Couverture ElectroniqueS n°127

Ces dernières semaines ont été marquées par un cortège d'annonces de la part des constructeurs, des équipementiers et des fournisseurs de services. Se sont succédés expérimentations, accords de partenariat et promesses de commercialisation. A lors que la réglementation prenant en compte l'avènement de la voiture autonome à moyen terme se met en place dans notre pays, et que la recherche s'active avec des projets européens (voir notre dossier «Événements de l'été »), beaucoup d'acteurs du secteur de l'automobile et des services se sont engouffrés, au cours de ces dernières semaines, sur la route de la voiture autonome et connectée. Un peu plus d'un siècle après l'apparition de l'automobile, cette nouvelle révolution s'annonce gigantesque. La voiture autonome, va comme son ancêtre, modifier nos habitudes de déplacement, accroître notre sécurité, voir apparaître de nouveaux modèles économiques, notamment avec l'auto-partage, et bousculer l'écosystème des acteurs. D'après une étude récente parue dans la revue américaine «Science», l'adoption généralisée de voitures autonomes pourrait éliminer jusqu'à 90 % des accidents de la circulation. Mais elle soulève également des questions éthiques, comme celle de savoir si le véhicule doit sacrifier ses occupants pour éviter la collision avec des piétons. De nouveaux entrants tels que Google ou Uber, et une kyrielle de start-up se pressent aux portes de ce nouveau marché et espèrent saisir des opportunités de business. Toute la chaîne de l'industrie automobile pourrait s'en trouver bénéficiaire, depuis les fournisseurs de composants jusqu'aux fournisseurs de services dédiés à la voiture autonome, en passant bien sûr par les constructeurs et les équipementiers. Automatisation de niveau 4 sur une échelle de 5 C'est ainsi que, durant les dernières semaines, se sont succédées de nombreuses annonces préfigurant la mise en place d'alliances et de feuilles de route dans le domaine de la voiture autonome et connectée. La plupart des grands constructeurs automobiles, et toute une série de grands noms du secteur technologique, travaillent en effet actuellement sur des projets de voitures sans chauffeur ou sur des technologies qui permettront d'atteindre cette étape ultime. BMW a par exemple conclu un partenariat avec le spécialiste israélien des systèmes d'assistance à la conduite Mobileye et le géant des semi-conducteurs Intel. Tandis que BMW est le plus gros fabricant de voitures de luxe dans le monde et Intel le plus grand fabricant de semi-conducteurs, Mobileye est le premier fournisseur de capteurs utilisés dans les systèmes d'aide à la conduite équipant les dernières générations de véhicules. Les analystes estiment que Mobileye occupe d'ores et déjà 70 % du marché des dispositifs anticollisions, élément essentiel de la voiture autonome. Mobileye travaille aussi étroitement avec le groupe de semi-conducteurs franco-italien STMicroelectronics dans les capteurs. En mai dernier, les deux sociétés avaient prolongé un accord de 12 ans pour développer un système « de cinquième génération» qui, selon elles, équipera des systèmes de conduite entièrement autonomes pour des voitures qui sortiront sur le marché en 2020. La start-up israélienne vient également d'annoncer un partenariat avec Delphi. Les deux entreprises indiquent dans un communiqué commun « allier les systèmes de vision et de capteurs de Mobileye et les logiciels de conduite automatisée de Delphi » pour créer la « première solution clé en main de conduite automatique de niveau 4 sur une échelle de 5 ». La Société des ingénieurs automobiles établie aux États-Unis définit le niveau 4 comme celui de « l'automatisation élevée » dans toutes les conditions, hormis les plus défavorables, et le niveau 5 comme celui de « l'automatisation complète » dans « toutes les conditions de route et d'environnement qui peuvent être gérées par un conducteur humain ». Le partenariat vise à fournir aux constructeurs une solution pouvant être rapidement intégrée aux véhicules. Le produit de ce partenariat devrait être présenté en démonstration au Consumer Electronics Show de Las Vegas en janvier 2017 et prêt à la production en 2019, selon les deux partenaires. 21 MILLIONS DE VOITURES AUTONOMES… D'ICI À 2035 SELON IHS > IHS Automotive, la branche automobile du cabinet d'études américain IHS, estime qu'il pourrait y avoir 21 millions de véhicules autonomes sur les routes dans le monde d'ici 2035. Plus réaliste que d'autres cabinets d'études, IHS, comme de nombreux constructeurs, reste persuadé qu'il faudra encore attendre plus d'une décennie pour voir des voitures autonomes sur nos routes en grand nombre. > « Les ventes globales de véhicules autonomes atteindront seulement 600 000 unités en 2025 », note Egil Juliussen, directeur de recherches chez IHS Automotive. Puis, à partir de 2025, la croissance moyenne des ventes de voitures autonomes devrait atteindre 43 % par an pour parvenir ainsi à 21 millions de véhicules en 2035. La demande initiale la plus forte devrait provenir des États-Unis où les constructeurs ont anticipé le développement et les tests de tels véhicules. Plusieurs milliers de voitures autonomes devraient ainsi être en circulation sur les routes américaines dès 2020, selon IHS. Suivront le Japon et la Chine avec un million de voitures dotées de capacités d'autonomie au Japon d'ici 2035. La Chine devrait rattraper les États-Unis avec 5,7 millions d'unités en circulation en 2035, contre 4,5 millions aux États-Unis, 3 millions en Europe de l'Ouest et 1,2 million en Europe de l'Est. Grâce à des technologies qui seront fournies par les fabricants de composants et les équipementiers, le constructeur automobile américain Ford ambitionne, quant à lui, de livrer en grande quantité, à horizon 2021, des véhicules totalement autonomes pour des services commerciaux de voitures partagées ou de réservation de taxis. Grâce à des technologies qui seront fournies par les fabricants de composants et les équipementiers, le constructeur automobile américain Ford ambitionne de livrer en grande quantité, à horizon 2021, des véhicules totalement autonomes. Ford conclut plusieurs partenariats Pour atteindre cet objectif, le groupe a dévoilé une série de partenariats avec des start-up, dont Velodyne, un fabricant californien de capteurs utilisés sur les voitures autonomes dans lequel il a réalisé, avec le groupe internet chinois Baidu, un investissement commun de 150 millions de dollars. Velodyne est spécialisé dans les capteurs dits Lidar ( Light, detection and ranging ), qui permettent de créer des images numériques en 3D utilisées pour cartographier l'environnement, localiser et identifier des objets, et éviter des collisions. L'entreprise dit pouvoir recueillir des données exactes au centimètre près dans un rayon de 200 mètres. Ford a aussi annoncé avoir acquis la société israélienne SAIPS, spécialisée dans l'intelligence artificielle. Le groupe évoque par ailleurs un accord exclusif de licence avec Nirenberg Neuroscience, une autre société spécialisée dans l'intelligence artificielle et la vision, qui doit l'aider à apporter une intelligence similaire à celle des humains aux modules d'apprentissage informatique du conducteur virtuel de ses véhicules autonomes. Ford avait déjà investi plus tôt cette année dans deux autres entreprises californiennes : en mai, le groupe avait injecté un peu plus de 180 millions de dollars dans Pivotal, spécialisée dans les logiciels pouvant entre autres servir pour les voitures connectées, et en juillet, il avait participé à une levée de fonds de Civil Maps, qui utilise l'intelligence artificielle pour faire de la cartographie 3D en haute définition. Le groupe automobile a parallèlement cherché ces dernières années à étendre sa présence dans la Silicon Valley, où il avait ouvert début 2015 un centre de recherche à Palo Alto employant actuellement plus de 130 chercheurs, ingénieurs et scientifiques. Il a annoncé son intention de le transformer en un véritable «campus», à l'image des sièges sociaux des géants du secteur technologique, en ajoutant deux nouveaux bâtiments et en doublant les effectifs d'ici la fin de l'année prochaine. Il compte également de nouveau tripler en 2017, pour la deuxième année consécutive, sa flotte de voitures sans chauffeur utilisées pour des tests aux États-Unis, ce qui la portera à environ 90 véhicules. Expérimentations en vraie grandeur Certains acteurs vont même jusqu'à mettre en circulation des voitures autonomes dès à présent… il est vrai au compte-gouttes et avec la supervision de leurs ingénieurs. Dans la course à l'offre de véhicules autonomes, la start-up américaine nuTonomy vient ainsi de faire circuler six taxis sans chauffeur dans un périmètre restreint à Singapour. Il s'agit de voitures électriques Renault Zoe et Mitsubishi i-MiEV transformées pour l'occasion. Cette expérimentation en grandeur réelle s'est déroulée dans une zone délimitée de quatre kilomètres carrés avec des endroits désignés pour prendre et déposer des passagers. Les courses doivent être réservées sur un smartphone via l'application de nuTonomy, société américaine qui emploie une trentaine de personnes à Singapour. Il y a un ingénieur à bord de chaque véhicule pour vérifier que tout se passe bien lors des déplacements et pour intervenir en cas de problème. « L'essai représente une opportunité extraordinaire pour recueillir des avis de passagers dans un environnement réel », a déclaré le patron et cofondateur de la start-up, Karl Lagnemma. « Ces avis vont donner un avantage unique à nuTonomy, dans la mesure où nous préparons le déploiement d'une flotte de véhicules autonomes en 2018 », ajoute-t-il. D'autres initiatives sont annoncées. Uber, le service américain de réservation de véhicules par téléphone mobile déployé dans de nombreux pays, dont la France, a indiqué récemment qu'il mettrait en service des voitures sans conducteur dans la ville américaine de Pittsburgh d'ici quelques jours. De son côté, la société Alphabet, maison-mère du géant Internet Google, avait annoncé en mai dernier un partenariat avec le constructeur automobile Fiat Chrysler pour développer sa flotte de voitures autonomes, qu'elle espère mettre en service d'ici la fin de cette année.

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