Alors que l’on fête l’anniversaire du Traité de Rome qui a marqué la naissance de l’Europe politique, il serait imprudent d’oublier que ce traité est né sur les cendres de la Communauté européenne de défense (CED), une organisation encouragée par les Etats-Unis (qui craignaient une réunification allemande à coups de canons soviétiques), initiée par la France puis poussée au début des années 50 par la RFA et le Bénélux, mais finalement enterrée par l’assemblée nationale française pour différentes raisons (mort de Staline, fin de la guerre de Corée, trauma de celle d’Indochine, crainte d’une subordination envers l’Otan et donc les américains…). Dès lors, la construction européenne s’opèrera par la bande économique, loin des rêves de fédéralisme et de défense commune nourris par certains responsables.
L’agressivité résurgente de la Russie et l’arrivée au pouvoir d’un Donald Trump prônant un retrait de l’influence américaine sur le Vieux continent changent aujourd’hui la donne, et l’arlésienne d’une défense européenne coordonnée et autonome refait surface, sous l’impulsion de l’Allemagne notamment. Economiquement, cette défense européenne relève du bon sens, tant la dispersion des investissements militaires des différents membres de l’Union Européenne entraine un fort gaspillage de leurs ressources financières. Partager entre partenaires le coût du développement de systèmes d’armement sophistiqués, c’est une chose ; mais, très vite, se pose la question de l’utilisation de ces armes, or l’Europe n’a pas de diplomatie commune, loin s’en faut.
Plusieurs états, dont la France et l’Allemagne, suggèrent donc qu’un noyau dur de nations aux intérêts convergents servent d’embryon à cette Europe de la Défense – qui pourrait par la suite servir de cadre à d’autres harmonisations, sociales ou fiscales par exemple. Ces plans ambitieux restent cependant tributaires de nombreux aléas, en particulier des incertaines élections à venir des deux côtés du Rhin et de la manière dont le Royaume-Uni, incontournable acteur “européen” de l’armement, négociera ce sujet dans le cadre du Brexit.