Couverture ElectroniqueS n°127

La communauté des chercheurs et industriels, qui s'est réunie en novembre dernier à Rome à l'occasion du Forum européen de la nanoélectronique, a fait le bilan des programmes deR&D en cours ou achevés dans le cadre d'Ecsel, de Penta et d'Horizon 2020 et a réfléchi à la mise en place de nouvelles initiatives de plus grande envergure dans ce secteur, qui est essentiel à l'ensemble des autres secteurs industriels. < À l'occasion du Forum européen de la nanoélectronique qui s'est tenu en novembre dernier à Rome, les responsables des programmes de R&D Penta, Eniac et Ecsel se sont rencontrés pour bâtir de futurs projets collaboratifs. C e s deniers mois, l'Europe et le monde ont bougé sur le plan politique et économique, entraînant un certain nombre d'incertitudes pour l'industrie. En premier lieu, ce sont le Brexit et l'élection de Donald Trump à la Maison Blanche qui suscitent des interrogations en matière d'échanges internationaux. Ben Ruck, président du Conseil des autorités publiques du programme européen en nanoélectronique Ecsel, a estimé qu'il fallait s'adapter à ce contexte international, lors du Forum européen de la nanoélectronique, qui s'est tenu à Rome, en novembre dernier. Parallèlement, la communauté des chercheurs et entrepreneurs de la nanoélectronique « est confrontée à de nombreux défis tant en termes de structure de marché que d'évolution technologique rapide. De nouveaux acteurs sont entrés sur les marchés traditionnels avec des projets ambitieux tel Google dans le domaine des véhicules à conduite autonome. Un autre exemple de la recomposition du paysage industriel est l'annonce récente de l'acquisition de NXP par Qualcomm. Cette prise de contrôle renforcera la position de cette entreprise dans des domaines clés tels que l'automobile, l'Internet des objets, la sécurité et les réseaux », souligne Ben Ruck. Dans cette bataille pour détenir la suprématie du marché, l'Europe est bien positionnée, car nous avons des leaders tant en R&D publique que privée. Elle est réputée pour ses centres d'excellence et nous maintenons une position forte sur des débouchés comme la santé, l'automobile, l'énergie, la sécurité, ainsi que sur les marchés multi-applicatifs comme les capteurs et les Mems. Et dans la fabrication et les équipements, l'Europe reste aussi à l'avant-garde. Jusqu'à présent, nous avons eu une longue tradition de collaboration intensive en R&D et innovation à différents «La communauté des chercheurs et entrepreneurs de la nanoélectronique est confrontée à de nombreux défis tant en termes de structure de marché que d'évolution technologique rapide», souligne Ben Ruck. niveaux : régional, national, communautaire (au niveau de l'Union européenne) et intergouvernemental, a-t-il souligné. Il est donc nécessaire de poursuivre dans cette voie. Lors du forum, les responsables des programmes de R&D Penta, Eniac et Ecsel, dédiés aux technologies de base et aux applications de la micro-et nanoélectronique européenne, se sont rencontrés pour bâtir les futurs projets collaboratifs ouverts, indépendants des instruments de financement. Les 250 participants à cette rencontre annuelle, qui réunit les principaux fabricants et intégrateurs européens du secteur des semi-conducteurs, ont évoqué à cette occasion 49 idées de projets pour les années à venir. L'entreprise commune Ecsel, issue des précédentes initiatives technologiques conjointes Eniac (pour la nanoélectronique) et Artemis (pour les systèmes embarqués) et complétée par la plateforme technologique européenne EpoSS (sur l'intégration de systèmes intelligents), a constitué une étape supplémentaire dans la poursuite de cette tradition. Ecsel est un programme stratégique avec des budgets substantiels. L'appel lancé en 2016 a généré des projets d'un coût global de 725 millions d'euros auxquels l'Union euro-péenne et les États membres ont contribué à parité pour un total de plus 300 millions d'euros. Sur un coût estimatif global de 4,8 milliards d'euros au cours de la période 2014-2020, 2 milliards d'euros ont été mobilisés à fin 2016, a précisé Alun Foster, responsable des projets Ecsel. LES «SMART CITIES»: D'IMMENSES OPPORTUNITÉS POUR LA NANOÉLECTRONIQUE Benedetto Vigna, directeur général en charge du groupe «analogique et Mems»deSTMicro-electronics, a mis en avant plusieurs projets qui se sont déroulés au sein d'Ecsel dans le domaine des «smart cities»: Motorbrain (nanoélectronique pour le véhicule électrique), IoE (Internet de l'énergie pour la mobilité électrique), Arrowhead (optimisation et mutualisation de l'énergie dans les bâtiments, les infrastructures publiques, les usines), E2SG (technologies d'efficacité énergétique), R2Power300 (composants de puissance). «Il est indispensable d'aller vers des “smart cities”, d'abord pour des raisons démographiques. Notre planète comptera en effet 7,7 milliards de personnes d'ici 2020, dont plus de 60% vivront en ville, avec un quasi-doublement du nombre de personnes âgées de plus de 65 ans. Ensuite, les ressources en gaz et en pétrole sont limitées et le traitement des déchets est un véritable défi avec 6 millions de tonnes qui seront produites chaque jour en 2025. Enfin, les villes ne représentent que 2% de la superficie de la planète, mais sont responsables de plus de 60%delaconsomma-tion d'énergie, l'éclairage utilise 20% de la production globale d'électricité et les villes comptent pour environ 75% des émissions de CO 2 dans le monde», explique Benedetto Vigna. Les opportunités sont immenses, car le nombre de «smart cities» dans le monde devrait passer, selon le cabinet IHS, de 20 en 2013 à près de 40 cette année et à 88 en 2025, dont 32 dans la zone APAC (Asie-Pacifique), 31 dans la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) et 25 sur le continent américain. Actuellement, la zone EMEA a le plus grand nombre de «smart cities» parmi lesquelles figurent Amsterdam, Toulouse, Valence, Helsinki, Düsseldorf et plusieurs villes italiennes (voir illustration ci-dessus), mais elle sera dépassée par la zone APAC d'ici 2025. Au total, les investissements annuels dans les projets liés aux «smart cities» étaient d'un milliard de dollars en 2013, mais ils devraient dépasser 12 milliards de dollars en 2025, selon IHS. Les opportunités sont également multiapplicatives: éclairage (moins de 10 millions de dispositifs d'éclairage à Led ont été installés dans les rues de nos villes en 2013, ils seront plus de 35 millions cette année et plus de 50 millions en 2020, selon ABI Research), bâtiment intelligent, santé, comptage (gaz, électricité et eau, avec par exemple 38 millions de compteurs d'électricité installés en Italie parmi lesquels 30 millions seront remplacés par des compteurs intelligents d'ici 2019), transports, collecte de déchets. Au premier rang des besoins en composants pour les «smart cities» se trouvent les capteurs, les microphones, les microcontrôleurs pour le traitement des données, les composants nécessaires à la connectivité (Wi-Fi, Bluetooth, RF, CPL) et les dispositifs de gestion de l'énergie (récupération d'énergie, Mosfets de puissance, …). Ils permettent par exemple de concevoir des systèmes de contrôle de consommation d'énergie, de détecter l'éclairage défectueux, de mettre au point des stations de surveillance pour contrôler la qualité de l'air, pour la sécurité des citoyens ou le trafic routier. L'infrastructure des «smart cities» permettra aussi de savoir quelles places de parking sont disponibles et comment y accéder de même que les stations de recharge de batterie de voitures électriques. Durant le forum, de nombreux projets ont été présentés. < Sur un coût estimatif global de 4,8 milliards d'euros au cours de la période 20142020, 2 milliards d'euros ont été mobilisés à fin 2016, a précisé Alun Foster, responsable des projets Ecsel. « Si nous voulons sérieusement qu'Ecsel contribue à nos ambitions européennes, ces ambitions doivent être clairement reflétées dans les projets. Nous devons en finir avec un nombre impressionnant de projets de R&D et d'innovation intéressants, mais isolés, qui n'ont pas permis à Ecsel d'atteindre les attentes que nous avions au départ. Nous devons regarder au-delà d'Ecsel en améliorant les synergies avec d'autres activités pertinentes, nationales, régionales et intergouvernementales, et cela pourrait vraiment avoir un impact substantiel. En premier lieu, avec les clusters Eureka Itea et Penta qui opèrent dans des domaines proches d'Ecsel. L'interdépendance entre ces programmes ne peut être niée », affirme Ben Ruck. Lors du premier appel à projets de Penta, lancé en janvier 2016, 13 projets ont été soumis. Ils représentaient 1 223 personnes x années pour un coût global de 175 Me. Sept de ces projets ont été retenus et totalisent 783 personnes x années pour un coût de 111 Me, avec des participants provenant de 6 pays. 39 % d'entre eux sont des PME et 65% des projets se focalisent sur les applications, indique Peter Connock, directeur de Penta. Suivant les feuilles de route établies par l'agenda stratégique Aeneas 2016, Penta se focalise particulièrement sur les applications suivantes: automobile et transports, santé et vieillissement de la population, et technologies de production. De plus, il a été reconnu que la sécurité, la connectivité et la sécurité énergétique offrent des contributions transversales essentielles à ces domaines. Les équipements, les matériaux et les outils sont aussi primordiaux pour toutes les technologies. Après l'événement destiné à bâtir des consortiums pour le 2 e appel à projets de Penta qui a eu lieu le 22 novembre 2016, la date limite pour la soumission des projets a été fixée au 9 mai 2017. Les projets labellisés seront connus le 21 juin 2017 et l'attribution des fonds à ces projets devrait être décidée le 1 er novembre 2017. Des projets d'envergure à venir Parmi les activités en cours et au-delà des programmes déjà existants, il est prévu de mettre en place un programme avec des projets d'envergure «d'intérêt européen commun» dans le domaine de la micro et de la nanoélectronique. Une initiative très ambitieuse qui ira au-delà des simples actions de R&D et d'innovation. Il s'agit de veiller à ce que la prochaine vague de produits numériques puisse être conçue et fabriquée en Europe. « Actuellement, cinq États membres et partenaires industriels concernés participent activement au développement de cette très vaste initiative, valorisée en milliards d'euros », indique Ben Ruck. Pour aller encore plus loin, la communauté Ecsel s'est également aventurée vers le développement du concept de grand projet intitulé «Lighthouse Initiative » (« initiative phare »). Un concept qui va bien au-delà des projets traditionnels de R&D et d'innovation. Puisqu'un «phare» est un endroit brillant à l'horizon, il aide à trouver la bonne direction. De même, en ce qui concerne le programme Ecsel, le «phare» sera considéré comme une gamme d'activités nécessaires pour atteindre un objectif élevé prédéfini. Un tel objectif pourra provenir du domaine de la voiture à conduite autonome, d'un thème lié à la santé, ou encore à la sécurité de l'IoT. Tout projet individuel ou série de projets Ecsel pourra faire partie d'une «initiative phare», mais d'autres activités, par exemple dans le domaine des mesures de régulation ou de la standardisation, si elles sont cruciales pour atteindre les objectifs de « l'initiative phare », pourront aussi être mises à profit. « Il n'est pas dans notre intention de changer notre façon de travailler, de sélectionner et de financer les projets Ecsel : nous voulons créer des synergies là où cela est possible et proposer des activités de soutien. Il s'agit de veiller à ce que l'impact des projets soit le plus optimal possible », a précisé Ben Ruck. Le Conseil d'administration d'Ecsel s'est réuni le 15 novembre dernier et a examiné ce concept « d'initiative phare ». Une première série d'idées pour d'éventuelles «initiatives phares» a été présentée par des représentants de la communauté industrielle d'Ecsel. Tout ceci n'est pas encore finalisé. Aussi, pour conclure, Ben Ruck a terminé son intervention en conseillant aux industriels de ne pas oublier les citoyens européens qui sont les utilisateurs de leurs technologies lorsqu'ils conduisent leurs voitures ou lorsqu'ils sont admis à l'hôpital pour un traitement. « Ce sont leurs impôts que nous investissons dans un large éventail de projets et, en retour, le public attend du concret. En ce sens, une communication efficace des réalisations à tous les publics est essentielle à la poursuite du programme et une meilleure organisation est prévue en ce sens ! », a expliqué Ben Ruck. TROIS PRIX RÉCOMPENSANT DES PROJETS D'EXCELLENCE ONT ÉTÉ ATTRIBUÉS Angelab, qui signifie «laboratoire génétique pour diagnostic prénatal non invasif», a été lancé en 2012 et se focalise sur le développement de systèmes basés sur la technologie «Lab-on-chip». UltraHD-4U porte sur la télévision haute définition du futur. Lancé en 2013, son but est de faire de l'expérience de télévision ultraimmersive une réalité. > Trois prix ont récompensé des projets d'excellence, au sein des trois principaux programmes européens ayant des thématiques en nanoélectronique (Catrene, Eniac-Ecsel et 7 e programme-cadre deR&D de l'Union européenne), à l'occasion du Forum. Ce dernier, dont la ligne directrice était «L'innovation tout au long de la chaîne de valeur», a respectivement honoré UltraHD-4U au sein de Catrene, Lab4Mems dans le cadre de Eniac-Ecsel et Angelab pour le 7 e programme-cadre. > UltraHD-4U porte sur la télévision haute définition du futur. Lancé en 2013, son but est de faire de l'expérience de télévision ultra-immersive une réalité, avec des caractéristiques innovantes en termes de taux de rafraîchissement et de connectivité. Quinze entreprises ont participé à ce projet précurseur de la télévision de qualité cinéma numérique à la maison. Les développements ont porté sur le codage vidéo, l'affichage haute résolution, la connectivité, l'interopérabilité et l'interface audiovisuelle. > Lab4Mems, lancé en 2014, a été identifié en tant que ligne pilote de fabrication de technologies clés pour la prochaine génération de composants Mems associée à des technologies avancées tels que la piézoélectricité, les matériaux magnétiques et le packaging 3D afin de développer la prochaine génération de capteurs intelligents, d'actionneurs, de micro-pompes et de dispositifs de récupération d'énergie. Ces technologies sont reconnues comme d'importantes contributions aux futures applications de stockage de données, ainsi que dans le domaine de l'impression, de la santé, de l'automobile, du contrôle industriel et du bâtiment intelligent, et pour les applications grand public tels que les smartphones et les dispositifs de navigation (GPS). Lab4Mems a actuellement un successeur, Lab4Mems II, qui capitalise sur les résultats du projet initial pour s'attaquer au développement des Mems optiques (ou Moems). > Enfin, Angelab a été reconnu par la Commission européenne comme l'un des projets les plus innovants du 7 e programme-cadredeR&D dans les thématiques de la micro-et de la nanoélectronique, de l'intégration de systèmes intelligents et de l'électronique organique. Angelab, qui signifie «laboratoire génétique pour diagnostic prénatal non invasif», a été lancé en 2012 et se focalise sur le développement de systèmes basés sur la technologie «Lab-on-chip» (ou laboratoire sur puce), capable de détecter les conditions génétiques dans lesquelles se trouve le fœtus en analysant le sang de la mère. Ce projet cherche à minimiser les techniques invasives actuelles en développant des dispositifs permettant un diagnostic plus sûr, plus accessible et moins cher que les techniques actuelles de détection de maladies génétiques avant la naissance. Après une production pilote de ces nouveaux composants, les systèmes ont été techniquement validés avec des patients à travers plus de 400 tests de diagnostic effectués au centre de santé d'Osakidetza (près de Bilbao), au Pays basque espagnol. Reinhard Ploss, président d'Infineon Technologies, qui a clôturé le forum, a renchéri en reconnaissant qu'il convient pour laR&D européenne en nanoélectronique de passer à un niveau supérieur. « L'industrie et l'automobile sont particulièrement les domaines où l'industrie des semi-conducteurs peut jouer un rôle significatif. La sécurité est aussi une grande chance pour l'Europe. Nous avons les connaissances pour y parvenir de façon rapide et fiable », a-t-il conclu.

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