Couverture ElectroniqueS n°127

Petit à petit, les microphones fabriqués grâce à des techniques de micro-usinage gagnent des parts de marché en raison de leurs performances et de leur robustesse. L'offre continue donc de se développer, avec des gains constants de rapport signal sur bruit et de compacité. Grâce au catalogue hérité d'Epcos, TDK nourrit de sérieuses ambitions sur le marché des microphones Mems. Q ui ne s'est jamais agacé de la qualité sonore parfois très médiocre de nos smartphones – qui, pourtant, renferment une puissance de calcul assez incroyable au vu de leur encombrement ? Il s'agit parfois simplement de problèmes réseaux, ou bien c'est la qualité des hautparleurs qui est en cause. Mais, souvent, le souci vient tout simplement du microphone. Ce bon vieux microphone à electret (ECM), qui peuple encore une grande partie des téléphones portables et se vend par centaines de millions d'unités chaque mois, fait en effet, malgré ses évolutions, un peu figure de dinosaure au sein de ces bijoux de technologie que sont les smartphones. Contraction anglophone d'elecrostatic et de magnet, ce type de microphone utilise un matériau à charge permanente. Il est généralement moins performant en termes de qualité sonore qu'un microphone dynamique par exemple, mais peut être produit de manière très économique à grande échelle. Il se trouve pourtant concurrencé aujourd'hui par le microphone micro-usiné, qui présente plusieurs avantages décisifs et devient de plus en plus populaire au sein des téléphones portables et, de manière générale, dès lors que la voix est utilisée dans un appareil électronique. Des avantages inhérents aux composants microélectroniques Les microphones Mems reposent tous, peu ou prou, sur le même principe. Une membrane micro-usinée sert d'interface entre les ondes acoustiques d'entrée et le signal électrique de sortie, que ce soit par une conversion capacitive (le déplacement de la membrane mobile par rapport à une autre, fixe, fait varier les caractéristiques du condensateur ainsi formé) ou, plus rarement (chez Vesper, par exemple), piézoélectrique (modification de la résistance du matériau sous l'effet des déformations occasionnées par les vibrations sonores). Ces composants ont en premier lieu trouvé leur place dans les prothèses auditives, grâce à leur petite taille: c'est la raison pour laquelle les acteurs historiques de ce secteur, tels que le leader Knowles, sont davantage liés au traitement des insuffisances auditives qu'à la téléphonie. Premier avantage : la taille et le niveau d'intégration. Un micro ECM n'est qu'un composant passif, difficile à compacter. Un Mems intégré sur silicium bénéficie, lui, des avancées en matière de technologie de fabrication de la microélectronique, et, surtout, peut se voir adjoindre des fonctions électroniques annexes directement sur sa puce ou sur une autre puce accolée à l'élément sensible. Le filtrage et la conversion analogique-numérique sont ainsi souvent intégrés aux microphones micro-usinés: c'est autant de place gagnée sur le circuit imprimé. De plus, l'intégration de ces éléments au plus près de l'élément sensible renforce la fidélité des signaux en éliminant leur transit sur le circuit imprimé, au milieu d'une foule d'éléments potentiellement perturbateurs (processeurs, frontaux radiofréquences, alimentations, etc.). En délivrant directement un signal robuste, qu'il soit analogique ou numérique, ils simplifient en outre la mise en œuvre de plusieurs micros au sein du même boîtier, une pratique de plus en plus utilisée pour s'affranchir plus efficacement des bruits de fond. Les récents ICS-52000 d'InvenSense présentent par exemple l'originalité de pouvoir être chaînés par groupes de seize sur un seul bus : ils s'avèrent capables de synchroniser leurs captures sonores et se connectent directement, via un bus unique, au processeur numérique sans nécessiter de convertisseur audio. D'autres modèles offrent une sortie au format I²S, directement exploitable par un processeur embarqué ou un DSP externe. La majeure partie des microphones Mems sont basés sur une membrane souple qui se déforme sous la pression des ondes acoustiques, modifiant ainsi la capacité équivalente qu'elle forme avec une ou, comme ici, deux plaques fixes. Autre avantage important des microphones Mems par rapport aux modèles ECM : leur tenue en température. Composants microélectroniques, ils se comportent comme tels, et peuvent donc être montés en surface sur le circuit imprimé avec les mêmes outils et à la même température que les autres circuits intégrés. A contrario, un microphone ECM nécessite un outil de placement dédié et peut souffrir des fortes températures, qui lui font perdre sa sensibilité. Enfin, en termes de qualité sonore et de consommation, les microphones Mems semblent là aussi avoir l'avan-tage. Ils sont réputés meilleurs dans les graves et bénéficient d'une régularité supérieure de leurs performances à travers un lot de composants. Leur consommation, elle, n'est souvent que la moitié de celle requise par un ECM, autre argument déterminant pour tout système nomade. Une liste de fournisseurs qui s'allonge Avec tous ces atouts, et des prix de vente qui tendent à se rapprocher de ceux des microphones ECM par la grâce de la production en volume, le marché des microphones Mems aiguise logiquement les appétits. Le leader historique Knowles continue de s'approprier plus de la moitié des ventes mondiales de microphones micro-usinés, mais la concurrence existe bel et bien chez AAC, Goertek, BSE, STMicroelectronic, InvenSense, etc. Différencier les composants des uns et des autres n'est pas toujours évident : en fait, une poignée de fabricants seulement produisent les éléments micro-usinés, revendus ensuite à d'autres fournisseurs qui les intègrent avec divers blocs de traitement électronique et les commercialisent sous leur nom. Knowles, Infineon, Omron, New Japan Radio Co. (NJRC) et MemSensing produisent ainsi l'essentiel des membranes de microphones Mems du marché. L'allemand livre notamment ses puces aux chinois AAC Technologies et Goertek, au sud-coréen BSE ou encore au japonais Hosiden, avec plusieurs gammes orientées sur des marchés différents (microphones à faible bruit, ultra-compacts ou économiques). InvenSense, qui a racheté cette activité à Analog Devices en 2013, utilise, lui, les services du fondeur TSMC, tandis que STMicroelectronics se fournit, pour ces capteurs comme pour d'autres à son catalogue, chez le japonais Omron, et que plusieurs fournisseurs asiatiques achètent leurs éléments sensibles chez NJRC. Reste le cas de Bosch, acteur incontournable des Mems, qui fabrique lui-même les microphones conçus par sa filiale Akustica, mais qui cherche actuellement un repreneur pour cette activité dont les ventes peinent à décoller. On relèvera également la présence de Vesper, une jeune pousse de la côte Est américaine qui exploite une technologie de microphones Mems piézoélectriques originale: plutôt que la capacité équivalente entre des membranes mobiles l'une par rapport à l'autre, ses capteurs mesurent les vibrations sonores à partir des déformations qu'elles induisent sur un diaphragme constitué de structures souples en porte-à-faux ( cantilevers ). Cette approche serait, selon Vesper, plus robuste (immunité supérieure aux poussières et aux liquides) et moins sujette aux variations de caractéristiques d'un capteur à l'autre ( voir page 10 ). LES MICROPHONES ULTRASONIQUES DÉTECTENT AUSSI LES MOUVEMENTS > Knowles utilise également sa technologie de microphone de manière originale pour répondre à une tendance forte de l'industrie des téléphones portables et des tablettes numériques, à savoir la tentation de piloter l'appareil sans contact, simplement en esquissant des gestes basiques au-dessus de l'écran. Diverses technologies sont actuellement à l'étude dans ce domaine: variations de champs électriques (Freescale, Plessey Semiconductors, Microchip), capteurs infrarouges de type Time of Flight (STMicroelectronics, Texas Instruments, Panasonic, Toshiba, etc.), détection d'ultrasons… C'est cette dernière voie, également poursuivie par Cirrus Logic (par l'intermédiaire du rachat de Wolfson Microelectronics), qu'a choisie Knowles en lançant le premier microphone Mems à sortie numérique de l'industrie capable de capter également les fréquences ultrasoniques, jusqu'à 80kHz. > Son fonctionnement est similaire à celui d'un radar: les ondes ultrasoniques sont triangularisées afin de déterminer la présence et le mouvement d'un objet présent à proximité. Le même capteur sert également, bien sûr, à capter la voix, et offre même quatre modes de fonctionnement différents avec notamment un mode d'activation vocale à basse consommation idéal pour les applications nomades. Il est cependant nécessaire au cours de l'application d'opter soit pour un mode de fonctionnement audio classique soit pour la détection ultrasonique: le capteur de Knowles peut passer de l'un à l'autre indifféremment, mais pas supporter les deux simultanément (pour cela, il faudra implémenter plusieurs capteurs). Référencé SPH0641LU4H-1, il est encapsulé dans un boîtier avec prise de son sur le dessus mesurant 3,5x2,65x0,98mm. Son rapport signal sur bruit atteint 64,3dB, et sa consommation 235µA en mode basse consommation. < Fabriqués en technologie Cmos, les microphones de la gamme Akustica de Bosch peuvent associer la membrane sensible et l'électronique de traitement du signal sur une seule et même puce. Les critères de choix Pour l'heure, ces différentes stratégies industrielles coexistent heureusement, portées par la forte croissance du marché. Le fait que plusieurs fournisseurs utilisent les mêmes membranes explique les similitudes entre certains modèles de gammes diffé-rentes, jusque dans les tailles de boîtiers qui sont devenues à peu près standards. Parmi les critères de choix, on privilégiera bien sûr l'encombrement et le rapport signal sur bruit. Défini généralement par le niveau de pression auquel la distorsion harmonique totale atteint 10 %, le point de surcharge acoustique ou AOP ( acoustic overload point ), pas toujours indiqué par les fabricants, s'avère important dans certains environnements très bruyants (captation d'un concert par exemple, ou vidéo en extérieur par grand vent) : traditionnellement situé autour de 120 dB, il vient d'être porté au-delà des 130dB sur certains modèles afin d'éviter les phénomènes de saturation. La consommation varie également d'un modèle à l'autre, certains étant même dotés de modes basse consommation, activables lorsque le bruit ambiant ne dépasse pas un certain seuil. Comme souvent avec les capteurs et les composants analogiques, on se gardera de prendre pour argent comptant toutes les données fournies par les fabricants et reprises dans le tableau ci-contre. Les conditions de mesure de bande passante ou de réjection d'alimentation, par exemple, varient d'un fournisseur à l'autre et exigent, pour plus de précision, d'ausculter précisément les data sheets de chaque microphone, voire de les tester en laboratoire. La plupart des microphones Mems associent une membrane sensible et un circuit spécifique distinct dans un boîtier miniature. D'après une étude de la société d'analyse IHS, le marché des microphones Mems a dépassé le milliard de dollars en 2015 et devrait atteindre 1,37 milliard de dollars cette année, avec notamment une forte croissance (plus de 40 % par an en moyenne) des modèles offrant un rapport signal sur bruit supérieur à 60dB. En 2017, pas moins de 5,4 milliards de microphones Mems devraient être livrés dans le monde, contre 1,9 milliard en 2012. Si les smartphones, tablettes numériques et ordinateurs portables continuent d'être leurs principaux vecteurs (un smart-phone dernier cri peut en contenir jusqu'à une demi-douzaine), les microphones Mems pourraient également trouver des débouchés dans l'Internet des objets, le médical et l'électronique wearable . La commande vocale est particulièrement sensible à la qualité sonore, et cela pourrait aussi propulser ces composants dans les habitacles automobiles par exemple.

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