Couverture ElectroniqueS n°127

L'arrivée tardive de la nouvelle géométrie de gravure de circuits numériques témoigne à la fois du ralentissement de l'industrie de la micro-électronique et de l'avance prise par le fondeur taïwanais. < Le leader mondial du marché de la fonderie, TSMC, a pris une longueur d'avance en technologie FinFET 7 nm en choisissant de se passer pour l'instant des ultraviolets extrêmes (EUV), contrairement à Samsung. G lobalfoundries a stoppé le développement de sa technologie FinFET 7 nm. La nouvelle aurait pu passer quasiment inaperçue, tant les sociétés intéressées par cette technologie de pointe sont finalement peu nombreuses : une poignée de fabricants de processeurs et de circuits spécifiques, et rien d'autre avant de longues années. Cette annonce témoigne pourtant de plusieurs tendances décisives dans l'industrie actuelle des semi-conducteurs, à commencer par le fort ralentissement de la réduction des géométries de gravure et la concentration extrême de l'activité de fonderie. L'occasion de faire le point sur ces technologies de fabrication 10 nm et 7 nm qui aiment tant à se faire attendre. Si quelqu'un devait jeter l'éponge du 7 nm, ce devait être Globalfoundries. Intel, en dépit de la morosité des ventes d'or-dinateurs, continue de tirer une part essentielle de son chiffre d'affaires de ses ventes de microprocesseurs x86, et son modèle économique lui impose de rester peu ou prou à la pointe de la technologie, a fortiori avec un concurrent direct, AMD, qui reprend du poil de la bête. Samsung, qui lui a ravi la place de numéro un mondial des semi-conducteurs, n'a aucune raison de ralentir la cadence, ses process de pointe lui servant à la fois pour ses processeurs pour smartphones et tablettes (où la compétition est rude avec Qualcomm, Apple et les autres), pour ses mémoires Dram et flash qui lui rapportent tant actuellement, et enfin pour ses activités de fonderie. Enfin, TSMC, leader mondial de la fonderie, se doit de maintenir le cap. C'est donc son dauphin, Globalfoundries, qui décide aujourd'hui d'arrêter les frais et de « suspendre indéfiniment » son programme FinFET 7 nm. Les équipes de recherche et développement concernées seront soit mises au chômage (la société a déjà renvoyé environ 900 de ses 18 000 salariés en juin), soit replacées sur les technologies 12/14 nm. Officiellement, l'objectif est de mieux servir les utilisateurs de ces process en offrant un plus large choix de blocs de propriété intellectuelle incluant de la mémoire embarquée, des fonctions à basse consommation ou encore des étages radiofréquences. Faire, donc, de ce nœud 12/14 nm une étape aussi largement utilisée et versatile que l'est actuellement le Cmos 28 nm. De moins en moins de clients pour les géométries de pointe Officieusement, Globalfoundries a sans doute évalué le nombre de clients susceptibles de lui commander des compo-sants gravés en 7 nm en quan-tité suffisante et ainsi justifier le coût astronomique de ce développement, qui se chiffre en milliards de dollars, et a craint de ne pas s'y retrouver. Car les clients des fondeurs font, eux aussi, face au coût croissant des nouveaux nœuds technologiques, en termes d'outils de conception et de coûts de gravure (envolée du prix des masques). Ils ont donc tendance à « traîner » plus longtemps dans une géométrie une fois qu'ils y ont pris leurs aises. L'arrêt du FinFET 7 nm permettra également à Globalfoundries de constituer une réelle filiale de conception de circuits spécifiques, filiale indépendante de ses activités de fonderie et qui proposera d'ailleurs des accès à d'autres fondeurs, y compris en 7 nm et en deçà. Enfin, cet arrêt du 7 nm constitue une bonne nouvelle pour les plateformes alternatives de Globalfoundries, entre autres le FD-SOI (le pro-cess maison 22FDX a déjà pro-duit l'équivalent de deux milliards de dollars de composants répartis sur une cinquantaine de designs) et le SiGe, et tout ce qui touche à l'analogique et aux radiofréquences. Les marchés visés (objets connectés, automobile, infrastructures 5G…) s'avèrent en outre moins versatiles et violents que ceux requérant des puces gravées en technologie de pointe, smartphones en tête. De quoi diversifier l'activité de Globalfoundries, qui reste très marquée par des partenariats (AMD) et des héritages (Char-tered, IBM) loin d'être tous ren-tables ou techniquement à la pointe. < Intel multiplie les retards concernant sa technologie 10 nm, qui n'arrivera pas en production avant l'an prochain. L'un des dommages collatéraux de l'inhumation du 7 nm chez Globalfoundries, c'est la disparition définitive des process microélectroniques de pointe en Europe, puisque cette technologie devait être déployée à Dresde. Alors que les trois principaux fabricants de semi-conducteurs du Vieux continent (Infineon, NXP et STMicroelectronics) ont depuis longtemps jeté l'éponge pour ne garder en interne que quelques lignes de production en technologies spécifiques, notamment en puissance, c'est un signe supplémentaire du lent déclin de l'électronique européenne qui n'aura pas réussi à conserver ses usines de circuits intégrés de pointe et qui se retrouve réduite à trois fabricants proposant à peu près les mêmes composants (analogique, puissance, microcontrôleurs) à destination des mêmes marchés (industrie, automobile). C'est d'autant plus ironique que l'Europe dispose, avec l'Imec et ASML, de leaders mondiaux en R&D et en outils de production : les process du futur sont décidés en grande partie entre Louvain et Veldhoven, deux sites distants de moins de cent kilomètres, mais les retombées sont situées à l'autre bout du monde, dans les usines chinoises ou américaines… Autre dommage collatéral : AMD, partenaire historique de Globalfoundries, a déjà annoncé son intention de se rabattre sur TSMC pour ses processeurs x86 et processeurs graphiques en 7 nm. Le fabricant de processeurs, qui a regagné sa crédibilité (et son équilibre financier) avec la génération de cœurs Zen, table sur le 7 nm pour sa prochaine génération de processeurs Zen 2 et ses GPU Navi, ces derniers étant attendus dès la fin de l'année 2018. Il devra pour ce faire ne compter que sur TSMC, tandis que les lignes de production de Globalfoundries en 12/14 nm de l'usine de New York serviront à produire des processeurs Ryzen, Radeon et EPYC. TSMC seul en 7 nm pour plusieurs trimestres TSMC se retrouve donc comme le seul « pur » fondeur à la pointe de la technologie. Le fondeur taïwanais est le premier à avoir lancé la production de puces FinFET en 7 nm, et sera seul sur ce créneau pour plusieurs trimestres. Ce manque de concurrence devrait participer au maintien de prix assez élevés pour ce nœud, donc échauder d'éventuels intéressés et ralentir sa démocratisation : un cercle vicieux en somme, qui freine l'industrie depuis la fin du Cmos planaire, mais contribue à asseoir l'autorité de TSMC, lequel pèse à lui seul plus de la moitié du marché mondial de la fonderie estimé par IC Insights à 62,3 milliards de dollars en 2017. Et 2018 devrait être prolifique pour TSMC, puisque Qualcomm vient de choisir le taïwanais pour la fabrication en 7 nm de ses processeurs pour smartphones haut de gamme Snapdragon 855. Qualcomm était pourtant associé avec Samsung pour la production de ses générations précédentes (Snapdragon 820/835/845), le sud-coréen acceptant en contrepartie d'intégrer ces Snapdragon dans une partie de ses smartphones en lieu et place de ses propres processeurs Exynos. Mais Samsung a fait le pari de la photolithographie à ultraviolets extrêmes (EUV) pour sa gravure en 7 nm, une technologie pleine de promesses, mais encore en rodage, et qui ne devrait être disponible en volume que l'an prochain (sans doute pour des puces Samsung, afin d'essuyer des plâtres et de valider le process). Les doutes ne portent pas sur la faisabilité industrielle des EUV (ASML va livrer une vingtaine de plateformes de gravure EUV cette année, principalement des NXE: 3400B, et plus de trente l'an prochain), mais sur les rendements initiaux. Les lignes de production 7 nm de Samsung accusent donc un retard de plusieurs trimestres sur celles de TSMC, qui a conservé des outils de lithographie plus classiques – d'où la décision pragmatique de Qualcomm. Outre divers raffinements prévus pour le 7 nm, dont un éventuel passage aux EUV l'an prochain, TSMC maintient une roadmap agressive avec du FinFET 5 nm aux EUV échantillonné en 2019 et produit en volume en 2020. La fonderie chinoise progresse Le ralentissement de la miniaturisation des circuits intégrés a un autre effet : il simplifie la tâche de la Chine, qui investit lourdement pour rattraper son retard et tenter d'équilibrer sa balance commerciale en microélectronique (le pays absorbe 38 % des semi-conducteurs mondiaux, qui constituent son principal produit d'importation devant le pétrole). Le groupe Huahong, incluant Huahong Grace et Shanghai Huali, s'est aujourd'hui hissé à la septième place du classement des fondeurs après plusieurs années de forte croissance, et se rapproche de l'autre chinois, SMIC. Selon un récent rapport de l'association SEMI, la capacité des usines de semi-conducteurs chinoises devrait représenter 16 % de la production mondiale cette année, et grimper à 20 % à la fin de l'année 2020. Vingt-cinq nouvelles usines sont planifiées ou en cours de construction en Chine, dont dix-sept utilisent des tranches de 300 mm, principalement dans les domaines de la fonderie et des mémoires Dram et Nand 3D. Reste le cas Intel. L'américain éprouve de grandes difficultés à produire des processeurs en FinFET 10 nm : cette technologie a déjà pris un an de retard dans ses usines et n'arrivera pas en production de volume avant la fin de l'année 2019. Intel avait trois ans d'avance sur TSMC lorsqu'il a lancé sa production en FinFET 22 nm fin 2011, et se retrouve aujourd'hui avec un an de retard sur le taïwanais. Pionnier des ultraviolets extrêmes, Intel n'a en outre toujours pas décidé s'il les utiliserait pour sa gravure en géométrie 7 nm, et il est vraisemblable que le fabricant attende que ces EUV soient plus matures et fiables pour les introduire dans ses lignes de production, peut-être pas avant 2021. Autant d'incertitudes qui limitent également ses activités embryonnaires en tant que fondeur. Rappelons toutefois que les appellations « 10 nm » et « 7 nm » constituent davantage des étiquettes marketing que des mesures fiables : le process 10 nm d'Intel semble par exemple plus fin, à certains points de vue, que les technologies 7 nm de TSMC et Samsung, avec en outre des innovations telles que l'utilisation en guise de métallisation de deux couches de cobalt améliorant les performances et la fiabilité des circuits. De toute façon, tout porte à croire que l'avenir de la microélectronique passe moins par une miniaturisation des transistors à la surface de la puce que par leur empilement, à l'image de l'explosion des mémoires flash Nand à empilement vertical. L'Imec développe ainsi des transistors GAA ( gate all around ) reposant sur une juxtaposition verticale...

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