Couverture ElectroniqueS n°127

Certains pays, comme l'Allemagne, qui privilégient la facturation en euro, ont affiché des croissances faibles au cours des deux premiers trimestres 2015. D'autres, comme la France, qui facturent surtout en dollar, ont enregistré des progressions conséquentes dues à l'augmentation d'environ 20% en un an de la valeur du dollar par rapport à l'euro. D epuis mai 2014, parce que l'Europe a joué de la planche à billets, la valeur de l'euro a baissé par rapport au dollar: de 1€ 1,391$ le 7 mai 2014, on est passé à 1 € 1,049 $ le 15 mars 2015, ce qui correspond à une perte de valeur de 25 % pour l'euro par rapport au dollar ; depuis, l'euro a regagné un peu mais demeure à un niveau bas (1 € 1,115 $, le 5 septembre 2015). Et nombre d'économistes prévoient que le taux de change « € vs $ » n'évoluera pas beaucoup par rapport à la valeur actuelle. « L'euro peut très bien revenir à 0,95 $ à la fin de 2016 », indiquait même Pierre-Olivier Beffy, chef économiste d'Exane BNP Paribas, lors d'un entretien accordé à Investir.fr, le 28 août dernier. A noter que les économistes considèrent toujours dans leur majorité que le taux de change optimal pour la zone euro se situe entre 1,20 et 1,25 dollars. Loin de nous l'idée de nous lancer dans une controverse sur ce thème. Ce que nous souhaitons mettre en relief dans cet article, ce sont les conséquences de l'évolution du taux de change €vs$ pour les chiffres du marché de la distribution de composants en Europe. En effet, à partir de la mi-2014, l'évolution du taux de change €-$ a artificiellement augmenté la croissance de certains des marchés européens de la distribution de composants, au sein desquels un pourcentage conséquent de distributeurs facture en dollar à leurs clients. Pour intégrer ces facturations en dollar dans leurs comptes (réalisés en euro, par exemple), ces distributeurs convertissent ensuite en euro (ou dans d'autres monnaies européennes) les factures réglées par les clients en dollar. A noter que la loi française précise que, dans le cas d'une facturation dans une autre monnaie que l'euro, le taux de conversion appliqué par le fournisseur pour convertir en euro le règlement dans la monnaie choisie (dollar dans le cas qui nous préoccupe) n'a aucune obligation à être le même que le taux de change retenu contractuellement entre le client et le fournisseur. Toujours est-il que, nous le redisons, il y a une différence importante dans les variations des marchés de la distribution de composants entre les divers pays européens suivant que, dans ces pays, les distributeurs facturent en dollar ou en euro (ou dans d'autres monnaies nationales européennes comme la livre sterling). « Le déclin de presque 20% en un an de l'euro par rapport au dollar et à la livre sterling a affecté positivement les pays comme la France, les pays scandinaves et les pays d'Europe de l'Est – qui ont en effet enregistré des croissances àdeux chiffres de leurs ventes de composants électroniques par la distribution – parce que les affaires s'y traitent fréquemment en dollar. Par contre en Allemagne et en Italie, où la distribution facture principalement en euro, les croissances des ventes de ce secteur se sont avérées “normales” », constatait ainsi, en mai dernier, Georg Steinberger, président du DMASS, organisme fournissant des données sur le marché européen de la distribution de s semi-conducteurs industriels (semi-conducteurs alimentant les marchés hors PC), ainsi que président du FBDi, syndicat allemand des distributeurs de composants électroniques. au 2 e trimestre 2015, les ventes de composants électroniques d'electrocomponents ont progressé de 5% sur un an (à taux de change et à nombre de jours travaillés constants). Le chiffre d'affaires de Premier farnell a, pour sa part, affiché une hausse de 2,2% sur un an. Une hausse égaleàdeuxfois la croissance réelle Commentant la progression de 13,3% (à 1,82 milliard d'euros) du chiffre d'affaires de la distribution européenne de semi-conducteurs industriels (hors composants pour PC) au premier trimestre 2015, M. Steinberger avait indiqué : « Nous estimons qu'environ la moitié de cette progression résulte de la hausse du dollar par rapport à l'euro ». Bien que ce ne soit pas la seule cause de leur succès, les marchés facturant majoritairement en dollar ont de fait affiché, au premier trimestre de cette année, des hausses conséquentes: +30% pour Israël et la Turquie, +29% pour les pays de l'Est (hors Russie dont le marché, affligé par les sanctions européennes, a chuté de 15%) et +23 % pour les pays nordiques. La France (+17,2% à 146 M€) et le Royaume-Uni (+16,3 % à 158 millions d'euros) arboraient, eux aussi, des croissances supérieures à la moyenne européenne (13,3%). Par contre, les deux pays européens qui facturent majoritairement en euro ont réalisé des scores inférieurs à cette moyenne: +8,4% à 171M€ pour l'Italie et +5,6 % à 544 M€ pour l'Allemagne. Notons que l'euro s'est déprécié de 21% par rapport au dollar au cours de l'intervalle de temps qui nous intéresse : entre le 1 er avril 2014 (1€1,379$) et le 1 er avril 2015 (1 € 1,088$). Les constatations sont quasiment les mêmes pour l'évolution sur un an du marché européen de la distribution de semi-conducteurs industriels au 2 e trimestre 2015. A une nuance près cependant, l'euro a légèrement moins baissé (-19%) par rapport au dollar entre le 1 er juillet 2014 (1€1,366$) et le 1 er juillet 2015 (1 € 1,105 $). Mais, comme pour le premier trimestre, la France (+18,3 % à 145M€) et le Royaume-Uni (+17% à 153M€) ont affiché des scores supérieurs à la moyenne européenne (+16%) alors que l'Italie (+13,6% à 183M€) et l'Allemagne (+5,9% à 546M€) étaient, quant à elles, toujours à la peine. L'Allemagne est le pays qui ale plus souffert du phénomène. La distribution allemande de composants électroniques (semi-conducteurs, passifs, électromécaniques ainsi qu'afficheurs et alimentations, selon la nomenclature adoptée par le FBDi, le syndicat allemand de la profession) a, au premier trimestre 2015, réalisé un chiffre d'affaires de 783 millions d'euros en hausse de 3,4 % par rapport au premier trimestre 2014. Au 2 e trimestre 2015, le FBDi a annoncé une progression sur un an de 2% pour ce marché, à 772M€. Le Royaume-Uni: entre hausse du dollar et baisse de l'euro DMASS et Idea – organisme représentant la distribution européenne de composants électroniques (semi-conducteurs, composants passifs et électromécaniques)– publient des données de marchés en euros. Nous avons indiqué, dans ce qui précède, comment les facturations en dollars ont gonflé la crois-sance européenne des distributions de semi-conducteurs industriels (données DMASS). Les mêmes constatations valent pour les chiffres de marché publiés par Idea. Dans les deux cas, les données relatives au Royaume-Uni sont plus délicates à manier parce qu'elles sont fournies aux organismes précités (DMASS et Idea) en livre sterling, ceux-ci les convertissant ensuite en euro. Il y a donc, dans les cas de facturations en dollar par des distributeurs britanniques, deux conversions: la première de dollar à livre sterling, et la seconde, de livre sterling à euro. Or, l'euro a baissé par rapport au dollar ainsi qu'à la livre sterling, mais dans des proportions différentes. Au cours des deux dernières années (entre le 5 septembre 2013 et le 5 septembre 2015), la livre sterling a varié de 15% par rapport au dollar. A sa valeur la plus élevée, elle représentait 1,716 $; à son périgée, elle valait 1,463 $. Le 5 septembre dernier, elle cotait 1,516 $. Pour la période qui nous intéresse (premier et deuxième trimestres 2015), la variation sur un an avoisine les 10%. Plus exactement, entre le 1 er avril 2014 et le 1 er avril 2015, la livre sterling est passée d'une valeur de 1,663$ à une valeur de 1,483$ (-10%) ; et entre le 1 er juillet 2014 et le 1 er juillet 2015, elle a reculé de 1,715 $ à 1,561 $ (-9%). Par contre la livre sterling s'est appréciée par rapport à l'euro: de 23% entre sa valeur la plus haute et sa valeur la plus basse.Etle5septembre dernier, elle cotait 1,360 €. Pour la période qui nous préoccupe (1 er et 2 e trimestre 2015), la hausse Les marchés de la distribution européenne de semi-conducteurs industriels qui ont le plus progressé au premier et au deuxième trimestre 2015 sont ceux dont les acteurs facturent majoritairement en dollars. GeorG steinBerGer, président de dmass sur un an de la livre sterling par rapport à l'euro est de 13 %. Exactement, le 1 er avril 2014, 1£ 1,206 €, alors que le 1 er avril 2015, 1£ 1,364€ ; et, le 1 er juillet 2014, 1£1,254€ alors qu'un an plus tard, 1 £ 1,413 €. Quoi qu'il en soit et pour conclure, une partie de la distribution britannique facturant en dollar, les précédentes remarques concernant la France valent également pour le Royaume-Uni: les +17% du premier trimestre 2015 et les +16,3 % du deuxième trimestre selon DMASS correspondent à des progressions dopées par la hausse du dollar et de la livre sterling par rapport à l'euro. Baisse de forme pour Premier Farnell Alors que jusqu'à l'année dernière, l'ensemble des acteurs de la distribution par catalogue et par Internet (Electrocomponents, Digi-Key, Mouser et Premier Far-nell) affichaient d'excellents résultats, certains comme Premier Farnell ont donné des signes de fatigue. A noter que nous nous sommes ici contentés d'indiquer les variations de chiffres d'affaires à taux de change constants et à nombre égal de jours travaillés. Ainsi, au cours de son 2 e trimestre fiscal 2016 (de début mai à fin juillet 2015, grossièrement assimilable à un 2 e trimestre calendaire 2015), Premier Farnell a annoncé (données préliminaires publiées le 29 juillet dernier) une progression de son chiffre d'affaires global de 1,2% sur un an. En particulier, les ventes de composants ont crû de 2,2 % : +2,1% en Europe, +0,4 % dans les Amériques et +10,6 % en Asie. La croissance en Europe (+2,1%) a fléchi par rapport à celle du premier trimestre fiscal 2016 (+5,9%). Ce en raison de piètres performances en Allemagne, en France et au Royaume-Uni. Commentant les résultats de son premier trimestre fiscal 2016, le cataloguiste y avait déjà pointé « une faiblesse au Royaume-Uni » (communiqué du 18 juin 2015, de la société). En tout cas, les résultats obtenus ont été jugés insuffisants par le comité de direction du groupe qui a décidé d'un changement de directeur général : Laurence Bain a quitté Premier Farnell en août dernier. “ Nous estimons qu'environ la moitié de la progression du 1 er trimestre résulte de la hausse du dollar par rapport à l'euro. ” Concurrent direct de Premier Farnell, le cataloguiste britannique Electrocomponents (marque RS Components) a publié, en juillet dernier, les résultats préliminaires de son premier trimestre fiscal 2016 (début avril - fin juin 2015). Les ventes au Royaume-Uni y présentent un recul de 1% sur un an (à taux de change et à jours travaillés constants) alors que les ventes en Europe continentale (hors Royaume-Uni) affichent une croissance de 13%. Par comparaison, au cours du deuxième trimestre 2015, les deux leaders mondiaux de la distribution de composants, Avnet et Arrow, ont, pour l'Europe, indiqué : des ventes en hausse de 11,1% sur un an à taux de change constants et hors acquisitions (+0,2% en données brutes) à 986,7M$, pour Arrow; et des ventes en hausse de 9,7% sur un an à monnaies constantes mais en recul de 10,7% en données brutes, à 1245M$, pour Avnet.

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