Couverture ElectroniqueS n°127

Les brokers ont intensifié leurs contrôles en interne. Il en résulte une diminution significative des rejets de lots après vérifications par les laboratoires. La palette de tests proposée par ces derniers s'est également enrichie. On en est à la phase 2 du processus de détection des contrefaçons, phase de maturité et de gestion sage. Nous sommes dans la phase 2 de la lutte anticontrefaçon: en effet, ce domaine semble avoir atteint un point d'équilibre. D'ailleurs, après avoir progressé durant longtemps, le taux de rejets a dernièrement reculé avant de se stabiliser. L es contrefaçons de composants électroniques, qui ont pris leur essor dans les années 2000 avec la mondialisation des échanges et le démarrage de productions de composants en Asie, sont un danger pour les dispositifs électroniques. Leur utilisation peut être à l'origine de pannes de matériels servant des domaines stratégiques (aéronautique, défense, transports, énergie…). Et c'est dans la seconde partie de la décennie 2000-2010 que la lutte anti-contrefaçons s'est véritablement organisée. Alors, des laboratoires (Serma, Tronico…) ont commencé à proposer des services spécifiques à la détection de composants contrefaits ; auparavant, les activités de ce type étaient rattachées à la détection des défaillances. La mise en place officielle d'une détection des contrefaçons a servi de signal de départ à une course entre contrefacteurs et dépisteurs de contrefaçons, les contrefacteurs utilisant les rapports de test remis aux brokers par les laboratoires ayant effectué les contrôles anti-contrefaçons pour améliorer leurs techniques… D'où des améliorations successives des contrefaçons et de leurs dépistages. Durant cette première étape, qui correspond à la période créative de tout phénomène, celle qui suit immédiatement la naissance, le pourcentage de lots rejetés après contrôles a régulièrement augmenté. Aujourd'hui, il semble que nous soyons entrés dans la phase 2, caractérisée par une maturité, l'atteinte d'un équilibre pour l'ensemble du système « création de contrefaçons – détection des contrefaçons ». Cette atteinte d'un point d'équilibre se reconnaît à ce que le taux de rejets a reculé puis s'est stabilisé. Moins de rejets « Nous détectons moins de contrefaçons qu'avant car les brokers ont amélioré leur filtrage », s'exclame Jean Bastid, responsable du laboratoire technologique chez Tronico. De façon similaire, pour expliquer que le taux de rejets des lots de composants qui lui sont soumis à fin de contrôle ait chuté, passant de 30 % en 2006 à 15 % en 2016, Philippe Barret, responsable du contrôle des composants à risques chez Serma Technologies, invoque une évolution positive de la profession de broker : « aujourd'hui, ils procèdent eux-mêmes à plusieurs contrôles d'entrée ou les font faire par des laboratoires ». Complétant ce propos, Jean Bastid (Tronico) remarque que « 70% des contrefaçons sont détectées à partir du seul contrôle visuel ». La seconde raison de la diminution du pourcentage de rejets des lots de composants contrôlés par Serma Technologies est liée à l'expérience acquise par le laboratoire. En effet, si, dans un premier temps, tout organisme de test tend à appliquer la théorie à la lettre (« une broche tordue un lot rejeté»), dans une deuxième étape il ajuste ses contrôles à la réalité technico-économique de ses partenaires et clients : ce qui amène Serma à aujourd'hui substituer à une rigueur toute militaire un savoir pratique admettant l'accommodement. C'est-à-dire que le lot rejeté hier parce qu'il incluait un composant affublé d'une patte tordue est aujourd'hui toléré. Ce qui fait des heureux: le broker et le client final. Car, comme le fait remarquer M. Barret, « le rejet de lot constitue un ennui pour tout le monde ». Entendons-nous bien : il ne s'agit nullement de laxisme, mais d'une sorte d'«humanité technologique». Le broker a meilleure image Le broker d'aujourd'hui a troqué le vêtement de négociant en composants, qu'il arborait dans les années 1970-1980, pour devenir un distributeur qui apporte une traçabilité ou, à défaut, des garanties sur les lots qu'il propose. « Certains petits industriels se contentent des certificats de contrôle délivrés par les brokers », remarque à ce propos Jean Bastid. Cet expert estime toutefois que la motivation sous-jacente à ce changement d'attitude n'a pas été que morale : « les brokers ont amélioré leurs contrôles quand les clients ont commencé à vouloir leur faire payer les tests anti-contrefaçons réalisés par les laboratoires auxquels ces clients s'adressaient ». eu importe! Ce qui compte, c'est ue la profession de broker a fait es efforts pour lutter contre les ontrefaçons. Sylvain Maillard, qui irige Alantys – à la fois broker, istributeur franchisé et distribu-eur autorisé (c'est-à-dire se four-issant en pièces, sans avoir onclu d'accord avec le fabricant)–, tenu à nous rappeler que, dans e domaine comme dans beaucoup 'autres, la meilleure des défenses repose sur la prévention: « Alantys procède à une sélection implacable de ses fournisseurs et, au final, ne travaille qu'avec un pool réduit de fabricants ». Dans la pratique, chaque année, ce broker procède à plusieurs audits de ses fournisseurs. Les données à surveiller sont multiples. Exemple: un changement dans une équipe peut être l'indice d'un problème en gestation. En tout cas, les efforts portent leurs fruits: le nombre de contrefaçons qu'Alantys enregistre demeure marginal. De la même façon qu'Alantys, Azego consacre beaucoup de temps et d'énergie à l'audit des fournisseurs. Autre raison invoquée par certains pour expliquer la baisse des contre-façons : le fait que les brokers seraient de moins en moins sollicités. Ce que semble corroborer la stratégie de diversification des activités dont font montre plusieurs entreprises de ce domaine (comme Alantys, par exemple). JEAN BASTID, responsable du laboratoire technologique de Tronico “ Nous détectons moins de contrefaçons qu'avant car les brokers ont amélioré leur filtrage. Transparence et contrôles Alantys s'appuie sur une équipe de deux personnes pour la vérification de toutes les pièces sans traçabilité. S'il n'y a pas de traçabilité, il avertit le client qui choisit alors d'acheter ou de ne pas acheter le lot proposé. Dans l'affirmative, Alantys procède à des contrôles en interne (inspection visuelle et tests de fonctionnement). En cas de doute, des vérifications complémentaires (tests électriques, analyse après décapsulation…) peuvent être réalisées par un laboratoire certifié Alantys et basé en Chine, ou par Serma Technologies. Ces tests sont payés par le client. Le broker Isotrading procède, pour sa part, à un contrôle visuel ainsi qu'à des tests électriques dans ses laboratoires de Rungis et de Hong-Kong. Pour les analyses complémentaires (radiographie aux rayons X, contrôle en microscopie acoustique…), il fait, lui aussi, appel à Serma Technologies. Son confrère Azego se démarque de la concurrence en ce qu'il annonce prendre en charge la facture des contrôles (tous confiés à Serma, du contrôle visuel aux tests électriques) si les pièces s'avèrent défectueuses. Le britannique Astute Electronics, qui cumule les métiers de distributeur et de broker, s'appuie, pour sa part, sur deux centres pour la vérifica-tion des composants non traçables: l'un au Royaume-Uni, l'autre aux États-Unis. Leur offre inclut : un contrôle optique, une radiographie aux rayons X, un examen après ouverture du boîtier et un test de brasabilité. Le sous-traitant Actia propose, lui aussi, des services pour la détection des contrefaçons : inspection visuelle, radiographie aux rayons X et tests électriques (notamment l'analyse de signature). Actia sous-traite les autres examens. Quant au broker Converge, qui a été racheté par Arrow en 2010, il réalise en interne des contrôles visuels, des contrôles aux rayons X ainsi que des vérifications après décapsulation dans ses trois aires de stockage (Amsterdam pour l'Europe, Boston pour l'Amérique du Nord et Singapour pour l'Asie). Pour ces opérations, les trois sites utilisent les mêmes procédures et les mêmes équipements. « Ces tests permettent de déceler 90 % des défauts », estime François Schultz, directeur général de Converge France. Comme chez ses confrères, si nécessaire, des tests complémentaires avec taux de prélèvement variables selon les besoins du client sont confiés à un laboratoire externe (Serma Technologies pour Converge France). En fonction des domaines d'utilisation auxquels sont destinés les composants achetés, les tests complémentaires sont plus ou moins poussés, et les prélèvements opérés, plus ou moins importants. Des tests plus ou moins sophistiqués D'une manière générale, les clients pour lesquels la sécurité des personnes est en jeu du fait des matériels utilisés, exigent que toutes les pièces des lots soient contrôlées (tests à 100%). C'est notamment le cas pour le nucléaire. Quand la sécurité des personnes n'est pas le paramètre principal, le taux de prélèvement est moindre (10 %, par exemple). Plusieurs interviewés ont aussi remarqué que certaines demandes de vérification de la part des clients semblent abusives. « Il faut faire du cas par cas », explique l'un d'eux. « Pourquoi faire procéder à des tests de brasabilité sur des composants qui ne sont pas sensibles à l'humidité et donc à l'oxydation? Pourquoi faire contrôler aux rayons X un composant encapsulé dans un boîtier céramique – qui empêche les rayons X de passer? », s'indigne ce spécialiste. Enfin, certains brokers aimeraient que les laboratoires expriment des conclusions plus tranchées dans les rapports qu'ils délivrent. Or, ces derniers ne peuvent s'engager que sur le respect des procédures de tests et la validité de ces tests. « Nous ne réalisons pas systématiquement des tests à 100%; en outre, il peut arriver que des composants rebutés fonctionnant à une température X ne fonctionnent plus à une température Y, sans que nous puissions le détecter si les tests appropriés ne font pas partie du cahier des charges », remarque M. Barret (Serma Technologies). FRANÇOIS SCHULTZ, directeur général de Converge France Tronico propose deux ensembles de tests: un ensemble «standard» et un ensemble «durci». Ce dernier inclut des tests électriques poussés ainsi que des contrôles avec des taux de prélèvements plus élevés qu'en «standard». Source : Tronico “ Le contrôlevisuel, la radiographie aux rayons X et les vérifications après ouverture du boîtier que nous pratiquons sur nos trois aires de stockage (Amsterdam pour l'Europe) permettent de détecter 90 % des défauts des composants. Les composants obsolètes en tête du hit-parade Si la détection de contrefaçons fait partie de notre dossier sur l'obsolescence des composants, c'est parce que les contrefaçons concernent tout particulièrement les composants obsolètes. En effet, il est plus facile pour un fournisseur malhonnête d'écouler un lot de composants obsolètes sans traçabilité qu'un lot de composants disponibles non accompagné d'une attestation de traçabilité ; dans ce dernier cas, le manque de traçabilité devient suspect. C'est aussi beaucoup plus lucratif car les composants obsolètes sont, comme toutes les denrées rares, plus cher payés. Dans la pratique, quand le broker est amené à proposer des lots sans traçabilité, il en avertit son client. Celui-ci décide alors d'acheter ou pas le lot concerné. Dans l'affirmative, le broker va réaliser en interne, s'il en a les moyens, un contrôle visuel –« qui permet de repérer 70% des contrefaçons » selon Jean Bastid (Tronico)–, suivi d'une radiographie aux rayons X et d'une analyse après ouverture du boîtier (décapsulation). Ces deux dernières analyses servent, la plupart du temps, à confirmer ou à infirmer une possibilité de contrefaçon envisagée lors du contrôle visuel. La radiographie X, par exemple, va permettre de constater une taille anormale de puce au regard de spécifications techniques ou par rapport à un composant étalon fourni par le fabricant (Golden Sample). À noter que le fait d'appartenir à des grands groupes favorise l'obtention de tels Golden Sample, tant il est vrai qu'on ne prête qu'aux riches… L'application de l'ensemble « contrôle visuel + radiographie X +contrôles après ouverture du boîtier», qui constitue le niveau 1 des tests proposés par Serma Technologies, « permet d'éliminer de 90 à 95 % des risques », selon M. Barret (Serma Technologies). Certains brokers (Alantys, Astute, Converge, Isotrading…) réalisent tout ou partie de ce premier groupe de contrôles, et confient à des laboratoires partenaires les examens qu'ils ne savent pas faire en interne. Après ces vérifications, s'il subsiste encore un doute sur le lot considéré, ils en avertissent leurs clients. Ceux-ci peuvent alors demander à des laboratoires comme Serma ou Tronico de pratiquer des tests complémentaires. Ces tests additionnels sont des tests électriques, qui servent à dépister des anomalies de fonctionnement, éventuellement pour des gammes de températures spécifiques; mais aussi des tests de brasabilité permettant de contrôler l'état des broches du boîtier –en particulier la formation d'un intermétallique par migration d'atomes de cuivre dans l'étain (et vice-et-versa), ce qui rend impossible le brasage, et montre qu'il n'y a pas eu dépôt d'une couche de nickel isolante empêchant la migration métallique entre l'étain et le cuivre et « qu'il faut donc être plus vigilant aux conditions de stockage ainsi qu'à la durée de celui-ci (on le limitera, par exemple, à deux ans au lieu de cinq) », selon Jean Bastid (Tronico) ; et une analyse via microscopie acoustique « qui sert notamment à révéler des délaminations », remarque M. Bastid. Une délamination consiste en un décollage entre la puce et le substrat porteur ou entre le peigne de la puce et ce substrat. En cas de délamination, un passage en refusion peut être rédhibitoire. L'utilisation de composants contrefaits peut être à l'origine de pannes de matériels servant des domaines stratégiques (aéronautique, défense, transports, énergie…). D'où l'importance de la lutte anticontrefaçons. L'analyse de signature Parmi les tests électriques, l'analyse de signature consiste à envoyer des séquences types aux entrées du circuit intégré sous test et à visualiser les signaux récupérés en sortie. « Ce test permet de vérifier la conformité des pièces à une empreinte de référence », souligne M. Barret (Serma Technologies). Cette référence est un Golden Sample ou un composant appartenant à un lot déjà vérifié ou encore, et par défaut, un composant du lot sous test –pris arbitrairement comme référence. Rien n'empêche cette dernière alternative puisque l'analyse a pour objectif de vérifier l'homogénéité des réponses pour des stimuli identiques en entrée. « Ce type de contrôle permet de vérifier l'homogénéité du lot », rappelle ainsi M. Barret. C'est important quand on sait que l'une des contrefaçons les plus répandues est l'homogénéisation de lots. Cette contrefaçon consiste à reconstituer un lot à partir de composants en provenance de plusieurs lots différents : pièces en provenance de divers sites de production, mais aussi pièces rebutées –c'est-à-dire qui n'ont pas passé avec succès les tests post-production chez le fabricant de composants, puis ont été escamotées au lieu d'être détruites, pour finalement se retrouver sur le marché – et pièces démontées et reconditionnées. Dans ce dernier cas, il est à craindre que lors du débrasage du composant, un stress thermique ait pu causer une délamination. C'est à ce moment que peut intervenir la microscopie acoustique, qui est l'outil par excellence servant à détecter les délaminations. Les laboratoires étoffent sans cesse leurs offres de contrôles et de tests. Ainsi, Serma Technologies propose maintenant la fluorescence X. Cette technique vérifie la présence de plomb dans les broches des composants, « ce qui permet d'orienter le composant vers des process de fabrication adaptés (avec ou sans plomb) et peut fournir un indice quant à l'authenticité de la référence – un composant censé être sans plomb devra ne pas révéler la présence de plomb lors de l'examen », indique M. Barret. Pour pouvoir étoffer son catalogue d'indices de remarquage, Serma Technologies s'est également doté d'une activité de remarquage avec effacement du marquage par application d'acide ou de solvant, ou par micro-sablage. « Cela nous a permis de constater l'apparition de défauts typiques des contrefaçons comme la présence de particules blanches après micro-sablage », explique M. Barret. Deux niveaux de tests Serma et Tronico proposent deux niveaux de contrôle. Chez Serma, les tests de niveau 1 regroupent le contrôle visuel, la radiographie aux rayons X et le contrôle après ouverture du boîtier. Le niveau 2 comprend, pour sa part, des tests électriques – dont une analyse de signature –, un test de brasabilité et une analyse au microscope acoustique. « Il y a davantage de demandes pour les tests de niveau 2, ou équivalents à ceux de niveau 2, que pour ceux de niveau 1 », constate M. Barret. « Car aujourd'hui, les industriels procèdent eux-mêmes aux tests de niveau 1 », explique-t-il. L'offre de Tronico s'appuie, de manière similaire, sur deux types de procédures. Une procédure de contrôle « standard » et une procédure de contrôle « durci». Elles ont en commun une inspection visuelle, un examen aux rayons X, des tests électriques ainsi que, pour certains boîtiers, un test de brasabilité et un contrôle visuel après décapsulation. Les deux grandes différences entre ces procédures sont : des prélèvements plus importants pour la version durcie (contrôles visuels et tests électriques de 100 % des pièces à concurrence de 250 composants, pour des conditionnements en vrac, en plateaux et en sticks) ; et des tests électriques plus sophistiqués dans le cas de la procédure de contrôle durci (tests fonctionnels pour les circuits logiques et les mémoires, mesures de gain, de tension d'offset, de linéarité de la conversion pour les décodeurs…). Serma et Tronico réalisent aussi des tests sur mesure. « Ce sont des tests pratiqués selon des procédures propres aux clients », annonce M. Barret. En général, « ces tests spécifiques sont équivalents aux tests de niveaux 1 et 2 pratiqués par Serma, avec toutefois des taux de prélèvements différents (plus élevés, en général) et des demandes particulières concernant le domaine de températures à contrôler ». SYLVAIN MAILLARD, dirigeant d'Alantys, société cumulant les métiers de distributeur franchisé, distributeur autorisé et broker PHILIPPE BARRET, responsable du contrôle des composants à risques chez Serma Technologies “ Alantysprocède à une sélection implacable de ses fournisseurs et, au final, ne travaille qu'avec un pool réduit de fabricants. “ L'analyse de signature permet de vérifier la conformité des pièces à partir d'une empreinte de référence. Elle sert à contrôler l'homogénéité du lot. Le difficile dépistage des rebuts Les contrôles et tests mis au point par les laboratoires – internes aux entreprises ou indépendants comme ceux de Serma et de Tronico – permettent de détecter un éventail conséquent d'irrégularités affectant les lots de composants qui leur sont confiés à fin de vérification. L'éventail des contrefaçons est large. Les plus évidentes sont celles qui portent sur le changement d'identité des pièces (les boîtiers sont, par exemple, poncés, repeints puis remarqués). Ce type de contrefaçons est le plus répandu. De telles pièces reconditionnées et/ou remarquées peuvent faire partie de lots homogénéisés –c'est-à-dire de lots dont plusieurs pièces ont été remarquées de façon à reconstituer un lot homogène, censé s'appuyer sur des pièces fabriquées sur une même période de temps et sur le même site. L'homogénéisation de lot demeure très fréquente. L'outil qui sert à la démasquer le plus sûrement est la vérification de signature électrique. L'arnaque qui semble la plus difficile à détecter est la revente de lots rebutés. Ces rebuts sont des composants qui ont été recalés aux tests de post-production. Normalement, ils auraient dû aller à la poubelle, mais, dans les faits, ils se retrouvent sur le marché. En règle générale, ce type de semi-conducteurs présente des défauts de fonctionnement dans une gamme particulière de températures. Exemple: l'apparition d'un défaut de lecture concernant une ou plusieurs adresses ou d'une augmentation de temps d'accès pour une température ou une gamme de températures (en général supérieure à la température ou à la gamme de températures habituelle de fonctionnement). La détection de telles pièces défectueuses fait couramment appel aux tests électriques avec variation de la température. « Les rebuts représentent la deuxième catégorie de contrefaçons après la falsification des marquages », remarque M. Barret. En 2016, dans cette catégorie, Serma a notamment détecté, grâce à la radiographie à rayons X, un cas de bonding (liaison interne) incorrect et un cas de mauvais collage de la puce. Un expert, qui ne veut pas être cité, nous a aussi indiqué un autre type de problèmes, difficilement détectable, affectant les mémoires OTP ( One Time Programmable ) : la vente à un utilisateur Y de mémoires incluant un programme destiné à un utilisateur X. Il n'y a que les tests en fonctionnement – des tests onéreux – qui peuvent détecter ce défaut. Récupérer les composants des cartes en stock Remarquant que les fabricants de matériels disposent fréquemment de stocks de cartes électroniques tout en étant demandeurs de composants difficiles à trouver et pour lesquels un redesign s'avère trop onéreux du fait de trop petites quantités mises en jeu, Tronico a réalisé une synthèse de ces deux propositions en mettant en place un service de récupération de composants rares, présents sur des cartes en stock chez les demandeurs mêmes. « Les composants recherchés sont, la plupart du temps, des Asic », remarque M. Bastid. « Ils sont récupérés sur des cartes dédiées au SAV, en stock chez les clients », précise cet expert. C'est Tronico qui se charge du démontage –avec « dessoudage propre, sans délamination » –, des tests ainsi que du reconditionnement en bobines des composants testés. Certains technologues rejettent cette pratique parce que les composants ne seraient pas prévus pour supporter la refusion supplémentaire qu'elle impose. Mais « l'expérience montre qu'il n'apparaît pas de délamination lors du brasage du composant récupéré », rétorque M. Bastid. « Les problèmes que l'on peut rencontrer sont plutôt la conséquence de l'utilisation de procédés anciens de refusion, lors du brasage initial », estime-t-il. Quoi qu'il en soit, pour cette activité, Tronico annonce un rendement (nombre de composants ayant passé les tests avec succès/nombre total de composants testés) compris entre 50 et 95%. Et de nombreux clients, notamment de la défense et des transports, se bousculent au portillon. « Si Tronico a pu mettre en place un tel service, c'est qu'il est impliqué à la fois en fabrication de cartes électroniques et en tests », tient à souligner M. Bastid.

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