Couverture ElectroniqueS n°127

Les recherches vont bon train pour la mise au point de résines EUV à forte sensibilité qui puissent opérer de concert avec les sources actuelles, de puissance moyenne. Les films protecteurs des masques EUV font aussi l'objet d'études pointues. C'est, entre autres, ce qui ressort des dernières conférences SPIE. C ette année, les conférences SPIE sur les avancées en matière de lithographie se sont déroulées du 21 au 25 février 2016, à San Jose (Californie). Elles ont permis de faire le point sur les recherches actuelles en matière de lithographie EUV (aux rayons ultraviolets extrêmes), notamment en ce qui concerne la mise au point de nouvelles résines photosensibles à forte sensibilité, l'amélioration des sources EUV et la détection des défauts des masques. La puissance des sources EUV actuelles étant à peine suffisante pour une utilisation industrielle de la lithographie EUV, les chercheurs travaillent à améliorer la composante réception de la chaîne: la sensibilité des résines photosensibles. Ce qui s'avère d'emblée difficile avec les résines traditionnelles parce qu'elles obéissent à un compromis entre trois paramètres: la sensibilité (S), la résolution (R) et la rugosité de bord de ligne (L). Toute augmentation de l'un de ces facteurs a pour conséquence une réduction des deux autres. Enfin, telle était la loi jusqu'alors: en effet, des chercheurs de Tokyo Electron, de JSR Corp., de l'institut Paul Scherrer et d'ASML ont mis au point de nouvelles résines chimiquement amplifiées (CAR pour Chemically Amplified Resist ) à forte sensibilité, sans diminution de la résolution et de la rugosité de bord! D'autres communications ont également fait état de nouvelles résines tant CAR que non-CAR (non chimiquement amplifiées) à sensibilité élevée. L'université d'Osaka a montré comment elle a réussi à augmenter la sensibilité de résines PS-CAR ( Photosensitized Chemically Amplified Resist ) à partir d'un procédé alliant lithographie EUV et exposition à un flot d'UV. Des chercheurs de Tokyo Electron, de JSR Corp., de l'institut Paul Scherrer et d'ASML ont mis au point de nouvelles résines chimiquement amplifiées à forte sensibilité – sans contreparties pour la résolution et la rugosité de bord. Une équipe mixte entre l'Imec, Tokyo Electron et JSR a mis au point deux familles différentes de résines photosensibles à sensibilité élevée à base de composants métalliques. Les éléments de la première de ces familles incluent des composés métalliques – qui jouent le rôle d'agent sensibilisant – au sein de résines chimiquement amplifiées traditionnelles. Les photo-résines de la seconde famille sont des résines EUV non-CAR intégrant des nanoparticules d'oxydes métalliques. De son côté, l'EUVL Infrastructure Development Center (Japon) a mené des recherches qui vont dans le même sens que celles de l'équipe mixte précitée : elles montrent que les résines non-CAR à inclusions de métal présentent une sensibilité plus grande à l'EUV que les résines conventionnelles. Ainsi qu'une résistance plus élevée à la gravure chimique. Les communications d'une équipe de recherche JSR-université Cornwell ont mis en lumière la sensibilité élevée de photo-résines à nanoparticules d'oxydes métalliques. Notamment de résines à nanoparti-cules d'oxyde de zirconium. Dans un autre exposé, l'université de Cornwell a pointé les excellentes caractéristiques obtenues avec une photo-résine à nanoparticules de méthacrylate de zirconium : bonne sensibilité pour une exposition aux EUV d'énergie 4,2 mJ/cm 2 ,avec résolution de 22 nm et rugosité de bord de ligne ( Line Edge Roughness ou LER) de 5,6nm. Il demeure que la modélisation des photo-résines à inclusions métalliques reste à réaliser. Pour y arriver, il faut encore travailler à mieux comprendre l'absorption photonique tant du point de vue optique que du point de vue électronique. C'est à ce travail que se sont attelés des chercheurs d'une équipe réu-nissant KLA-Tencor, l'Inpria et l'Imec. Malgré ce manque de formalisation, des recherches ont déjà démarré sur l'utilisation en production de process de création de motifs sur résines EUV à oxydes métalliques. Ainsi, une équipe réunissant des chercheurs de l'Imec, de l'Inpria (spécialiste des résines photosensibles EUV) et de TEL ont présenté à SPIE une communication sur le sujet. Leur procédé de création de motifs sur résines photosensibles à oxydes métalliques a été testé sur une ligne Imec de fabrication de circuits intégrés 7 nm, utilisant un équipement de lithographie EUV NXE3300 d'ASML. Inpria a conçu et développé la résine photosensible aux oxydes métalliques, et TEL a fourni l'outil de gravure. Le procédé en question apparaît comme plus simple - et moins onéreux- que le procédé à base de résines photosensibles traditionnelles. Une équipe mixte entre l'Imec, Tokyo Electron et JSR a dévoilé deux familles de résines photosensibles à base de composants métalliques, présentant une sensibilité plus élevée que les résines traditionnelles. La protection des masques complique le problème Les masques utilisés avec la lithographie EUV (masques dits en réflexion) sont fabriqués par déposition de couches de silicium et de molybdène sur un substrat de verre. Dans un premier temps, le substrat est fabriqué puis contrôlé de façon à ce qu'il ne présente pas d'irrégularités (creux et bosses). Une fois ce substrat contrôlé, on y dépose des couches alternées de molybdène et de silicium. Après un nouveau contrôle, cette ébauche de masque est gravée via faisceau laser puis soumis à nouveau à un test. Une fois gravé, le masque EUV doit encore être protégé des poussières de l'environnement et des résidus issus de réactions photochimiques. Pour ce, on le recouvre d'un film protecteur. ASML a annoncé de tels films dès la fin de 2014. Et à SPIE 2016, ce spécialiste des équipements de production de semi-conducteurs en a présenté « une solution industrielle aboutie » , dite NXE. Cette annonce n'empêche pas que les recherches sur les films protecteurs continuent ainsi que l'ont montré plusieurs interventions d'experts à SPIE 2016. En effet, le film protecteur absorbe de l'énergie : aussi cherche-t-on à réduire cette absorption. Pour ce, l'Imec, par exemple, étudie divers types de films (poreux, non poreux…). Au même titre que tout sous-ensemble, les pellicules de protection doivent être testées (encore que le débat sur le sujet soit toujours ouvert…). Dans ce cadre, l'université d'Hanyang a présenté une technologie de test par ellipsométrie – une technique de caractérisation et d'analyse des surfaces reposant sur le changement d'état de polarisation de la lumière, lors de la réflexion de cette lumière sur la surface plane à analyser. La méthode mise au point par Hanyang permet la mesure de l'épaisseur du film en plus du dépistage des éventuels défauts de ce dernier. Enfin, parce que la pose d'un film de protection complique l'inspection des masques eux-mêmes gravés, des chercheurs de KLA-Tencor et d'IBM ont mis au point une méthode d'inspection à partir de systèmes du commerce : ils ont présenté à SPIE leurs travaux sur l'inspection de masques EUV protégés par film de nitrure de silicium via un système ArF (fluorure d'argon). L'inspection des masques est loin d'être une histoire terminée : elle continue à faire l'objet de recherches assidues. À SPIE 2016, des experts d'Ushio et du Fraunhofer ont ainsi communiqué sur l'utilisation d'un prototype de source EUV LDP ( Laser assisted Discharge Plasma ) pour l'inspection de masques, à cadence élevée. Et des scientifiques de l'EUVL Infrastructure Development Center et d'Ebara (Japon) ont fait un exposé sur un système d'inspection à microscope PEM ( Projection Electron Microscope ) dédié à l'inspection des masques gravés. Ce système a été expérimenté au niveau du nœud technologique 16nm. En ce qui concerne les films de protection, ASML a présenté « une solution industrielle aboutie ». Malgré tout, les recherches continuent avec pour objectif de diminuer l'absorption en énergie de ce film. De la nécessité d'entretenir les optiques L'utilisation d'équipements de lithographie EUV s'accompagne de l'irruption de nouveaux problèmes liés au fonctionnement même de ces systèmes. La contamination des optiques en fait partie: elle diminue à la fois la productivité de l'appareil et la qualité de l'image. Des chercheurs de l'université de l'Illinois ont annoncé, lors de SPIE 2016, la mise au point d'un système in situ de suppression des dépôts d'étain «accrochés» aux optiques collectrices ; ce système utilise un plasma hydrogène. Ces dépôts d'étain sont en partie la conséquence de la décomposition de molécules de stannane (SnH4) avec re-dépo-sition d'étain sur les optiques réfléchissantes. Ces chercheurs ont déterminé expérimentalement le nombre de radicaux hydrogène nécessaires à l'extraction d'un atome d'étain. La composition actuelle des masques est aussi remise en question. Une équipe mêlant des experts de Globalfoundries, de Suny Poly Sematech, de l'Imec et du Lawrence Berkeley National Lab. a présenté une étude sur le remplacement des alternances de couches de molybdène et de silicium sur le substrat – qui induisent des erreurs et nécessitent des corrections – par des alternances de ruthénium et de silicium. Last but not least , les sources EUV continuent aussi à faire l'objet de recherches. Des universitaires de Purdue ont, par exemple, proposé, dans le cadre de sources EUV à double faisceau laser, la réhabilitation du lithium en remplacement de l'étain pour les collecteurs. Ils ont notamment travaillé à résoudre les deux problèmes majeurs posés jusqu'alors par l'utilisation du lithium : la faiblesse de son efficacité de conversion (CE) et le grand nombre de débris générés lors de la collision du faisceau avec l'optique collectrice.

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