Couverture ElectroniqueS n°127

L'utilisation de drones permet de voir avec précision au loin et de loin, sans être vu donc sans s'exposer. Plus généralement, les fournisseurs de la défense proposent des matériels de vision de plus en plus sophistiqués à destination tant du fantassin que du groupe. D ans toutes les batailles, le fait de connaître la position et les forces de l'ennemi a constitué un avantage majeur, souvent décisif. Rien n'a changé aujourd'hui si ce n'est que la technique a fait évoluer les moyens de détection et de surveillance. Le drone, qui allie déplacement dans les airs et détection via caméras (vidéo, infrarouge…), est le symbole même de cette évolution. Il permet de voir sans être vu, de voir la nuit, de voir avec précision au loin et de loin. Le combattant d'aujourd'hui peut, par exemple, s'appuyer sur le Black Hor-net, un drone miniature et télécommandé pesant moins de 30 grammes, équipé d'une caméra infrarouge et d'une caméra vidéo, doté d'une autonomie de vol de 25 minutes et pouvant couvrir une distance de 1,6km. Le Black Hornet est fabriqué par le norvégien Prox Dynamics –qui a été acquis par Flir Systems, spécialiste des dispositifs de surveillance, en décembre 2016. La surveillance des sites sensibles, qui fait aussi, et de plus en plus –terrorisme oblige –, partie des tâches de la défense, commence à être confiée à des drones. En juin 2016, Eurotunnel a annoncé l'acquisition de deux drones militaires destinés à repérer les intrusions sur son site de Calais (660 hectares) déjà surveillé par 500 caméras fixes et 300 vigiles. Ces drones sont équipés de caméras thermiques à longue portée fournissant des images de grande précision. Le Stratobus est un dirigeable de 50000m 3 destiné à évoluer à une altitude de 20km, taillé pour les missions de surveillance des frontières et des sites critiques, de sécurité militaire, de contrôle environnemental ainsi que de télécommunications. < Les jumelles multifonctions JIM LR permettent la vision de jour et de nuit, et sont équipées d'un télémètre, d'un pointeur laser, d'un GPS et d'un compas magnétique. Elles peuvent transmettre les images et la localisation de celles-ci. Le Stratobus: entre drone et satellite Pour la surveillance des frontières ou de superficies importantes, l'armée utilise des drones à grande autonomie. En octobre 2016, Safran Electronics & Defense a inauguré un centre de R&D spécialisé en systèmes de navigation inertielle, en systèmes guidés de précision, en systèmes d'information tactique et en drones de surveillance à grande autonomie. Situé à Eragny-sur-Oise, ce laboratoire regroupe les équipes de Safran Electronics & Defense d'Argenteuil et d'Eragny. Il compte 1 200 salariés (75 % d'ingénieurs et cadres). La plupart des drones sont affectés à des tâches de détection via un survol à basse altitude alors que lessatellitessur-veillent de très haut. Entre les deux, viennent aujourd'hui se glisser les HAPS ( High Altitude Pseudo Satellite ) dont un représentant est le Stratobus. Ce système est un dirigeable de volume 50000m 3 destiné à évoluer à une altitude de 20km, soit dans la couche basse de la stratosphère, là où l'air est suffisamment dense pour assurer la portance du ballon et où les vents sont suffisamment modérés (autour de 90km/h pour la zone comprise entre les tropiques) pour lui permettre de se maintenir en position stationnaire (avec la motorisation électrique qui est la sienne). Le Stratobus sera taillé pour les missions de surveillance des frontières et des sites critiques (exemple: les plateformes off-shore), pour des missions de sécurité militaire (lutte contre le terrorisme…), de contrôle environnemental (détection des feux de forêt, des pollutions…) ainsi que de télécommunications (connexion à Internet de zones intertropicales non couvertes par les opérateurs; relais de transmissions GSM entre structures terrestres et satellites). C'est Thales Alenia Space qui est le maître d'œuvre de ce projet ; il se charge notamment de la réalisation des générateurs photovoltaïques. CNIM (Construction navale industrielle de la Méditerranée) travaille sur la structure, l'anneau et la nacelle, Solutions F sur la propulsion électrique, Airstar Aerospace sur l'enveloppe équipée, et le sous-traitant vendéen Tronico sur les convertisseurs de puissance et le câblage de l'aéronef. Un démonstrateur devrait être présenté en 2018 et le premier vol de qualification est prévu pour 2020. Le projet Stratobus bénéficie d'une aide de 16,6M€ dans le cadre du programme des investissements d'avenir. Des drones anti-drones Si les drones sont utilisés pour la surveillance des sites sensibles, ils peuvent également permettre le survol illicite de tels sites. En 2015, plusieurs drones ont ainsi «fait le buzz» en survolant des centrales nucléaires et des sites militaires. Pour contrer de tels actes, des drones anti-drones sont à l'étude. Depuis août 2015, les sociétés JCPX Development, DSNA services, Aveillant, Skysoft ainsi que l'Enac travaillent à la mise au point d'un système baptisé UWAS ( UAV Watch And Catch System ) destiné à contrer les survols illicites de sites sensibles. Dans la pratique, l'UWAS permettra de détecter, suivre et intercepter des drones de moins de 25kg grâce à un radar –mis au point par Aveillant, une filiale d'Altran– apte à la détection de drones de petite taille à une distance de 5km. L'UWAS inclut également un système au sol de suivi de la cible pour la levée de doute, et une contrôle – commande (fixe ou portable). Lors de la dernière édition européenne du salon IFSEC International (Londres, du 21 au 23 juin 2016), Panasonic a, quant à lui, dévoilé un système de détection de drones reposant sur 32 microphones directionnels et une caméra de surveillance à rotation selon l'horizontale et la verticale. Ce dispositif permet de détecter un drone à 300m. Des jumelles infrarouges à longue portée Outre l'arrivée sur la scène militaire de nouveaux systèmes, tels les drones, les équipements de vision plus traditionnels font l'objet de transformations innovantes. Des jumelles comme les JIM-LR (Jumelles Infanterie Multifonctions - Long Range ) de Sagem, permettent aujourd'hui la vision de jour et de nuit (via détecteur ther-mique), la télémétrie, le pointage laser, l'enregistrement d'images et de vidéos, la fonction GPS et la fonction compas magnétique, ainsi que la transmission de données. Elles permettent donc de détermi-ner des secteurs d'observation, de télémétrer des objectifs et d'en transmettre les images et les coordonnées. Les jumelles JIM-LR sont aujourd'hui utilisées par les armées de plus de 40 pays. Plus de 9000 de ces matériels sont en service dont 2000 en France. Ils sont fabriqués par Sagem Poitiers. < Le Black Hornet est un drone miniature de moins de 30 grammes, équipé d'une caméra infrarouge et d'une caméra vidéo. Doté d'une autonomie de vol de 25 minutes, il peut couvrir une distance de 1,6km. Le dispositif de combat baptisé Félin (Fantassin à Équipements et Liaisons Intégrés), développé par Sagem Défense et Sécurité (devenu Safran Electronics & Defense) inclut un dispositif de vision : une lunette destinée à la vision diurne ainsi qu'à la vision infrarouge est montée, via un rail, sur le fusil d'assaut Famas Félin. L'image obtenue peut-être visualisée sur deux écrans (un au niveau de la poitrine et le second, au niveau du casque). La même lunette peut équiper la mitrailleuse Minimi et le fusil de précision FR-F2. L'OCCIDENT REDOUBLE DE PRUDENCE DANS L'OCTROI DES TECHNOLOGIES SENSIBLES > Le fait qu'en décembre dernier, le président Obama ait mis son veto au rachat d'Aixtron (713 personnes, 200 M € de chiffre d'affaires), un fabricant d'équipements pour semi-conducteurs, est significatif d'un redoublement de prudence des pays occidentaux en ce qui concerne le partage des technologies «sensibles», c'est-à-dire utilisées par les militaires. En prenant cette décision, le président des États-Unis a suivi les préconisations du comité américain en charge des investissements étrangers (CFIUS – Committee on Foreign Investment in the US) qui s'était prononcé contre la transaction en raison de risques pour la sécurité du pays. Les technologies proposées par Aixtron servent en effet dans la fabrication des radars et des lasers. Aixtron a d'ailleurs pour client Northrop Grumman, un fournisseur de la défense américaine. > À la suite de cette intervention, le fonds d'investissements chinois Fujian Grand Chip (FGC) a renoncé à acquérir Aixtron (pour un montant de l'ordre de 670 M € ). Ce d'autant plus qu'en octobre dernier, Berlin, tout d'abord favorable à cette transaction, avait retourné sa veste et demandé du temps pour étudier plus à fond le dossier. Les rachats de sociétés allemandes de hautes technologies sont, en effet, également devenus un sujet sensible outre-Rhin. La France s'aligne sur cette position: le 23 novembre, lors du forum Innovation organisé par la Délégation générale de l'armement (DGA) à l'école Polytechnique, Laurent Collet-Billon, délégué général de l'armement, a ainsi plaidé pour la création d'un fonds public d'investissements à destination des entreprises innovantes dont les technologies sont utilisées par la défense, de façon à pouvoir contrer les tentatives de rachat par des groupes étrangers.

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