Couverture ElectroniqueS n°127

D'abord séduits par une main-d'œuvre bon marché, plusieurs sous-traitants français de l'électronique installés en Tunisie et au Maroc ont fait évoluer leurs usines pour en faire des clones de leurs sites français et européens. Les usines en question utilisent les mêmes technologies, les mêmes équipements et la même informatique que leurs homologues de l'Hexagone. Tronico Atlas, qui est basé à Tanger, est certifié EN9100 et Nadcap. Les équipements et process utilisés et l'informatique en place (ERP) sont exactement les mêmes que ceux de l'usine française de Tronico. Et les deux sites fabriquent les mêmes matériels, de grande complexité. L aTunisie et le Maroc sont des pays à faible coût de la main-d'œuvre comparé à la France. Nombre de sous-traitants de l'électronique y ont installé, dans les années 2000, des ateliers déportés fournissant les capacités de production manquantes à l'époque. Cela a été, par exemple, le cas de Tronico qui a démarré à Tanger une activité d'assemblage de cartes, en 2004. « Nous expérimentions une très forte croissance de notre activité et avions besoin d'un complément de fabrication », explique Patrick Collet, directeur général de Tronico. C'est pour accompagner un grand client (Somfy) que Lacroix Electronics a construit, en 2005, une usine à Zriba (Tunisie). « Lacroix Electronics a pour stratégie d'installer des usines visant à soutenir l'expansion àl'in-ternational de ses grands clients », remarque Stéphane Klajzingier, directeur général de Lacroix Electronics. Quant à Eolane, c'est en 2003 qu'il a démarré des activités d'assemblage et de test de cartes électroniques à Berrechid (Maroc), à 40 km de Casablanca. En 2010, le rachat de NCF a doté ce sous-traitant d'une deuxième usine au Maroc, à Temara (près de Rabat), spécialisée en câblage filaire et en intégration de matériels. « Ces deux sites présentent de très fortes complémentarités au plan des activités », remarque Thierry Sachot, directeur général en charge de la R&D et de l'industrie chez Eolane. Et cela fait plus de vingt ans qu'Al-trics (23,8M€ de CA 2016) est présent en Tunisie via deux entités basées à Soliman, proche de Tunis: Globe Technologies, spécialiste de l'assemblage low cost de cartes électroniques en moyennes et grandes séries, et Atems, dédié au câblage filaire à destination notam-ment de l'aéronautique et de l'industriel. L'usine Globe Technologies « a évolué et est aujourd'hui en mesure de traiter des cartes complexes intégrant, par exemple, des BGA (Ball Grid Array) au pas de 0,4mm et des puces 0201 », annonce Thierry Pineau, président d'Altrics. En outre, « le site s'oriente vers la réalisation de produits complets proposant maintenant l'intégration des matériels », ajoute le dirigeant. C'est en 2007 qu'Emka Electronique (150 personnes, 17,6 M€ de CA 2016), groupe de sous-traitance rassemblant les filiales Sorec, Fapronic et Emka Med (Monastir), a créé Emka Med pour y réaliser des productions à bas coût (assemblage de cartes électroniques et câblage filaire). En 2014, le groupe s'est aussi doté, à Tunis, d'un bureau d'études pour le logiciel embarqué, baptisé Emka Engineering. TIS Circuits s'ouvre aux grandes séries de l'automobile Quant à l'usine TIS Circuits de Ben Arous (banlieue de Tunis), elle a vu le jour au sein du groupe Satelec, puis a été reprise par Sagem en 2002 avant de rejoindre, en 2012, l'alliance All Circuits (MSL Circuits basé à Meung-sur-Loire, BMS Circuits installé à Bayonne et TIS Circuits). Ce site assemble des cartes électroniques pour des donneurs d'ordres des domaines de la domotique, des automatismes, de l'énergie, de l'électroménager et du multimédia. Alors qu'il était jusqu'alors spécialisé dans la fabrication de petites et moyennes séries, il s'ouvre aujourd'hui aux grandes séries notamment destinées à l'automobile, ainsi que nous l'a annoncé un porte-parole de TIS Circuits. En outre, l'usine démarre une activité de fabrication de câbles et de faisceaux de câbles. En 2016, TIS Circuits a réalisé un chiffre d'affaires de 46 millions d'euros (14% du chiffre d'affaires 2016 total d'All Circuits). Le groupe Selha (900 personnes, 100 M€ de CA) s'appuie quant à lui, au Maroc, sur OB Electronique (200 personnes), une usine certifiée Nadcap ( National Aerospace and Defense Contractors Accreditation Program ) depuis août 2016. Installé à Casablanca, OB sert les fabrications récurrentes et déjà industrialisées dans d'autres filiales du groupe. Au total, Selha Group comprend 4 sites de production : Selha (Renazé, 53), Einea (Eu, 76), LCO (Cossé-le-Vivien, 53) et OB Electronique. L'activité de câblage filaire du groupe Deroure est, elle, le fait de deux filiales : Anjou Electronique (Longué-Jumelles, 49) et Anjou International (Bizerte, Tunisie) - qui se charge de la fabrication des produits nécessitant une main-d'œuvre à meilleur marché. L'ensemble «Anjou Electronique + Anjou International » occupe quelque 200 personnes et a représenté, en 2016, un chiffre d'affaires global de 12 M€. L'an passé, ces deux sites ont embauché un total de 40 personnes, en majeure partie des opérateurs qui ont été formés en interne. Autre sous-traitant français en électronique, Cofidur (475 personnes en fin 2016, 87,6M€ de CA 2016) dispose, lui aussi, d'un site low cost à Tunis. Quelques PME françaises de sous-traitance en électronique font appel à des entreprises tunisiennes ou marocaines pour leurs travaux low cost. C'est le cas de BSE Electronic (15,1 M€ de CA 2016) qui s'appuie sur le tunisien Eleonetech situé à Bizerte. C'est aussi le cas de Pige Electronique (5 M€ de CA 2016) qui s'appuie sur la société tunisienne de sous-traitance Vignal2 Tunisie (entre 80 et 90 personnes) qui fabrique de petites et moyennes séries à destination de l'industriel, du médical et du ferroviaire. Vignal2 Tunisie (marque commerciale : Vignal Electronic & Wiring) a également une activité de retrofit et réparation, ainsi qu'une activité de câblage filaire (voir encadré « Vignal2: 30 ans de sous-traitance en électronique en Tunisie »). STÉPHANE KLAJZINGIER, Directeur général de Lacroix Electronics “ Nosquatreusines utilisent les mêmes process, le même ERP, le même MES, le même système qualité ainsi que des équipements de production similaires, ce qui facilite grandement les transferts de fabrication d'un site à l'autre. De grandes capacités de production De grands groupes français ont installé de grandes usines au Maghreb. C'est le cas d'Asteelflash (4650 personnes, 734M$ de chiffre d'affaires 2016), numéro 2 européen de la sous-traitance en électronique, qui s'appuie, pour les productions low cost destinées à ses clients européens, sur le site de La Soukra (700 personnes, de l'ordre de 7% du CA 2017 du groupe). « Comparé aux usines asiatiques, La Soukra est un site compétitif qui offre l'avantage d'être proche de l'Europe », nous avait récemment indiqué Gilles Benhamou, président directeur général d'Asteelflash. Cette usine prend en charge des commandes en provenance des domaines de l'énergie, des produits blancs, de l'Internet des objets, du médical et de l'automobile. Asteelflash a beaucoup d'ambition pour La Soukra qu'il a doté d'un outil industriel « moderne et à la pointe de la technologie ». Cette usine s'appuie ainsi sur 4 lignes CMS, dont deux équipées de modules Fuji NXT III, de capacité de pose comprise entre 80 000 à 120 000 composants par heure. La production y inclut le marquage laser des circuits imprimés, la traçabilité matière, le nettoyage des cartes – afin d'améliorer la dépose de crème à braser et donc le brasage –, le brasage via vague sélective, ainsi qu'une batterie complète de contrôles et de tests (inspection SPI et inspection AOI en ligne, tests fonctionnels et in situ). La Soukra propose également le vernissage et le résinage des cartes. Sagem Communications (4000 personnes, 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires) dispose, quant à lui, d'une très grande usine à Ben Arous, proche de Tunis. Fort de 1 200 personnes, ce site prend en charge l'assemblage de cartes électroniques, la réalisation de câbles et de faisceaux de câbles, ainsi que l'intégration de matériels. Quant à Actia, il est présent à Tunis via Actia Cipi (600 personnes), une usine présentant une activité de sous-traitance ouverte à des tiers, via Actia Tunisie (200 personnes) dédié à l'intégration, au test et au conditionnement des produits finis, et via Ardia, un bureau d'études. Actia Cipi a une capacité d'assemblage de 3,5 millions de cartes par an. Ce site s'appuie sur 7 lignes CMS taillées pour la prise en charge de grandes séries et est doté d'équipements de vision en ligne « de dernière génération », de vagues en ligne, de capacités de vernissage, ainsi que de matériels de test fonctionnel et in situ. Il réalise aussi l'intégration des matériels. Actia Tunisie, le second site d'Actia à Tunis, a été prévu pour assembler et stocker les produits volumineux. L'usine Asteelflash de La Soukra (700 personnes) est dédiée à la production low cost à destination des clients européens du groupe. Elle réalise un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 40 M$. Ce montant devrait tripler dans les trois années à venir. Des clones des usines françaises Plusieurs usines basées au Maghreb n'ont rien à envier à leurs homologues françaises et européennes. C'est le cas de Tronico Atlas (Tanger) qui est certifié EN9100 et, depuis 2015, Nadcap. « Cette usine a obtenu le grade Merit, l'équivalent pour le Nadcap d'une mention bien ou très bien au Baccalauréat, lors du renouvellement de la certification », nous a annoncé Patrick Collet. « Les équipements, l'informatique et les process y sont exactement les mêmes que dans l'usine française. Et on y fabrique les mêmes matériels », poursuit le directeur général. C'est ainsi que Tronico Atlas a réalisé les prototypes, les pré-séries puis les séries des calculateurs des moteurs Leap de Safran, des systèmes d'une extrême criticité. Tronico investit lourdement dans son site de Tanger : une enveloppe de 3 millions d'euros a été prévue pour les 3 années à venir. « Cela permettra de doubler la capacité de production actuelle », indique M. Collet. « Dans un premier temps, nous avons mis l'accent sur l'organisation de l'usine ainsi que sur la qualité des productions ; maintenant que ces objectifs ont été atteints, nous y améliorons la productivité », explique le directeur général. En outre, depuis janvier 2017, le site Tronico de Tanger dispose d'un bureau d'études (6 ingénieurs) orienté réalisation de bancs de test et électronique de puissance. « De la même façon que pour la production, l'organisation de ce bureau d'études et les outils qu'il utilise sont des doubles des bureaux d'études français », remarque Patrick Collet. Le dirigeant formule de grands espoirs pour ce bureau qui pour rait comprendre, par la suite et si les résultats le justifient, « vingt per-sonnes ». À noter aussi que Tronico Atlas devrait commencer à facturer, ce qu'il ne faisait pas jusqu'alors : en effet, « certaines sociétés installées au Maghreb – du domaine de l'aéronautique, par exemple – souhaitent passer directement commande à Tronico Atlas », remarque M. Collet. < L'usine TIS Circuits de Ben Arous s'ouvre aux grandes séries notamment à destination de l'automobile, et démarre une activité de fabrication de câbles et de faisceaux de câbles. Un investissement de 2,7 M € y est prévu, cette année. De façon similaire, l'usine Lacroix Electronics de Zriba (Tunisie) –qui représente 15% du chiffre d'affaires du sous-traitant, soit quelque 46,7M€ en 2016, et qui est certifiée TS16949 et EN9100–, est un calque des 3 autres sites du groupe: Saint-Pierre-Montlimart (49), Kwidzyn (Pologne) et Willich (Allemagne). « Les quatre usines utilisent les mêmes process, le même ERP, le même MES, le même système qualité ainsi que des équipements similaires, ce qui facilite grandement les transferts de production d'un site à l'autre », souligne Stéphane Klajzingier, directeur général de Lacroix Electronics. C'est d'autant plus important que « beaucoup de clients de Lacroix Electronics sont multi-sites, c'est-à-dire qu'ils font appel à au moins deux sites du groupe pour leurs fabrications », remarque M. Klajzingier. Zriba, qui traite les moyennes et grandes séries, travaille notamment pour la domotique, pour l'industriel et l'automobile –« deux domaines qui y sont en forte croissance » –, ainsi que pour l'aéronautique. Le fait d'être coté en Bourse interdit à Lacroix de détailler ses investissements site par site. Néanmoins, Stéphane Klajzingier nous a indiqué que le plan 20162020 de la société est doté d'une enveloppe globale de 30M€ et que « les investissements en Tunisie ont doublé en 2017 par rapport à 2016, et vont encore être multipliés par 2 en 2018 ». < L'usine de Zriba de Lacroix Electronics est certifiée EN9100 et TS16949. Elle traite les moyennes et les grandes séries et travaille notamment pour la domotique, l'industriel, l'automobile et l'aéronautique. Une nouvelle activité: l'intégration de matériels En ce qui concerne Eolane, Thierry Sachot nous a annoncé que « les équipements des lignes CMS de Berrechid ont été renouvelés, il y a 3 ans ». Le dirigeant nous a également indiqué que Temara, certifié Iris, réalise « une bonne partie de son chiffre d'affaires avec le ferroviaire ». « Si les ventes de Berrechid et Temara ne représentent que 2 à 3 % du total d'Eolane, c'est parce que ces deux sites travaillent, sauf exceptions, en panier garni », remarque M. Sachot. L'alliance All Circuits a, quant à elle, prévu des investissements conséquents pour son usine TIS Circuits: 2,7 M€ en 2017 après un montant global de 3,5M€ au cours des 4 dernières années. Certifié ISO 9001 et TS16949, ce site travaille notamment pour l'industriel et l'automobile. Initialement spécialisé dans les petites et moyennes séries, « il s'ouvre aujourd'hui aux grandes séries, notamment à destination de l'automobile », nous a indiqué la porte-parole de TIS Circuits. En outre, « il dispose d'un grand savoir-faire en industrialisation et a démarré, récemment, une activité de fabrication de câbles », poursuit-elle. Thierry Pineau, le président d'Al-trics note que « la révolution tunisienne n'a en rien freiné les investissements réalisés à Globe Technologies. Ces investissements, qui représentent en moyenne 800 000 e par an, resteront les mêmes dans les années à venir. Ils concernent notamment les process CMS, les moyens de test et de contrôle ainsi que la numérisation du site ». Certifié ISO 9001, ISO 14001, UL et CSA, Globe Technologies (Soliman, proche de Tunis) vise maintenant une certification ISO 13485 (médical). Initialement centré sur les produits nécessitant une main-d'œuvre importante, ce site a évolué et traite aujourd'hui « des cartes complexes supportant des BGA au pas de 0,4 mm et des puces 0201 ». Il s'oriente aussi vers l'intégration de matériels. Son chiffre d'affaires progresse continûment bien que la part de Globe Technologies dans le chiffre d'affaires d'Altrics ait reculé du fait de la montée en puissance du site portugais d'Altrics (Braga). Quant à Emka Electronique, il vient d'investir dans une deuxième ligne de production dans son établissement tunisien (Emka Med). Il y a aussi augmenté de 500 m 2 la surface de l'usine. Eolane s'appuie, au Maroc, sur deux usines complémentaires: l'une à Berrechid, près de Casablanca, spécialisée en assemblage de cartes électroniques; l'autre à Temara, près de Rabat, dédiée au câblage filaire et à l'intégration de matériels. < Certifié ISO 9001, ISO 14001 et visant une certification ISO 13485, Globe Technologies (groupe Altrics) sait prendre en charge des cartes complexes. Ce site s'oriente aussi vers l'intégration de matériels. Y sont investis quelque 800000 euros par an, en moyenne. Des géants appelés à encore grandir L'usine Asteelflash de La Soukra est une grande usine: elle occupe une surface de 15 000 m 2 ,s'appuie sur quelque 700 personnes et est dotée de 4 lignes de pose CMS. Elle est certifiée ISO 9001 (version 2015), TS 16949 (2009) et ISO 14001 (2015). Preuve de l'ambition qu'il a pour ce site, Asteelflash a baptisé le projet La Soukra du nom de « Imtiez » («Excellence» en arabe) et l'a doté de 2,5 M€ qui ont servi à l'installation de deux lignes CMS à capacités de pose entre 80000 et 120000 composants par heure, à l'installation d'un marquage laser ainsi qu'à la mise en place d'une traçabilité matière en production. Ce site devrait encore monter en puissance: ses ventes devraient représenter 120M$ dans les 2 à 3 années à venir. À partir de mars 2018, cette usine bénéficiera, comme tous les autres centres Asteelflash dans le monde, de l'appartenance à un réseau harmonisé disposant d'outils informatiques similaires et utilisant les mêmes processus et modes opératoires. Ce qui permettra notamment d'améliorer les approvisionnements et les transferts de production entre sites.

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