi que de l'IPC. Figure 1.-Différence d'adsorption entre un vernis épargne chargé et un vernis épargne non chargé Vernis épargne à charge de quartz grossière ( haute adsorption de l'humidité) Vernis épargne non chargé ( faible adsorption de l'humidité) Source : Zestron Un vernis épargne hydrophobe et non chargé sera préférable à un vernis chargé, souvent polaire: en effet, l'adsorption de l'humidité est alors minimisée, et la condensation critique est reportée à des valeurs d'humidité relative plus élevées. Comme cela a été largement décrit dans la première partie de cet article, le matériau a une influence considérable sur l'apparition et/ou l'évolution de la migration électrochimique. Néanmoins, même si le choix des matériaux et le design du circuit sont cruciaux, ils ne peuvent intervenir qu'au niveau du développement du produit voire, plus en aval, quand celui-ci en est au stade du prototype. D'une manière générale, pour obtenir la meilleure résistance possible à la corrosion, il faut soigner le choix du vernis épargne. Dans la pratique, un vernis épargne hydrophobe et non chargé sera préférable à un vernis chargé, souvent polaire: en effet, l'adsorption de l'humidité est alors minimisée et la condensation critique est reportée à des valeurs d'humidité relative plus élevées ( voir figure 1 ). En ce qui concerne la métallisation, il est recom-mandé d'opter pour une variante qui ne génère que des complexes difficilement solubles et, idéalement, aucun hydroxyde en milieu alcalin. Pour le circuit imprimé ou les contacts, cela peut être une métallisation nickel-or de type ENIG ( Electroless Nickel Immersion Gold ) ou ENIPIG ( Electroless Nickel Palladium Immersion Gold ). En effet, contrairement à l'argent, au cuivre, au plomb et à l'étain, en cas de condensation d'eau, le nickel n'est sujet ni à la migration ni à la corrosion. D'une manière générale, la tendance à la formation de ponts parasites dépend fortement du potentiel de la série électrochimique et du comportement du matériau actif en milieu alcalin ( voir figure 2 ). Pour choisir la crème à braser, il faut avoir en tête que les hydroxydes d'argent sont facilement solubles en présence de minces films d'humidité –au-delà d'une humidité relative de 60 %. Dans la mesure du possible, il faut donc choisir une crème à braser ne contenant pas d'argent ou à très faible teneur en argent, comme, par exemple, un alliage SAC à teneur maximale en argent de l'ordre de 1%. Figure 2.-Comparaison des diagrammes de Pourbaix de l'étain et du nickel Contrairement à l'argent, au cuivre, au plomb et à l'étain, en cas de condensation d'eau, le nickel n'est sujet ni à la migration ni à la corrosion. Même si la conception de la carte et le schéma électrique qui en résulte n'ont qu'une influence limitée sur la migration électrochimique, il faut, à ce niveau, mettre l'accent sur l'isolation électrique et la maximisation de la distance entre alimentation/VCC et masse/GND ( voir figure 3 ). En outre, les signaux de courte durée, comme les signaux haute fréquence, sont à privilégier car ils réduisent le risque de migration électrochimique en raison de l'inertie des processus de corrosion. Il est également recommandé d'utiliser des composants à faible résistance car ces derniers dégagent une quantité de chaleur plus importante en fonctionnement, ce qui permet leur auto-séchage et, de ce fait, accroît la fiabilité du circuit. Toutefois, un compromis est à faire car l'augmentation des pertes thermiques s'oppose à la recherche d'accroissement de l'autonomie des systèmes mobiles alimentés par batterie… D'une manière générale, l'expérience montre que, bien souvent, la résistance à la corrosion n'est pas assez prise en considération lors de la conception des cartes électroniques. Elle figure loin derrière les considérations de coûts, d'optimisation de l'espace et de compatibilité électromagnétique. Or, l'accent mis sur ces dernières va souvent à l'encontre des objectifs de protection contre la corrosion. Ainsi, lors du design de la carte, un conflit oppose fréquemment l'optimisation de l'isolation électrique et la minimisation du rayonne-ment électromagnétique. Dans la pratique, dans ce cas, les préoccupations concer-nant l'optimisation de l'isolation électrique passent, la plupart du temps, au second plan… Dans le cas où le design de la carte est figé, la prévention de la migration électrochimique passe par la mise en place des solutions qui sont exposées ci-après. Figure 3.-Insuffisance de l'intervalle entre potentiels Au niveau des connecteurs Entre piste et contact Source : Zestron La conception de la carte et le schéma électrique qui en résulte doivent mettre l'accent sur l'isolation électrique et la maximisation de la distance entre alimentation/VCC et masse/GND. Le vernissage Le vernissage est utilisé pour prévenir la migration électrochimique. Toutefois, pour garantir une protection efficace, plusieurs exigences concernant, d'une part, le design du circuit et les composants, et, d'autre part, la propreté de la carte, doivent être remplies. Ainsi, les distances entre les composants doivent être adaptées au vernis et au procédé de vernissage envisagés. Il faut aussi vérifier que les composants peuvent être vernis. Les connecteurs sont particulièrement critiques car le vernis peut s'immiscer au niveau des ouvertures et empêcher le contact électrique. Dans ce cas, il sera bon d'utiliser des vernis à structure thixotrope ou des Micro-vernis. En effet, les vernis à structure thixotrope ne pénètrent pas dans les capillarités des connecteurs. Quant aux Micro-vernis, ils n'offrent pas de résistance mécanique et sont repoussés sur les côtés lors de l'enfichage. Dans le cas de figure présenté, il s'avère indispensable d'utiliser plusieurs vernis pour la carte électronique. D'une manière générale, il faut faire appel à un process de vernissage sélectif capable d'opérer avec au moins deux vernis différents ; ce qui signifie un process lent et onéreux. Dans la pratique, il arrive que le vernissage soit supprimé pour des raisons liées à la conception du circuit, à la nature des composants utilisés ou au coût de l'opération de vernissage. Examinons maintenant plus en détail le fonctionnement du revêtement visant à éviter la migration électrochimique. L'assertion comme quoi les vernis sont totalement imperméables à l'humidité n'est valable que pour les cires; elle ne concerne pas les matériaux à base de polyuréthanes, d'acrylates ou de silicones ( voir figure 4 ). En fait, la solution à l'évitement de la migration électrochimique est fonction à la fois de la propreté de la carte électronique et de la réticulation/séchage du vernis. Si l'on part de l'hypothèse que la carte électronique est parfaitement propre avant le vernissage, alors le vernis sera en mesure de remplir complètement sa mission même s'il est perméable à la vapeur d'eau. En effet, bien que l'humidité diffuse àtra-vers le revêtement, elle n'a alors aucune possibilité de se condenser à la surface de la carte électronique. Elle reste contenue dans le vernis, sans pouvoir provoquer de dommages. Par contre, en cas de process No-Clean, les cartes électroniques sont vernies sans que la propreté de la surface soit assurée. Dans ce cas de figure, on considère souvent et à tort qu'une meilleure protection repose sur l'augmentation de l'épaisseur des couches de vernis. Or, les résidus demeurés sur la carte –tels que les résidus de flux, d'activateurs ou de résines– se comportent comme des germes de condensation et des accumulateurs d'humi-dité, ce qui favorise la formation de complexes métalliques solubles. Alors, si l'humidité traverse le vernis, elle peut se condenser au niveau de ces contaminants et causer une migration électrochimique sous le vernis. Par conséquent, tant qu'il yades contaminants sur la carte, la protection contre la migration électrochimique au moyen d'un vernis est une illusion. Donc, pour prévenir efficacement la migration électrochimique, il faut soit procéder à un nettoyage avant de vernir, soit installer les cartes montées dans un environnement bien ventilé. 3 e approche: nettoyer et vernir À partir du moment où l'on choisit de combiner nettoyage et vernissage, il est nécessaire de sélectionner un process capable d'éliminer tous les résidus (flux, activateurs et autres contaminants) de la surface de la carte et de garantir ainsi un niveau de propreté permettant d'éviter la migration électrochimique. Le nettoyage aura aussi pour fonction de préparer le vernissage de la carte. Lors du choix du process de nettoyage, il faut veiller à trouver la bonne combinaison entre nettoyant, machine de nettoyage et gestion du process afin de garantir un process de nettoyage stable et de qualité constante sur le long terme. En alternative aux process modernes de nettoyage des cartes - par aspersion ou en immersion, avec des solvants ou des net-toyants à base aqueuse, particulièrement bien adaptés à l'élimination des résidus de flux - la question du traitement par plasma revient de façon récurrente. Qu'en est-il ? Certes, le plasma active la surface de la carte électronique ce qui permet d'améliorer la mouillabilité de celle-ci. En revanche, le traitement par plasma ne peut pas éliminer complètement les couches épaisses de contaminants - comme les résidus de flux de brasage. Au final, le traitement par plasma améliore l'adhésion générale du vernis, ce qui peut aussi signifier l'adhésion du vernis aux résidus de flux... Comme ces derniers n'adhèrent pas complètement à la surface de la carte, il en résulte que la zone de rupture se déplace de l'interface vernis/ résidus de flux à l'interface résidus de flux/carte électronique… Pour résumer, lors de tests de stress environnemental, on atteint, pour des cartes traitées au plasma, des taux de défaillances similaires à ceux obtenus pour des cartes non traitées. Un process de nettoyage adapté aux exigences de la carte est à privilégier dans tous les cas. Les différentes méthodes de qualification des process de nettoyage et d'analyse de la propreté des cartes sont complémentaires. Figurent notamment la mesure de tension de surface et la mesure de l'équivalent ionique. Figure 4.-Perméabilité à la vapeur d'eau de différents vernis en fonction de la température Seules les cires sont totalement imperméables à l'humidité; ce n'est pas le cas des résines à base de polyuréthanes, d'acrylates ou de silicones. En fait, la solution à l'évitement de la migration électrochimique estfonction à la fois de la propreté de la carte électronique et de la réticulation/séchage du vernis. Et il existe différentes méthodes pour qualifier un process de nettoyage ou juger de la propreté des cartes. Ces méthodes se complètent ( voir tableau ci-dessous ). Parmi celles-ci, figure la mesure de la tension de surface, qui doit être supérieure à 40 mN/m pour qu'il y ait une parfaite adhérence du vernis. Figure également la mesure de la valeur de contamination ionique qui, idéalement, doit demeurer en deçà de 0,4 µg éq. NaCl/cm². La mesure de l'équivalent ionique (selon J-STD 001F, par exemple) au moyen d'un contaminomètre est cependant limitée aux contaminants solubles et conducteurs. Par ailleurs, cette méthode ne permet pas de connaître la répartition exacte des contaminants sur la carte. Pour connaître la répartition des résidus d'activateurs et de résines à la surface de la carte, il existe des tests à base de coloration des résidus. Outre l'élimination des contaminants critiques, le nettoyage des cartes électroniques présente un autre avantage : en augmentant la tension de surface, il permet une meilleure mouillabilité de la carte. Ce qui permet à son tour de réduire l'épaisseur de la couche de vernis et donc le coût du vernissage. La qualité du revêtement fait aussi l'objet de contrôles. Ainsi, le Coating Reliability Test (CoRe-Test) est une méthode normalisée permettant de contrôler la qualité du revêtement et d'optimiser les paramètres du vernissage. Ce test permet d'identifier les défauts de vernissage, les problèmes liés à une mauvaise adhésion du vernis, aux courants de fuite induits par la corrosion, ainsi qu'à la migration électrochimique. Ce test dure entre 15 et 30 minutes par carte électronique. La carte vernie est immergée dans de l'eau dé-ionisée où elle est soumise à sa tension nominale en mode veille. Le courant est mesuré et enregistré tout au long du test ( voir figure 5 ). De cette façon, il est par exemple possible de déterminer l'épaisseur de vernis minimale requise pour une carte nettoyée, en testant successivement des couches de vernis de plus en plus fines jusqu'à l'apparition d'une défaillance. Pour vérifier que la solution de protection envisagée assure un niveau de protection suffisant, il faut procéder à des tests sur des cartes de test B52. La validation se fait à partir des critères d'acceptation mentionnés au chapitre 9 de la norme IPC 9202. Nettoyage et fonctionnement en environnement ventilé Il existe des cas où un vernissage est difficilement envisageable en raison du design de la carte électronique ou des composants utilisés. Le vernissage peut aussi s'avérer trop coûteux. Autre cas de non utilisation du vernissage: l'impact de la variabilité des propriétés diélectriques du vernis sur le fonctionnement du circuit. Ainsi, en présence de couches d'épaisseur fluctuante, la réticulation confère au vernis des propriétés diélectriques variables auxquelles les circuits radiofréquences et hautes fréquences sont particulièrement sensibles. Dans de tels cas, le placement de la carte électronique dans un boîtier bien aéré constitue une alternative. Le boîtier remplit alors une fonction similaire à celle du vernis: il protège la carte électronique de la condensation. La conception du boîtier doit évidemment faire l'objet de la plus grande attention: il s'agit de garantir une ventilation optimale de la carte. Il est d'ailleurs recommandé de faire appel à un spécialiste. Le nettoyage joue aussi un rôle essentiel avant le montage de la carte électronique dans le boîtier. La propreté de la carte doit, en effet, être garantie, afin d'éviter la présence de germes de condensation à la surface. Choix et validation de la méthode de protection Puisque chacune des quatre approches de prévention de la migration électrochi-mique est associée à des coûts supplé-mentaires, il semble judicieux d'évaluer, au cas par cas, chacune de ces approches, afin d'identifier celle qui présente le meilleur rapport coût/bénéfice. L'expérience montre que le coût est très souvent le critère principal de choix d'une méthode de protection. Quoi qu'il en soit, il est nécessaire de vérifier que la solution retenue assure un niveau de protection suffisant. Pour ce faire, il faut procéder à des tests sur trois à cinq cartes de test B52. La vali-dation se fait à partir des critères d'acceptation mentionnés au chapitre 9 de la norme IPC 9202 ( voir tableau ci-dessus ). Le paragraphe 9.1 de cette norme traite de l'intégrité du signal. Si la carte électronique présente une résistance d'isolement de surface supérieure ou égale à 10 8 O, son design et les courants de fuite résiduels répondent aux exigences de l'IPC. Le paragraphe 9.2 est consacré aux contaminants. La chromatographie ionique sert à l'analyse des composés qui sont présents à la surface ou qui sont extraits des matériaux au cours du fonctionnement du circuit. Les composés chimiques analysés doivent être évalués à partir de leur caractère corrosif et de leur capacité à provoquer la migration électrochimique. Les limites fournies par l'IPC peuvent être utilisées à titre indicatif. Cette procédure est utile pour choisir une méthode de protection adaptée. Si les cartes électroniques de test répondent aux critères de l'IPC, il est alors possible d'appliquer la solution retenue aux cartes à produire. Rappelons toutefois qu'après cette étape, l'assemblage électronique doit encore satisfaire l'homologation technique réalisée, elle, via des tests de stress environnemental préconisés par le client final ou via un audit complété par une analyse de risque FMEA ( Failure Mode and Effects Analysis ) explicitée dans l'IPC 9202. Figure 5.-Schéma de montage du Coating Reliability Test Le Coating Reliability Test (CoRe-Test) est une méthode normalisée permettant de contrôler la qualité du revêtement et d'optimiser les paramètres du vernissage. Ce test permet d'identifier les défauts de vernissage, les problèmes liés à une mauvaise adhésion du vernis, aux courants de fuite induits par la corrosion et à la migration électrochimique. En guise de conclusion La conjugaison d'un courant et d'une quantité critique d'humidité (condensation) constitue toujours une condition préalable à la migration électrochimique. Dans la pratique, le fabricant de cartes électroniques n'a pas souvent la liberté de choisir l'approche préventive (parmi celles qui ont été présentées dans cet article) avec laquelle il pourra éviter une telle combinaison. Pour chacune des solutions, le plus important, en termes de rapport coût/ bénéfice, est de bien coordonner les différents éléments du process entre eux, tels que les composants, le vernis, le process de vernissage, plutôt que de se focaliser sur un seul élément, comme le vernis, par exemple. Le CoRe-Test et la qualification selon l'IPC 9202 répondent à ce besoin de coordination entre éléments permettant de garantir une protection complète. Pour la détermination du process de nettoyage optimal, nous recommandons de faire appel à des experts du nettoyage de cartes électroniques, capables de conduire des essais et d'en analyser les résultats conformément aux normes en vigueur. Cela étant, l'adaptation du process de nettoyage au process de vernissage qui le suit devra constamment guider l'ensemble de la démarche. Il conviendra également d'évaluer, en termes de coût global, dans quelle mesure le process de vernissage et la fiabilité peuvent être optimisés de façon concomitante. n

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