Couverture ElectroniqueS n°127

La gestion de l'obsolescence gagne en importance car la différence entre la durée de vie des composants électroniques et la durée de vie des matériels d'électronique professionnelle augmente sans cesse. Au plan des remèdes, l'accent est mis sur la prévention ainsi que sur le stockage des composants et des cartes. L'obsolescence des composants résulte de la différence entre la durée de vie des composants (entre 3 et 5 ans pour les semi-conducteurs) et des équipements d'électronique professionnelle (supérieure à 20 ans). Ce problème est, par exemple, sensible en aéronautique. Cockpit de l'A320 dont le premier vol a eu lieu en 1987. A partir du moment où un composant électronique n'est plus fabriqué, il devient obsolète. Or, actuellement, la durée de vie moyenne des composants actifs (intervalle de temps compris entre le début de la fabrication et la fin de celle-ci) s'inscrit dans la fourchette 3-5 ans. Alors que les durées de vie des matériels d'électronique professionnelle –qui sont liées au maintien en conditions opérationnelles (MCO) de ceux-ci– atteignent couramment 20 ans, et que les durées de vie des programmes auxquels ces matériels se rattachent sont très supérieures (40 ans pour le Rafale, par exemple, dont la production a débuté en 1991). « Le problème de l'obsolescence est lié à la différence des durées de vie des composants, des équipements et des programmes », résume Gilles Guffroy, responsable du pôle de Compétence AQC / AQF chez Serma Technologies. Pour l'obsolescence, comme pour toute maladie, «mieux vaut prévenir que guérir » : « il faut se poser la question de l'obsolescence des composants dès le design du matériel », souligne ainsi Gilles Guffroy. Dans la pratique, Serma examine les nomenclatures que lui confient ses clients pour y repérer les composants qui sont «actifs» –c'est-à-dire en production, pour lesquels tout va bien donc–, les composants qui sont « en fin de vie » –pour lesquels la fin de vie (EOL pour End of Life ) a été annoncée par le fabricant, mais qui n'ont pas dépassé la date de dernière commande (LBO pour Last Buy Order ) –, et les composants obsolètes –pour lesquels la date de LBO est dépassée. Pour un composant, la durée de l'état de fin de vie est d'au moins six mois: en effet, le fabricant est tenu d'émettre un EOL six mois avant la date de LBO. Et l'envoi d'informations relatives à des changements techniques ou de fabrication ( Product Change Notification ou PCN), qui incluent les EOL et les LBO, dépend des fournisseurs. « Les fabricants de composants destinés à des niches de marché sont plus réticents à délivrer des PCN que les généralistes comme STMicroelectronics, TI… », indique Philippe Zanni, responsable Affaires Pérennisation au sein de l'Activité « Support & Services » d'Eolane, et, à ce titre, en charge de la « Gestion des obsolescences » ainsi que du « Stockage sécurisé longue durée». « Si les fournisseurs de semi-conducteurs font régulièrement parvenir des EOL et des LBO, en ce qui concerne les composants passifs, électromécaniques et de connectique, il faut aller chercher ces informations auprès des fabricants », remarque également Michel Chevalier, responsable de la Business Unit Pérennisation d'Actia. À noter que cette BU a augmenté son périmètre de surveillance : elle se charge également de la gestion de l'obsolescence de composants mécaniques (visserie, joints…). Si l'obtention de telles informations peut être plus difficile pour les spécialistes de la gestion de l'obsolescence que pour les acheteurs, c'est que le statut de laboratoire ne permet pas de faire pression sur le fournisseur de composants. En outre, le fabricant a pour habitude d'envoyer les PCN à son client –qui est le fabricant d'équipements électroniques– et pas au laboratoire qui se charge de la gestion de l'obsolescence pour le compte de ce fabricant … Ce qui oblige le laboratoire à dépenser un surcroît d'énergie pour obtenir ces informations. D'une manière générale, les PCN, EOL et LBO sont obtenus par consultation des sites web des fabricants de composants ou via requête par e-mails. La fréquence du contrôle des statuts des composants de la nomenclature dépend, elle, du contrat signé par le client avec le laboratoire ainsi que du type de composants à surveiller. Actia annonce qu'il vérifie tous les mois les statuts des semi-conducteurs, tous les six mois ceux des composants passifs, et tous les ans ceux des cartes sur étagères (cartes COTS pour Commercial Off The Shelf ). Les contrats proposés par Serma prévoient une mise à jour tous les 3 mois ou tous les 6 mois. Suivant la formule choisie, le client obtiendra une information cantonnée à l'obsolescence ou des données plus complètes (estimation de la pérennité du composant…). Nombre de ces laboratoires délivrent aussi des informations concernant l'obéissance des références surveillées aux directives RoHS et Reach, et aux règles Itar. Le coût de ces prestations est fonction de la formule choisie et du nombre de lignes à surveiller. La base de données, clé de voûte de la prévention d'obsolescence La prévention de l'obsolescence s'appuie sur un outil propre à chaque offreur de ce domaine, outil qui est une base de données constamment remise à jour à partir d'informations en provenance du fabricant de composants, ainsi que de bases de données commerciales, accessibles sur abonnement : IHS, Silicon Expert, Total Part Plus… et des bases de données spécialisées dans des secteurs stratégiques comme celle de Thales. « À partir de divers critères –comme la technologie de production des wafers, le procédé d'encapsulation, les volumes de composants en production… –, des algorithmes calculent un score qui qualifie le risque d'obsolescence du composant », explique M. Guffroy. Serma transforme ce score en statut, une information plus facilement appréhendable par le client. Le dispositif Serma s'appuie sur quatre statuts: obsolescence; risque à court terme; risque à moyen terme; et risque à long terme. Gilles Guffroy prévient que les bases de données commerciales ne sont pas une panacée : aucune d'entre elles ne couvre l'ensemble des composants ; et elles sont susceptibles d'erreurs du fait de la masse considérable d'informations qu'elles sont amenées à acquérir et à traiter. « IHS assure que sa base de données est fiable à 97%, ce qui signifie que dans le cas d'une carte à 300 références, on est susceptible d'avoir des problèmes sur 9 composants ! », ironise ainsi Jean Bastid (Tronico). Serma indique qu'il privilégie les informations sur l'obsolescence en provenance des fabricants de composants par rapport à celles en provenance des bases de données commerciales. C'est la raison pour laquelle il ne s'appuie que sur une seule base de données (IHS, pour l'instant, mais c'est susceptible de changer puisqu'il évalue d'autres bases de données, notamment Silicon Expert). « Il est impératif de vérifier les informations issues des bases de données, en interrogeant les fabricants », insiste M. Guffroy (Serma). Dans la pratique, quatre personnes se chargent de la prévention et de la détection des obsolescences chez Serma. MICHEL CHEVALIER, responsable de la Business Unit Pérennisation d'Actia Dans la majorité des cas, toutefois, de façon à disposer de données pertinentes, les spécialistes de l'obsolescence recoupent les informations ” en provenance de plusieurs bases de données avec des informations recueillies par eux auprès des fournisseurs de composants. « Il est nécessaire de recouper les informations en provenance de plusieurs bases de données. Ainsi que de recouper les informations issues de ces bases de données avec celles obtenues auprès des fournisseurs de composants », remarque M. Bastid (Tronico). Le laboratoire technologique de Tronico fait appel aux bases de données IHS et TCIS – la base de données de Thales, forte de 1,5 million de références et spécialisée dans l'aéronautique et le mili-taire. Tronico évalue aussi en ce moment la base de données Silicon Expert. Des outils bien renseignés L'outil de gestion de l'obsolescence utilisé en interne chez Actia se nomme l'iPerSyst. « Ce système recoupe les informations en provenance de quatre bases de données: Silicon Expert, IHS, Total Part Plus et Namsa, qui est une base de données spécialisée dans les composants militaires », annonce Michel Chevalier (Actia). En cas d'informations contradictoires entre les bases de données, l'équipe Actia en charge de la veille sur les obsolescences alerte le client et consulte le fabricant. « Souvent, ces divergences ne correspondent qu'à des interprétations différentes d'une même information initiale… Cela n'empêche pas qu'il y ait effectivement des erreurs », remarque M. Chevalier. « Aussi, pour disposer d'informations pertinentes, faut-il être abonné à plusieurs bases de données », estime, lui aussi, M. Chevalier. Actia dépense 110000 euros par an en abonnements aux quatre bases de données précitées. Chacun d'eux coûte entre 8000e et 30000 e par an, en fonction de la formule choisie. Notons que l'activité Pérennisation d'Actia réalise 60% de son chiffre d'affaires avec des clients autres qu'Actia. Parmi ces derniers: Areva, qui lui confie la surveillance de l'ensemble des références de ses équipements, Dassault Aviation et AIA (Atelier Industriel de l'Aéronautique). Chez Eolane, la veille sur les obsolescences s'appuie également sur une base de données propriétaire, baptisée Celtique 2, alimentée en informations par deux bases de données externes (IHS et Silicon Expert) ainsi que par les PCN repérés et validés par la cellule de veille technologique d'Eolane. Les composants concernés par des risques d'obsolescence (avis d'EOL ou de LBO) font l'objet d'alertes auprès des clients. Et Eolane met l'accent sur la sécurité, de façon à prévenir des attaques de hackers. « La base Celtique 2 est très bien protégée : située dans une zone sécurisée, elle est reliée à un serveur totalement indépendant. Il n'y a aucun piratage possible », assure Philippe Zanni (Eolane). “ Pour disposer d'informations pertinentes, il faut être abonné à plusieurs bases de données… L'outil iPerSyst d'Actia recoupe des informations en provenance des bases de données Silicon Expert, IHS, Total Part Plus et Namsa… En cas d'informations contradictoires, nous consultons le fabricant de composants. Centum Adetel, spécialiste de l'ingénierie des systèmes destinés à l'aéronautique et aux transports, propose, lui aussi, une veille relative à l'obsolescence des composants, via l'utilisation d'une base de données externe (IHS) et d'une base de données interne bâtie à partir des données acquises par l'entreprise. Enfin, notons, parmi les brokers, l'offre dite FOM ( Future of Obsolescence Management ) de Converge (groupe Arrow). Pour ce, l'entreprise s'appuie sur la base de données Silicon Expert (rachetée par Arrow en 2013). Cette base de données a la cote. Michel Chevalier (Actia), par exemple, a salué l'excellent ratio «performance/prix» de Silicon Expert. L'offre FOM inclut également la participation à des forums annuels sur le thème de l'obsolescence qui permettent des échanges entre utilisateurs ainsi qu'entre utilisateurs et experts du domaine. Le dernier forum FOM s'est tenu à Amsterdam en novembre 2016. À noter que lors de cette phase de «prévention-détection de l'obsolescence », certains laboratoires prodiguent déjà des conseils quant aux choix à faire pour le traitement de l'obsolescence une fois qu'elle sera effective. « Pour chaque ligne de la nomenclature sous surveillance, nous conseillons des orientations pour le traitement de l'obsolescence. Comme privilégier le remplacement d'un équivalent “broche à broche” ou, au contraire, l'achat puis le stockage de composants avant LBO », annonce, par exemple, Gilles Guffroy (Serma). Quand vient l'heure du choix… La majorité des clients qui s'adressent aux services Pérennisation des sociétés que nous avons interviewées le font pour des raisons de maintien en conditions opérationnelles des équipements électroniques dont ils sont en charge (en tant qu'utilisateurs ou en tant qu'entreprises en charge du MCO). Aussi, n'est-on pas surpris que, parmi de telles demandes, figure un pourcentage appréciable d'urgences. « Souvent, Serma est amené à aborder le problème de l'obsolescence dans l'urgence, sur le mode que je qualifierais de “pompier”, alors que les composants concernés sont déjà obsolètes », remarque Gilles Guffroy. Dans le cadre du MCO, la taille des lots recherchés est évidemment restreinte : « couramment, de 50 à 100 pièces », selon Michel Chevalier (Actia). Et le degré de rareté des références sur le marché dicte des choix quant aux modalités des tests. « Normalement, si le taux de rejets aux tests est supérieur à 10 %, on renvoie le lot. Et s'il est inférieur à 10%, on procède à un tri. Mais, évidemment, plus les pièces sont rares, plus on privilégie le tri des composants », remarque M. Chevalier. La possibilité ou non de trouver des équivalents entre également en jeu: « l'obsolescence qui touche un condensateur ou une résistance peut être facilement levée en remplaçant la pièce en question par un équivalent. Mais quand l'obsolescence concerne une mémoire, elle peut être plus difficile à résoudre par le biais d'équivalents. Il arrive que les caractéristiques techniques ne soient pas exactement les mêmes (timings…), d'où la nécessité de procéder à des adaptations sur la carte », souligne M. Guffroy. C'est en 2012 qu'Eolane a ouvert, aux Ulis (91), une aire de stockage sécurisée, anti-incendie, anti-intrusion et anti-électrostatique, dotée d'armoires sous azote assurant le stockage de longue durée de composants et de cartes électroniques. Source : Eolane Le premier des choix auquel doit procéder le fabricant d'équipements électroniques, et auquel l'aide l'organisme en charge de la gestion de l'obsolescence, est celui qui intervient lorsque le composant est déclaré comme étant en fin de vie. Si ce composant est utilisé pour une production en cours, les paramètres pris en compte pour le choix sont: le fait qu'il soit (ou pas) mono-source; que, s'il existe des équivalents, ceux-ci soient « exacts » ou «approchés» –dans ce dernier cas, il faudra procéder à des ajustements, comme la réalisation de cartes mezzanines, ainsi qu'à des requalifications – ; et que les coûts des éventuelles requalifications soient ou non supportables –dans certains secteurs stratégiques comme le nucléaire, la défense et l'aéronautique, les requalifications sont très chères. Ce sont de telles informations que savent trier et hiérarchiser les spécialistes de la gestion de l'obsolescence, de façon à conseiller leurs clients. Dans le cas où le choix se porte sur l'achat de composants (notamment via brokers) et le stockage de ceux-ci, ces spécialistes contrôlent ou font contrôler les lots acquis ( voir page 38 : « Moins de rejets car les brokers font du bon travail»). Actia, par exemple, confie une partie des contrôles de pièces achetées aux laboratoires Serma, Thales-CNES Toulouse et Hirex (pour les composants de puissance). Une hiérarchie de solutions Philippe Zanni nous a présenté une version (volontairement simplifiée) de la stratégie appliquée par Eolane en gestion de l'obsolescence: « nous cherchons en priorité des équivalents, selon trois niveaux : équivalent strict ; équivalent fonctionnel avec même brochage, mais caractéristiques de fonctionnement différentes, obligeant à des adaptations; et équivalent fonctionnel à brochage différent, qui contraint à la réalisation d'une interface mezzanine ». Remarquons qu'une carte électronique ne peut pas admettre un nombre indéfini de cartes mezzanines ; la multiplication de ces cartes d'adaptation risque, en effet, d'induire une instabilité de fonctionnement à cause des variations possibles des temps de propagation des signaux. Quand il n'y a pas d'équivalents sur le marché, Eolane propose l'achat et le stockage des composants en fin de vie. À cet effet, ce sous-traitant dispose d'une aire de stockage sous azote, sécurisée, aux Ulis. Enfin s'il n'y a plus du tout de composants originaux et équivalents disponibles, Eolane conseille la conception d'un clone de la carte électronique. Pour ce travail, Eolane s'appuie sur un éventail conséquent d'expertises (RF, puissance…) disséminées dans ses nombreuses filiales. Comme Eolane, Serma considère que, dans le cas de cartes à fort pourcentage en composants obsolètes, le redesign de la carte est l'ultime recours. « Il arrive que nous expertisions des cartes comprenant plus de 60 % de composants obsolètes. Dans ce cas, nous commençons par proposer des secondes sources et résolvons ainsi couramment jusqu'à 90 % des obsolescences. Pour les 10% restants, nous passons par les brokers. La solution du redesign de la carte n'intervient qu'en dernier, car les coûts de redesign sont élevés relativement aux faibles volumes dont ont fréquemment besoin les clients », explique Gilles Guffroy. Dans la pratique, chez Serma, c'est Serma Ingénierie qui prend en charge le redesign de cartes. GILLES GUFFROY, responsable du pôle de Compétence AQC / AQF chez Serma Technologies “ L'obsogérance a pour objectif que le fabricant d'équipements ne soit plus victime de l'obsolescence des composants, mais qu'au contraire, il apprenne à la contrôler. Avant de se lancer dans le redesign et la refabrication du composant ou de la carte, les spécialistes de la gestion de l'obsolescence peuvent aussi conseiller à leurs clients de faire appel à des entreprises spécialisées dans le stockage et l'encapsulation de puces nues. Comme l'américain Rochester – qui offre également des services de redesign et re-fabrication de composants– ou HCM Systrel, une filiale de Serma spécialisée dans le stockage et l'encapsulation de puces pour environnements sévères. « Le problème qu'on risque de rencontrer en s'adressant à de telles entreprises, c'est leur exigence d'un minimum de quantité (MOQ) pour la commande », prévient toutefois Michel Chevalier (Actia). « En outre, il est difficile de les inclure dans une stratégie de prévention-traitement des obsolescences car la disponibilité des stocks n'est pas garantie », ajoute cet expert. « C'est une chance à saisir », conclut-il. Parfois aussi, « des clients demandent le re-mon-tage de puces dans un boîtier différent », indique M. Guffroy. Exemple: le client dispose de références en boîtier SOP (destiné au montage en surface) et il a besoin de ces puces mais encapsulées en boîtier DIP (traversant) pour leur assemblage sur une carte ancienne. Dans ce cas, Serma Technologies va procéder à l'ouverture du boîtier alors qu'HCM Systrel va prendre en charge l'encapsulation. Dimensionner le stock Les durées de stockage des composants sont couramment de l'ordre de 3 ans, 4 ans, 5 ans (durée la plus fréquente) et 10 ans. L'un des problèmes que pose le stockage est celui du dimensionnement du stock. « On procède à une analyse statistique et on affine via le retour d'expérienc e », déclare, à ce sujet, Michel Chevalier (Actia). D'une manière générale, pour aider leurs clients à répondre à cette problématique, les spécialistes de la gestion de l'obsolescence font appel à des guides. Exemple: «Le guide méthodologique de dimensionnement des stocks de fin de vie des composants et sous-ensembles électroniques », publié par l'Afnor/UTE. À noter qu'en ce qui concerne le stockage, Eolane et Tronico disposent de capacités sécurisées pour le stockage de longue durée sous azote. Serma, quant à lui, réfléchit actuellement à se doter d'une telle offre. Ce qui lui ferait dépasser son rôle actuel de prescripteur et de conseiller en aménagement de stocks. « Si Serma décide de se doter de capacités de stockage –en armoires sèches et sous azote –, celles-ci seront dédoublées dans deux aires sécurisées », précise M. Guffroy. D'une manière générale, « le stockage est de plus en plus prisé car c'est une solution qui a l'avantage d'être parfaitement définie en termes de coût », annonce M. Bastid. Tronico propose le stockage sous azote dans deux lieux sécurisés. Ce laboratoire procède aux tests des composants avant leur stockage de façon à pouvoir régler d'éventuels problèmes avec les fabricants. « En cas de lot défectueux dépisté par contrôle avant stockage, nous renvoyons purement et simplement le lot en question – alors que, dans le cadre d'un contrôle normal, nous procéderions à l'ouverture du boîtier pour analyser ce qui ce passe au niveau de la puce », remarque M. Bastid. L'intérêt du contrôle avant stockage, c'est qu'il permet, le cas échéant, au fabricant de composants d'apporter des réponses aux problèmes posés. « Alors que nous mettons une alerte sur environ 20% des lots examinés avant stockage, les fabricants expliquent environ 15 % des problèmes que nous soulevons. Les 5% restants correspondent à des défauts réels », précise ainsi M. Bastid. « Il est très important de tester les composants avant stockage; si on ne les testait qu'à la fin du stockage, il serait trop tard pour demander le concours du fabricant puisqu'il y a de fortes chances pour que celui-ci ait alors arrêté de fabriquer le composant en question », conclut-il. PHILIPPE ZANNI, responsable Affaires Pérennisation au sein de l'activité «Support & Services» d'Eolane “ Les contrats proposés par Eolane incluent la prévention et la détection d'obsolescence, les achats de composants, leur stockage ainsi que la livraison sur site. Le stockage de cartes électroniques a la cote Il n'y a pas que les composants qui peuvent être victimes d'obsolescence : les colles, les résines, les crèmes de brasage… sont, elles aussi, susceptibles d'être touchées par ce phénomène. Ce qui explique, en partie, la progression de la demande de stockage de cartes et d'équipements électroniques. « C'est un phénomène nouveau qui permet à la fois de résoudre l'obsolescence des composants et celle des moyens de production », note M. Bastid (Tronico). « Cet engouement est lié à l'utilisation croissante de cartes sur étagère ( cartes COTS pour Commercial Off The Shelf) », estime, quant à lui, Gilles Guffroy. « Stocker une carte est moins coûteux que de stocker les composants de la nomenclature de la carte, puis de re-fabriquer celle-ci », remarque Philippe Zanni (Eolane). Le stockage de cartes électroniques n'est toutefois pas aussi simple qu'il paraît l'être. « Pour disposer d'informations pertinentes relatives à la pérennité de ces cartes, il faut systématiquement s'adresser aux fabricants car les bases de données telles qu'IHS ne prennent pas en compte les COTS », avertit M. Guffroy. Par contre, ainsi que le remarque M. Bastid, les cartes sont dotées de numéros de série (à la différence de la majorité des composants électroniques, sauf certains qui sont destinés à l'aéronautique et au militaire), ce qui facilite leur repérage. Au registre des problèmes, figure aussi le fait que le stockage des cartes électroniques nécessite des précautions. En effet, certains composants – les condensateurs chimiques, les batteries… – ne supportent pas le stockage de longue durée. Si on veut stocker des cartes incluant de tels composants, il faut régulièrement –tous les 6 mois, par exemple– mettre celles-ci sous tension pendant quelques minutes, de façon à « réactiver la chimie du condensateur ». Cette solution est notamment adoptée par Eolane et Tronico. Actia a opté, quant à lui, pour une autre solution : « l'inertage » de la carte qui correspond à ôter de celle-ci les composants à risque, durant le temps de stockage, puis à remonter ces composants à la fin du stockage. « Ce peut être risqué si le type de vernis de la carte rend délicat un dessoudage », reconnaît M. Chevalier. Actia étudie d'ailleurs la possibilité de passer au stockage de longue durée avec réactivation périodique de l'alimentation électrique. Tronico propose le stockage sous azote dans deux lieux sécurisés. Ce laboratoire procède aux tests des composants avant leur stockage de façon à pouvoir régler d'éventuels problèmes avec les fabricants. Il effectue de plus en plus de stockage de cartes électroniques. La solution ultime: le redesign Lorsqu'il faut, dans le cadre du MCO, remplacer un composant d'une carte d'un équipement stratégique, et que ce composant et son ou ses équivalents « stricts » demeurent introuvables et que des requalifications d'équivalents approchés seraient trop coûteuses, plutôt que de redesigner la carte en question, il peut être envisagé de recréer et re-fabriquer le composant incriminé. À ce niveau, il faut mettre dans la balance les coûts de requalification d'un équivalent approchant, voire de la carte, d'un côté, et le coût de redesign et de re-fabrica-tion du composant obsolète, de l'autre. Étant entendu que les coûts de redesign et de re-fabrication seront d'autant plus justifiés que le nombre de composants envisagés sera élevé. Pour que ce soit rentable, il faudrait que le volume de semi-conducteurs commandé dépasse les 10 000 pièces. Ce qui est plus que rare dans le domaine du MCO de matériels professionnels. Reste, pour justifier de telles demandes, l'importance du composant au plan stratégique. Rochester et ID-MOS (groupe Serma) proposent le redesign et la re-fabrication de semi-conducteurs. Il leur faut pour cela tous les documents techniques disponibles et une autorisation de la part du fabricant initial de la référence en question. Dans la pratique, ils commencent par réaliser un modèle à base de FPGA qui sert à vérifier le fonctionnement du composant souhaité ; ensuite, ils optimisent les temps de transfert et la surface de silicium en fabriquant un ASIC. Actia annonce avoir confié, l'an passé, à ID-MOS, le redesign de trois composants complexes : un processeur d'entrées/sorties, un microprocesseur 16 bits et un microcontrôleur à logiciel intégré dans le silicium. Enfin, dans certains cas, en dernier recours, il faut procéder au redesign de la carte électronique puis à sa re-fabrication. Eolane donne l'exemple du redesign d'une carte de banc de test destinée à un équipement de la défense. Ce redesign a coûté presque 100ke. «Mais il aurait fallu débourser 1 Me pour remettre à jour le matériel », remarque M. Zanni. Les offres globales avec guichet unique Les offres globales de gestion de l'obsolescence avec guichet unique ont la cote. Ainsi, Serma et Tronico viennent d'annoncer, chacun, une telle offre. Baptisée Obsogérance, l'offre Serma s'appuie sur les expertises du groupe « qui couvrent l'ensemble des activités menant du wafer au système embarqué », rappelle Gilles Guffroy. L'Obsogérance prend en charge la prévention, la détection et le traitement de l'obsolescence. « L'Obsogérance a pour objectif que le fabricant d'équipements ne soit plus victime de l'obsolescence, mais qu'au contraire, il apprenne à la contrôler », déclare M. Guffroy. Cette offre inclut une veille relative à l'obsolescence pour des composants et des cartes COTS, l'aide au choix entre achat et stockage de composants ou utilisation d'équivalents, la détection de contrefaçons pour les lots achetés par les brokers (Serma Technologies), les conseils pour le stockage, le redesign de composants (HCM Systrel pour le stockage et l'encapsulation de puces ; ID-MOS pour le redesign de semi-conducteurs) et le redesign de carte (Serma Ingénierie). Sont exempts de cette offre les achats de composants et le stockage physique des composants et des cartes. Deux services que propose Tronico à travers sa toute nouvelle solution: l'Obsolution. L'offre Obsolution est, elle aussi, une offre globale avec guichet unique. Elle regroupe les achats de composants (via brokers), le test des lots achetés – notamment pour la détection de contrefaçons–, les tests avant stockage, et le stockage physique des composants et des cartes dans deux aires sécurisées. « Une telle offre a pu être mise sur pied parce que Tronico est à la fois un laboratoire et un sous-traitant en électronique », déclare M. Bastid (Tronico). Les moyens de transport comme les trains, les tramways et les bus présentent de longues durées de vie. Le MCO y est complexe car il impose une validation du système après toute modification. Centum Adetel est un spécialiste de ce domaine. Plusieurs parmi les autres acteurs impliqués dans la gestion de l'obsolescence que nous avons interviewés proposent également des offres couvrant plusieurs activités. « Les contrats proposés par Eolane incluent la prévention et la détec-tion d'obsolescence, les achats de composants, leur stockage ainsi que la livraison sur site », remarque ainsi Philippe Zanni (Eolane). Actia, pour sa part, réalise la veille sur l'obsolescence, les achats aux brokers avec tests des composants achetés – une partie en interne, une autre sous-traitée aux laboratoires Serma Technologies, Thales CNES Toulouse et Hirex Engineering (composants de puissance) – ainsi que le stockage de composants et de cartes (stockage sous dry-pack et sous armoire sèche, mais pas sous azote), le redesign de composants (via ID-MOS, filiale de Serma) et le redesign de cartes. Centum Adetel, quant à lui, assure une veille technologique sur les nomenclatures et conseille les clients sur la meilleure conduite à tenir en cas d'obsolescence des composants (achats et stockage ou recherche d'équivalents stricts ou approchants). La société fournit également une analyse d'impact en cas de remplacement par un équivalent, avec préconisation quant à la profondeur de la requalification à envisager. Elle sous-traite, si besoin, le stockage à son ancienne unité de fabrication (CMS Industrie basée àSainte-Foy-l'Argentière dans le Rhône). Pour les besoins de redesign de semi-conducteurs, Centum Adetel fait appel à ID-MOS.

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