Couverture ElectroniqueS n°127

Le CEA est à l'origine de la création et de l'accompagnement de plus de 200 start-up en 30 ans, avec un taux de survie de 70%. Corinne Borel nous explique quels sont les ingrédients de la réussite, mais aussi les raisons des échecs. CORINNE BOREL, directrice déléguée à l'essaimage au CEA “ Aujourd'hui, il est facile de créer une entreprise, mais il est difficile de la faire croître. En matière de soutien financier, nous devons avoir des tickets d'entrée très supérieurs à ceux que l'on connaît à présent. ” Les chercheurs français sont-ils plus nombreux que par le passé à être à l'origine de la création de start-up? CORINNE BOREL Nous observons un changement culturel dans les laboratoires qui mène davantage à l'entrepreneuriat. Les barrières psychologiques sont tombées et les démarches administratives ont été facilitées. Le terreau est très favorable aujourd'hui, mais cela a été amorcé dès 1999 avec la loi Allègre sur l'innovation qui a été essentielle à la valorisation de la recherche et à la création d'entreprises. Le CEA, en particulier, a toujours mené cette politique d'accompagnement de start-up, mais elle s'est vraiment développée avec la création d'une direction de la valorisation qui, dès les années 2000, a permis aux chercheurs de consacrer du temps à leurs projets de création d'entreprises, et d'un fonds, CEA Investissement, pour subvenir aux besoins de financement. Comment se déroule concrètement le processus d'accompagnement de création d'entreprise au CEA? CORINNE BOREL L'accompagnement à la création d'entreprise se fait de manière très complète, depuis l'idée du porteur de projet jusqu'au financement de l'entreprise en passant par la protection des brevets. Lorsque le projet est suffisamment mûr, le porteur entre officiellement en incubation et peut se consacrer à 100% sur son projet, en restant salarié, sur une période allant jusqu'à 18 mois. Ensuite, lorsqu'il crée son entreprise, il bénéficie d'un droit de retour au CEA au bout de 2 ans renouvelable une fois. Quelle structure avez-vous mis en place en ce qui concerne le financement des start-up? CORINNE BOREL Le CEA a créé, en 2017, avec Amundi, Supernova Invest, une structure de gestion de fonds d'investissement, qui sera capable d'accompagner le financement des start-up, de l'amorçage jusqu'à des phases de croissance ultérieures. Aujourd'hui, il est relativement facile de créer une entreprise, mais il est plus difficile de la maintenir en vie au bout de quelques années, lorsque son chiffre d'affaires n'est pas encore consolidé. Nous avons besoin de «fonds patients» capables d'investir dans une société dans la durée. Aujourd'hui, Il est relativement simple de réunir les premiers 500k€ à travers les financements publics nationaux ou régionaux, business angels, fonds d'amorçage, BPI. Cependant, trouver des fonds pour assurer les phases d'industrialisation, ou encore le développement à l'international est plus compliqué. Avec Supernova Invest, nous voulons y remédier. Supernova Invest, qui a levé en 2017 plus de 125M€, représente un montant total d'environ 230M€ d'investissement dans les start-up technologiques, pour accompagner les différentes étapes de croissance. Mais nous voulons aller encore plus loin. L'idée est d'être capable d'investir au moins 10M€ par entreprise pour assurer son développement, notamment à l'international. Avec pourquoi pas, des tickets de 20, 30 ou même 50M€ comme en consacrent les fonds asiatiques ou américains, mais comme peu de fonds français peuvent le faire. Bien entendu, le CEA ne peut le faire seul et doit s'appuyer sur d'autres acteurs, privés et publics, pour aussi partager le risque. Combien de start-up sont-elles issues, en moyenne, chaque année, du CEA et quel est le taux de viabilité de ces entreprises? CORINNE BOREL En moyenne, une dizaine de sociétés sont créées par an. En 30 ans, nous avons été à l'origine de plus de 200 start-up. 70% sont encore en vie à l'issue de ces 30 ans, ce qui est un chiffre assez exceptionnel dans le monde de la création d'entreprises. Et ce taux de viabilité atteint 93% au cours des cinq dernières années. Lorsqu'il y a un échec, c'est bien souvent que le marché n'était pas suffisamment mûr pour l'innovation proposée par l'entreprise. Quelles sont les start-up issues du CEA les plus emblématiques et celles qui sont les plus prometteuses? CORINNE BOREL Nous pouvons bien entendu citer Soitec ou encore Sofradir parmi les «succes stories» les plus emblématiques du CEA en matière de création d'entreprise. Et parmi les start-up les plus prometteuses, figurent notamment Aledia avec déjà plus de 70 personnes ou encore Diabeloop qui développe un pancréas artificiel pour le traitement du diabète, ou Theranexus, créé en 2013 et qui a levé 20 M€ lors de son entrée en Bourse.

“Trouver des fonds pour assurer le développement des start-up est toujours difficile en France”

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