Couverture ElectroniqueS n°127

La distribution de composants vit une grande mutation liée à l'émergence de l'Internet des objets, à la mondialisation ainsi qu'à l'empressement généralisé qui sévit aujourd'hui. Pascal Fernandez, le président du SPDEI, fait le point sur ces évolutions ainsi que sur son syndicat. PASCAL FERNANDEZ, président Quelle est la représentativité du SPDEI? PASCAL FERNANDEZ Le SPDEI (1) s'appuie aujourd'hui sur 23 enseignes commerciales de profils différents, allant du distributeur indépendant à chiffre d'affaires de quelques millions d'euros au grand groupe d'envergure mondiale. Dernièrement, nous avons accueilli deux nouveaux adhérents: Melchioni, un distributeur italien qui s'installe sur le marché français, et CATS, un spécialiste de l'électronique de puissance. Le chiffre d'affairescumulédenosadhérentsrepré-sente60%dumarchéhexagonaldela distribution de composants électroniques. Ce pourcentage est du même ordre d'idée que ceux affichés par les autres syndicats de la FIEEC (2) .Nosadhérentssontdes distributeurs offrant un support technique, des services commerciaux et logistiques ainsi que d'autres services à valeur ajoutée. En tant que prolongement du fabricant sur le terrain, le distributeur se différencie du revendeur et de l'importateur: il a signé un contrat de franchise avec le fabricant et a des obligations vis-à-vis de ce fournisseur comme des clients (support terrain, compétence technique, stockage, engagement qualité, traçabilité des pièces, gestion de la fin de vie des composants…). Quelles sont les raisons d'être du distributeur? PASCAL FERNANDEZ Le distributeur se positionne entre le fabricant de composants, qui obéit aux contraintes de son métier (exemple : il faut de 15 à 20 semaines pour fabriquer des semi-conducteurs), et le client qui, lui, est toujours plus demandeur de rapidité pour l'obtention des pièces ainsi que de flexibilité. Pour satisfaire le client tout en respectant les contraintes auxquelles est soumis le fabricant de composants, le distributeur gère et relaie la demande des clients, les prévisions et les carnets de commandes de façon à en assurer la visibilité et à permettre d'en apprécier les contraintes par rapport aux délais du fabricant. Il met également en place, en accord avec les clients, des stocks tampons –qui jouent le rôle d'amortisseurs entre les impératifs de fonctionnement de l'un et de l'autre. En outre, le distributeur permet au fabricant de composants d'adresser une population bien plus importante que le fabricant seul ne pourrait le faire. Et c'est indispensable pour le fabricant compte tenu de la densité du tissu électronique : en France, par exemple, s'il y a quelque 3000 fabricants d'équipements électroniques, ce sont 10000 entreprises qui sont impli-uéesdanscedomaine(bureaux 'études,start-updesobjets onnectés,etc.).Or,lespetites tructuresquen'adressepasle abricant,commeparexemple esstart-updel'Internetdes bjets,sontdesentreprisesen eveniravecquiilestprimordial etisserdesliens. “ le distributeur joue un rôleclé.Ilpermetd'articuler deux univers à contraintes divergentes : le monde des fournisseurs de composants, pour lesquels il y a des délais irréductibles de production, et le monde des clients, de plus en plus demandeurs de rapidité et de flexibilité. Quels sont les chantiers en cours au SPDEI? PASCAL FERNANDEZ L'an passé, le syndicat a mis l'accent sur la redéfinition et le repositionnement de la valeur ajoutée du distributeur, ce qui s'est concrétisé par une remise à jour de nos outils de communication, fin 2016, et de notre Charte qualité, en 2017. Cette année, nous travaillons à la constitution d'une section représentative des REP. Ces structures présentent beaucoup de similitudes avec les distributeurs: comme eux, elles assurent la promotion des composants, le support technique et la création de la demande; et, pour les ventes et les livraisons des références, elles travaillent en liaison étroite avec le distributeur. Ce sont des entreprises de service, des PME liées aux fabricants par des contrats de représentation, comme les distributeurs. Elles ont également en commun avec notre profession d'être soumises aux aléas des restructurations des réseaux commerciaux des fabricants – qui sont, elles-mêmes, les conséquences des nombreuses opérations de fusions-acquisitions du secteur. La France compte un peu plus d'une vingtaine de REP qui, jusqu'à présent, ne disposent pas d'organe représentatif. C'est pourquoi, avec cinq d'entre elles, nous travaillons à la création d'une section REP avec un statut de membre associé du SPDEI. Cette création devrait être entérinée lors de la prochaine assemblée générale du syndicat, qui se tiendra le 3 mai prochain. Outre l'aide au design et le soutien logistique (mise en place de stocks appropriés…), la distribution propose des services de programmation des composants et d'aide à l'industrialisation et à la fabrication. Comment a évolué le rôle du distributeur au cours des quinze dernières années? PASCAL FERNANDEZ Il y a aujourd'hui, dans l'Hexagone, environ 1000 personnes impliquées dans la distribution de composants . C'est peu et c'est moins qu'il y a 15 ans. En effet, les grands groupes de distribution ont centralisé leurs stocks en Europe, abandonnant ainsi des magasins nationaux, alors que l'évolution des systèmes d'information et l'avènement d'Internet ont doté la profession de nouveaux outils qui ont contribué à réduire le nombre de commerciaux –cette réduction résultant également de la pression constante sur les marges des entreprises. La diffusion de l'information technique via Internet a aussi contribué à faire évoluer le rôle de l'ingénieur commercial : d'apporteur de documentations techniques, il est devenu avant tout prescripteur. Simultanément, la mondialisation l'a contraint au bilinguisme. En résumé, il y a aujourd'hui moins d'ingénieurs commerciaux qu'il y a 15 ou 20 ans, mais leur niveau de compétences a augmenté. En ce qui concerne le rôle du distributeur, il regroupe le soutien technique, le support logistique et des aides à la fabrication et/ou complémentaires à celle-ci. Avec certains fournisseurs qui réalisent eux-mêmes le soutien technique, le distributeur n'apporte qu'une aide logistique. Toutefois, ces cas ne représentent qu'une minorité. La plupart du temps, le distributeur effectue un travail de soutien technique, notamment d'aide au design. Dans ce cas, il est primordial qu'il se sente soutenu par le fabricant, c'est-à-dire que celui-ci rémunère à sa juste valeur le travail d'aide au design en accordant au distributeur une marge suffisante pour que ce dernier puisse se payer des dépenses qu'il a engagées. Je dois dire que, dans la grande majorité des cas, les fournisseurs jouent le jeu. Au plan de la logistique, le distributeur conseille le client pour les prévisions et la gestion des stocks. Ensemble, ils définissent une stratégie d'approvisionnement (gestion des doubles sources, création de stocks intermédiaires…). Au fil des ans, les stratégies en question se sont affinées et enrichies au point qu'aujourd'hui on considère que la supply chain est devenue une science et constitue la pierre angulaire de la réussite des entreprises High-Tech. D'autres services à valeur ajoutée font partie de l'offre du distributeur, comme la programmation des composants ou la proposition de solutions techniques. Nombre de petites entreprises de la distribution se sont dotées d'une offre de services conséquente en étude, ingénierie, industrialisation et aide à la fabrication (mise en kits des composants, assemblage de câbles…). Certaines se sont spécialisées dans des domaines pointus comme le ferroviaire, l'aéronautique, l'éclairage, l'outillage… Quid de la montée en puissance des spécialistes de la distribution par catalogue et par Internet? PASCAL FERNANDEZ Ces distributeurs adressent deux domaines non couverts par la distribution «traditionnelle» : la maintenance et réparation, d'une part, et les petites séries destinées à l'amont de la production (prototypes, préséries…), d'autre part. Parce qu'ils adressent ces marchés, les « cataloguistes » - qui, n'imprimant plus, pour la plupart, de catalogue, réfutent cette appellation, et qui sont, en fait, des distributeurs à forte valeur ajoutée - intéressent les fabricants de composants. D'où le nombre élevé de franchises détenues par ces distributeurs. En outre, pour fidéliser leurs clients, ils ont aussi su proposer des outils d'aide au design et mettre en place des communautés d'ingénieurs – exemple : element14 chez Farnell – qui jouent un rôle primordial dans l'échange d'informations et le partage des « bonnes pratiques techniques »… Certains grands groupes de distribution traditionnelle cherchent aujourd'hui à intégrer cette offre : c'est le sens du rachat de Farnell par Avnet ou de Mouser par TTI. Comment devrait évoluer le marché de la distribution de composants dans les années à venir? Qu'en est-il de l'évolution de la disponibilité des composants? PASCAL FERNANDEZ En Europe, il y a deux secteurs pour lesquels les ventes de composants devraient continuer à progresser : l'automobile et l'industriel. Et au sein de l'industriel, on note de fortes progressions à venir en transport, éclairage et sécurité. En ce qui concerne la France, pour 2017, la profession devrait bénéficier du niveau élevé des commandes du 4 e trimestre 2017. Depuis quelques mois, un accroissement de la demande mondiale a entraîné une augmentation significative des délais d'approvisionnements. Certaines familles de produits sont plus impactées que d'autres (les mémoires, par exemple) et, bien qu'il ne soit pas question de pénurie généralisée, nous encourageons nos clients à la vigilance et à se rapprocher de nos commerciaux afin de partager, le plus en amont possible, leur besoins pour les trimestres à venir. Le succès des entreprises de l'industrie électronique, en France, est étroitement lié à la qualité des partenariats mis en œuvre entre tous les acteurs de l'écosystème –fabricants, distributeurs, sous-traitants et donneurs d'ordres–, partenariats basés sur le partage d'informations et la confiance mutuelle. (1) SPDEI : Syndicat des professionnels de la distribution en électronique industrielle. (2) FIEEC : Fédération des industries électriques, électroniques et de communication.

“La distribution évolue en permanence pour mieux accompagner ses clients”

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