Couverture ElectroniqueS n°127

La mise en œuvre de modèles thermiques présentés sous une forme électrique équivalente constitue une méthode simple et pratique pour quantifier la température interne maximale d'un composant de puissance. Un exemple est ici pris avec un module convertisseur de bus (BCM). L es concepteurs d'alimentations ont aujourd'hui la possibilité d'élaborer des systèmes qui, en termes de rendement et de densité de puissance (soit la puissance délivrée à partir d'un volume donné), sont bien plus performants que leurs aînés de quelques années seulement. Les progrès continus des semi-conducteurs vont de pair avec des architectures de plus en plus efficientes. S'ajoutent des constructions physiques ingénieuses qui permettent d'obtenir des performances accrues avec des modules plus compacts. Les architectures à découpage sont monnaie courante pour tous les systèmes de régulation de faible puissance, et chaque nouvelle génération de transistor rapproche celui-ci du commutateur idéal. C'est-à-dire un transistor qui, tant en régime de conduction que de commutation, n'engendrerait aucune perte. Cet idéal n'est cependant pas près d'être atteint avec aucune des technologies du monde réel. Pour cette raison, et même si les composants se bonifient sans cesse, les pertes (la dissipation thermique non désirée) demeurent problématiques. De cet état de fait découle un paradoxe quelque peu étonnant. Malgré le choix de composants et de topologies offrant des pertes minimales, la nécessité de gérer des niveaux de puissance en hausse dans des espaces restreints a pour effet de concentrer les pertes dans une même zone ou un petit volume. SALAH BEN DOUA (VICOR) Docteur ingénieur de l'Institut National Polytechnique de Toulouse, Salah Ben Doua a plus de 30 années d'expérience dans le domaine de la puissance. Depuis 20 ans, au sein du support technique de Vicor, il apporte son expertise et ses conseils pour la réalisation des systèmes de puissance DC-DC et AC-DC dédiés aux applications militaires, industrielles et ferroviaires. Pour les systèmes où le refroidissement n'est pas conçu de manière adéquate, cela implique des limitations thermiques qui seront souvent plus contraignantes que les limitations électriques. La température de fonctionnement des composants peut ainsi atteindre la limite indiquée sur leur fiche technique, avant celle du courant de sortie, par exemple. Les considérations d'ordre thermique s'avèrent alors les plus critiques pour une conception réussie. Les composants bien refroidis vivent plus longtemps Outre les paramètres à ne jamais dépasser, inscrits sur la fiche technique, les ingénieurs s'évertueront toujours à gérer les paramètres thermiques de leur système, afin de maintenir au plus bas la température de fonctionnement des composants essentiels. La bonne vieille règle d'or selon laquelle « toute augmentation de 10°C de la température divise par deux la durée de vie du composant » étant encore d'actua-lité, l'abaissement de la température de fonctionnement améliorera toujours la fiabilité d'un système. Cependant, la prédiction du comportement thermique dès la phase de conception n'est pas toujours une mince affaire. En particulier, afin de respecter les contraintes de taille, de poids et de puissance imposées (ce que traduit l'acronyme SWaP, pour Size, Weight and Power), l'option d'attacher un dissipateur de chaleur confortable n'est pas toujours possible. Dans tout calcul thermique, le paramètre clé typique est souvent désigné par le symbole Tj, qui représente la température de jonction. À l'époque des tout premiers transistors à jonction, cette valeur faisait référence à la température de fonctionnement dans la puce de silicium (ou de tout autre semi-conducteur), où siège la fonction de commutation. Entre cet emplacement et l'environnement thermique externe, il existe de nombreuses structures complexes qui constituent des barrières à l'écoulement de la chaleur, tout comme de multiples chemins par lesquels la chaleur sera évacuée. La puce du semiconducteur est fixée sur un substrat ou une structure métallique (lead frame). Des liaisons filaires facilitent la conduction de la chaleur, tandis que des couches de matériau de moulage l'entravent. Pour les composants complexes, il existe plusieurs sources de chaleur. Quel que soit l'endroit, l'augmentation totale de température sera égale à la somme de l'élévation de la température imputable à la chaleur générée au point considéré d'une part, de la chaleur générée par les composants environnants d'autre part. Même l'élévation maxi-male de la température peut changer dans un composant, lorsqu'il est utilisé sous différentes tensions d'entrée et de sortie et selon différentes stratégies de refroidissement. Pour compliquer encore les choses, la résistance thermique du cuivre et de la plupart des composants électriques s'élève avec la température. En effet, par rapport à la résistance thermique qu'il affiche à 25 °C, le cuivre présente une résistance électrique de 30% supérieure à 100°C. Tout cela incite à maintenir la température au niveau le plus bas possible car, àmesure que la température croît, les résistances électriques augmentent. Les pertes énergétiques sont alors proportionnellement plus élevées. Les techniques pour modéliser la température interne maximale de ces structures sont bien développées, mais généralement elles utilisent la modélisation par éléments finis et la mécanique des fluides. Dans le processus de conception d'un produit, où des temps de calcul courts sont demandés, ces méthodes sont peu adaptées. Des modèles thermiques simplifiés Fort heureusement, il existe une stratégie alternative constituée de modèles thermiques présentés sous une forme électrique équivalente. Ces modèles thermiques sont composés de « résistances », de «sources de courant» et de «sources de tension ». Appliquer la même ana-lyse que dans le domaine électrique fournit un moyen simple de quantifier la température interne maximale, ainsi que le flux de chaleur s'écoulant au travers des différents chemins de refroidissement qui existent dans le système. Ces modèles thermiques utilisent le concept d'un nœud virtuel unique, qui représente la température maximale interne d'un circuit actif ou d'un module. Ce nœud virtuel ne symbolise pas un endroit fixe dans le composant, mais la température interne maximale de celui-ci, quelles que soient les conditions électriques ou de refroidissement. Dans une représentation en étoile, chacun des chemins par lesquels la chaleur s'échappe à partir de ce nœud est indiqué. Selon cette analogie, le symbole de la «résistance» est l'une de ces voies (offrant une certaine restriction au flux de chaleur) et son unité est exprimée en °C/W. La source de chaleur peut être déterminée à partir des graphiques de la fiche technique, qui indiquent le rendement du composant ou la dissipation de puissance en watts, dans des conditions de fonctionnement électrique connues. En régime établi (qui est celui montré par cette représentation simplifiée), cette dissipation ou perte de puissance doit être égale à la chaleur évacuée par le composant dans l'environnement. Dans l'analogie thermoélectrique, la dissipation ou la perte de puissance dans un système thermique est, dans une modélisation de circuit électrique équivalente, représentée par une source de courant appli-quée au nœud thermique virtuel interne. Les che-mins d'évacuation par conduction de la chaleur vers l'environnement incluent généralement : la conduction par la surface supérieure du boîtier, la conduction par l'intermédiaire de ses broches ou de ses connexions au circuit imprimé, la conduction via la face inférieure du boîtier. En régime permanent, il existera une tempéra-ture stable à chacune de ces extrémités: le dissi-pateur de chaleur, la semelle de refroidissement ou la surface du PCB. Cette température fixe dans le système thermique est l'équiva-lent d'une « source de tension » dans un système électrique. Sa valeur reste identique (en °C), y compris lorsqu'un flux de chaleur, quel qu'il soit, est absorbé. À la base de cette représentation simplifiée se trouve le calcul par la méthode des éléments finis citée ci-dessus, mais qui est simplifiée pour devenir, en réalité, un modèle comportemental pour les performances thermiques du composant encapsulé dans son boîtier. Un calcul simple permettra de montrer comment les modèles sont appliqués. Exemple de calcul avec un module BCM La figure 1 montre le modèle simplifié d'un module convertisseur de bus (BCM, Bus Converter Module) en boîtier ChiP de Vicor. Le module BCM est un convertis-seur DC-DC à rapport fixe, qui peut être utilisé comme un « transformateur DC » pour transposer un bus de tension vers un autre. Le boîtier ChiP est au format DIMM (à double rangée de broches) de type circuit intégré, entièrement surmoulé. Le BCM qu'il renferme illustre parfaitement la situation décrite ci-dessus. En effet, présentant un rendement élevé dans un boîtier de petite taille, il est capable de fournir une quantité de puissance très importante et, pour ce faire, bénéficie d'une bonne conception thermique pour évacuer la chaleur qu'il génère. La figure 2 illustre le modèle thermique simplifié d'un BCM, en cours d'utilisation. La fiche technique du BCM indique une température maximale de fonctionnement de 125°C. C'est donc la température maximale autorisée pour son nœud virtuel interne, notée « max_temp ». Dans notre scénario, ce composant dispense une puis-sance de 1 750 W avec un rendement de 96,5 %, pour une puissance dissipée de 62,81 W. Cette puissance dissipée est la « source de courant » du modèle ther-mique. Dans notre modèle, on observe trois chemins par lesquels la chaleur peut s'échapper du boîtier, qui sont: depuis le boîtier surmoulé vers la face supérieure du composant, depuis le boîtier vers la face inférieure du composant, au travers des fils/broches vers la carte électronique. Dans ce cas particulier, la surface infé-rieure et les broches du composant sont considérées comme adiabatiques, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de flux de chaleur tra-versant ces surfaces. Pour ce qui est de la surface inférieure, la raison de ce phénomène peut être liée à la présence d'air dans l'interstice entre la surface inférieure du composant et le PCB sur lequel il repose. L'hypothèse de condition adiabatique, selon laquelle il ne peut y avoir de transfert de chaleur pour les broches, pourrait être fondée sur le fait que la carte électronique est censée fonctionner à une température telle que la différence de température entre l'intérieur du composant et le PCB est insuffisante pour créer le potentiel pour un flux de chaleur. On considère que la surface supérieure du composant est en contact avec un dissipateur ther-mique, ou une semelle de refroidissement, qui maintient le dessus du composant à une température de 42°C. Un matériau d'interface thermique (TIM, Thermal Interface Material ) est exigé dans ce système, car il offre un couplage thermique entre le convertisseur et une semelle de refroidissement ou un dissipateur de chaleur. Les irrégularités de surface sont comblées avec un matériau possédant une conductivité thermique bien supérieure à celle de l'air. Il n'est pas toujours nécessaire de représenter cette résistance thermique additionnelle dans le modèle. En effet, elle est en général d'un ordre de grandeur inférieur aux autres résistances présentes dans le modèle de circuit thermique. Mais, si besoin était, la résistance thermique du TIM apparaîtra dans le modèle en tant que résistance supplémentaire entre «R_top» et «T_top». Pour en revenir au modèle thermique de ce composant, sur la figure 3, le concepteur a activé le chemin de refroidissement passant par les broches de connexion du convertisseur et dans le circuit imprimé. Une large surface de cuivre peut être ajoutée pour faire office de chemin d'évacuation thermique dans l'environnement. Dans cette éventualité, le concepteur dispose de connaissances suffisantes pour s'attendre à ce que la température de la carte électronique soit de 100°C. Les règles normales des chemins de courant parallèles (d'un point de vue électrique) conti-nuent à s'appliquer. Elles sont mises à profit pour quantifier la température interne maximale du circuit. Le concepteur trouve à ce stade que la température de 47°C pour la surface supérieure est acceptable, par rapport aux 42°C d'origine, afin de maintenir la température interne maximale du composant en dessous de sa température maximale de fonctionnement de 125°C. Le modèle de circuit montre également que, pour une puissance totale dissipée de 62,81W, une puissance de 4,38W est véhiculée au travers de la carte électronique. Les 58,43W restants sont évacués par la partie supérieure du composant. Une autre possibilité consiste à effectuer un contact thermique avec les faces supérieure et inférieure du boîtier grâce à des dissipateurs de chaleur, ou des semelles de refroidissement. Auquel cas, ces surfaces seront maintenues à une température de 84°C ( voir figure 4 ). Ce qui aura aussi pour effet de garantir que la température interne maximale est inférieure à 125°C. Dans ce cas, la valeur de 30,93W de chaleur dissipée par le dessus du boîtier est quasiment égale aux 31,88W de chaleur dissipée par le dessous du boîtier. Ajout d'un flux d'air en sus d'un dissipateur Pour la plupart des dissipateurs de chaleur, des données sont disponibles. Celles-ci permettront à l'ingénieur d'ajouter le comportement thermique du dissipateur de chaleur au modèle de circuit. Les performances du dissipateur de chaleur sont en général caractérisées par une courbe de la résistance thermique (en °C/W) en fonction du flux d'air écoulé d'une extrémité à l'autre du dissipateur. Ce flux est exprimé en pieds par minute (LFM) ou en mètres par seconde (m/s). Un ajustement polynomial appliqué à cette courbe fournit une fonction mathématique pour calculer la résistance thermique en fonction du flux d'air. La figure 5 montre la courbe de résistance thermique d'un dissipateur de chaleur Vicor de 11mm de hauteur (P/N 40704). La résistance thermique en °C/W est lue sur la courbe et ajoutée directement dans le modèle thermique, comme résistance électrique équivalente. Pour le dissipateur de la figure 5, la résistance thermique pour un flux d'air de 400 LFM, qui peut être lue sur la courbe ou calculée à l'aide de l'ajustement polynomial, est de 2,1°C/W. La technique de modélisation de circuits thermiques présentée dans cet article fournit un outil de conception simple et utile pour concevoir et caractériser un système de gestion thermique efficace, adapté aux composants de puissance. Et ce sans nécessiter l'acquisition ou l'apprentissage d'un logiciel de simulation thermique onéreux. Le fonctionnement des composants de puissance à une température interne bien inférieure au maximum spécifié améliore la fiabilité et le temps moyen entre pannes (MTBF), tout comme un rendement électrique élevé. Dans les fiches techniques de tous les convertisseurs de Vicor sont fournis les modèles de circuits thermiques, les courbes de rendement et de puissance dissipée, ainsi que les représentations des aires de sécurité de fonctionnement. Ces données, associées à la connaissance de l'environnement de l'application, serviront à obtenir une estimation de la température interne du composant de puissance et à garantir son fonctionnement sur la plage admissible. n

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